Tuesday, October 31, 2006

Visca Barça



Dans une heure et 18 minutes, le monde va arrêter de tourner (Si, si, essayez de regarder par la fenêtre, vous verrez, tout sera "figé").

Go, Barça, Go !

(Extraits de pensées d'un fan inconditionnel. Ils sont fous ces fans !)

Saturday, October 28, 2006

Une certaine idée du bonheur

Ça me vient comme ça. À 11:40 du soir de ce dernier samedi d'Octobre, par une nuit pluvieuse. Je me pose des questions sur le bonheur, le malheur. Je me demande quelle définition je pourrais donner à ces deux états d'âmes. Alors, je me rappelle cette phrase de ce grand ami, que je n'ai jamais eu, Romain Gary : il ne faut pas avoir peur du bonheur. C'est seulement un bon moment à passer (Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable - P123).

La question qui se pose : et le malheur ? Est-ce seulement un mauvais moment à passer ? Faut-il en avoir peur ?

([Presque] rien à voir avec ce post, mais...Onassis pense dans sa petite tête en ce moment : Si seulement tu ne t'étais pas suicidé ce 2 Décembre 1980. Si seulement. Qui sait les chefs-d'oeuvres que tu avais encore au fond de toi ? )

Thursday, October 26, 2006

La phrase de la semaine

Lu hier aux alentours de minuit dans l'Hiver de force : "Prolifique, ça fait vil."

Amies blogueuses, amis blogueurs, cessons d'être prolifiques. Faisons honneur à André et Nicole. N'écrivons qu'une fois par semaine !

Wednesday, October 25, 2006

Où sont-ils ?



Où sont-ils ?

Dans mon pays natal, dans le Maroc de mon cœur et de mon enfance, il y eut d’abord les berbères. Les berbères avaient leurs langues (il y en a trois), leurs traditions, leur culture. Les arabes arrivèrent un jour (vers le septième siècle) et imposèrent leur langue (vous l’aurez deviné : l’arabe) et leur religion (islam). Il a fallu des siècles et des siècles avant que les berbères aient accès à certains de leurs droits (notre siècle !) : étudier dans leur langue, voir et écouter des nouvelles en langue berbère, etc. Attention, je ne fais ici aucune apologie à la haine, aucun appel à la vengeance, je cite des faits historiques. Je suis moi-même né au Maroc, et je crois fermement que, de nos jours, aucun Marocain ne peut se targuer d’être un pur arabe ou un pur berbère. Le métissage ou l’amour, appelez ça ce que vous voulez, toujours est-il que, comme dirait un professeur que je respecte (I.M, Pratiquant la vertu sans y croire), un jour quelqu’un est allé jouer dans le bois. Et nous voilà. Berbères et arabes mais, surtout, êtres humains…

Je fais donc l’analogie avec les Amérindiens. Je fais donc la comparaison avec les Aborigènes d’Australie. Je trouve ça donc aberrant.

Où sont-ils ?

À mon arrivée au Canada, par un froid décembre de 1998, je pensais, je croyais naïvement que Montréal, ainsi que les autres villes du Canada, serait pleine d’Amérindiens. Je les appelais d’ailleurs les indiens. Ne m’en voulez pas, ce sont mes longues et joyeuses journées d’enfance et d’adolescence à lire Blek-le-Roc, Rodéo, etc. : des bandes dessinées relatant des histoires de trahisons de visages pâles, de tueries d’indiens, de troc de terre-alcool…Je me suis gouré. Affreusement gouré. Je n’en voyais pas. Presque pas. C’est à l’université que j’en ai vu le plus. Enfin, pas à l’université. En allant à l’université. Dans les couloirs menant de la station Place-Des-Arts au département sciences de l’UQAM (Président-Kennedy). Des étudiants ? Mais non. Seriez-vous aussi naïfs que moi ? Nâh. Saouls. Quêtant de l’argent. Ou de la bière. Ou n’importe quoi qui les ferait flyer, fuir cet univers qui n’est pas le leur. Je trouvais tout cela triste. Et j’ai essayé de comprendre. Je n’ai jamais compris.

Il existe un certain racisme latent (et moins latent) envers les Amérindiens au Canada. J’ai osé demander, en boutade, à un livreur, qui travaillait avec moi dans un dépanneur du Plateau, s’il était Amérindien. Le gars s’est fâché. Vas-y que je ne suis pas Amérindien. Vas-y que je suis noble. Vas-y que je ne suis pas alcoolique. Bien sûr, je ne me base pas sur un simple geste isolé pour parler de racisme. Je me base sur des faits. D’abord et surtout, l’attitude du gouvernement. Cette fameuse équation restez-dans-vos-réserves-et-nous-vous-donnons-de-l’argent. C’est eux qui l’ont demandé ? C’est notre façon de réparer nos erreurs ? Bullshit. Oui, oui. Caca de taureau. N’est-ce pas une façon de pousser les gens comme moi à se demander : où sont-ils ? N’est-ce pas une manière sournoise de mettre les Amérindiens à l’écart de la société ?

Je ne possède pas les chiffres. Mais tout le monde le sait. Le diabète frappe les Amérindiens des réserves. L’alcoolisme. Le système scolaire (dans les réserves, j’insiste) n’est pas adapté à leur réalité, à leur culture. (Ont-ils besoin de vacances pendant noël ? Non. Mais pour la saison de la chasse ? Peut-être bien que oui.) Ils n’ont pas de modèles à qui s’identifier. Quel serait mon héros si j’étais un jeune Amérindien de 10 ans ? (Probablement Marlon Brando pour son fameux refus de l’Oscar du meilleur second rôle pour le Parrain, pour protester contre la politique raciste des Etats-Unis envers les Amérindiens. Mais encore faut-il le savoir) Ils sont étrangers dans leur propre pays. Exilés dans la terre de leurs ancêtres.

Le Canada traite mieux ses immigrants que ses autochtones. Le Canada envoie de l’aide au Liban, Haïti, les pays touchés par le tsunami, les pays d’Afrique Subsaharienne, etc. Qu’en est-il de ses autochtones ? A-t-on un plan pour redresser la situation ? Allons-nous laisser les quelques mafiosos Amérindiens, en leur donnant les pleins pouvoirs, en leur fournissant l’argent et pas les munitions, en nous donnant bonne conscience, tuer, démolir, anéantir une culture riche et vieille, une civilisation entière, un peuple qui a pleinement le droit de vivre ? Je n’ai pas de réponses. Je n’ai pas de solutions. En avez-vous ? En ont-ils ? Il y a quelqu’un ?

Où sont-Ils ?

Tuesday, October 24, 2006

Nostalgie Atlantique



Je hume l’air de la mer qui m’est si lointaine. Je le respire. Mais la mer est si lointaine. Mais l’air n’est point ici. Il est loin. Alors, je me bats. Mon esprit le crée. Mon esprit le fait naître. Et naissent avec lui les souvenirs de mon humble passé. Je suis le feu. Je suis le vent. Je suis la légèreté. Je te respire. Tu me remplis. Je te parle. Tu es mon fidèle ami. Tu es mon sauveur. Tu es ma fraîcheur. Mais pourquoi es-tu si loin ? Pourquoi la vie est-elle si dure ? Ne réponds pas. Je sais tout. Je sais tout. J’ouvre mes narines. Je ferme les yeux. La vie n’est guère rose, la vie est bleue, bleue comme un beau ciel, bleue comme un beau matin d’été. Le soleil m’ouvre les bras, il est mon frère. Les images d’une autre vie, vue du haut de mon mètre et des poussières, m’envahissent les paupières. Je suis un cerf-volant. Je suis un arc-en-ciel. Je flotte. Je cours. Je cours sans épuisement. Je tombe et je me relève. Le sourire domine mon visage. Et ce regard. Ce regard d’un autre âge. Je l’ai gardé, ce regard. En souvenir de nous. En souvenir de ce passé, en souvenir d’antan, en souvenir de la beauté et des rêves, de la richesse pauvre, de l’innocence spontanée. Je l’ai gardé, pour toi, chère mer, chère mère, mon Atlantique. Mon Atlantique. Je t’écris tous les jours, des poèmes que j’offre au vent. Les poèmes s’envolent et battent leurs ailes. Je les regarde partir vers toi et mes larmes ne me suffisent pas. Des oiseaux nomades, car il y en a d’autres, viennent miauler des histoires au bord de ma fenêtre. Il paraît que tu lis mes poèmes, mes offrandes, à haute voix. Il paraît que, d’émotion ou d’amitié, tu pleures des vagues hautes, tu ris des plages calmes, tu chantes des vents émouvants. Il paraît que tu les gardes au fond, dans tes abysses, en souvenir de nous, en souvenir du bon temps. Garde-les au fond, chante-les ou bois-les. J’en écrirai d’autres. J’en chanterai d’autres. Car, le sais-tu ? La nuit sur les toits. Avec des animaux inconnus mais fraternels. Avec des oiseaux somnambules et des chauves-souris accueillantes. Ce chant qui plane. Cette voix qui hurle. Cette chorale nocturne. C’est moi. C’est nous ensemble. C’est moi qui t’invite. C’est nous qui t’invitons. C’est moi qui te veux. C’est nous qui te voulons.

Un déménagement, tu veux-tu ?

Monday, October 23, 2006

Hilarious



Quand j'ai vu ça ce matin, j'ai littéralement éclaté de rire.

Quand Cossery et Ducharme se mettent d'accord


J'aime faire des liens entre des gens aux univers différents. Surtout ceux que j'apprécie, que je respecte. J'aime leur trouver des points communs. J'aime à croire que tel écrivain aurait aimé, aurait écrit telle idée de tel autre écrivain, poète, artiste, etc...
Je lisais L'hiver de force de Réjean Ducharme. Page 93 : Nous regagnons notre base solide : notre rêve de ne rien avoir et de ne rien faire. Et je me suis dit que Gohar, le personnage principal de Mendiants et orgueilleux d'Albert Cossery aurait sûrement apprécié cette idée. Cossery aurait même pu dire cette phrase lors d'une entrevue. Mais se connaissent-ils ? Mais savent-ils l'existence de chacun ? L'un est né en Egypte en 1913 et vit à Paris depuis 1940. L'autre est né à Saint-Félix-de-Valois en 1941 et vivrait à Montréal. Bien sûr, j'ai essayé de trouver des liens entre les deux. Le plus évident : Dans l'hiver de force, Ducharme fait référence, entre autres, à Henry Miller, qui fut le premier à aider Cossery à se faire publier (pour les hommes oubliés de Dieu) et même à se faire traduire en anglais. D'autres points communs ? Ducharme s'est fait publier la première fois par une maison d'édition française (Gallimard). Même chose pour Cossery (Edmond Charlot). Mais les univers de leurs livres, leur langage, leurs mots sont assez différents.
Les liens s'arrêtent, donc, là. Pour l'instant. Je ne suis qu'à la page 97 de l'hiver de force...

Sunday, October 22, 2006

Mort-vivant. Vivant-vivant.

Je suis mort par un soir d’automne, sous une pluie insolente. Je suis mort au volant de chevaux rouges qui ne voulaient guère s’arrêter. Je suis mort au bout d’un tunnel au milieu d’aveuglantes lumières. Je suis mort asphyxié par un gaz inodore qui s’est infiltré par mes oreilles. Je suis mort sous la neige noire d’une nuit sans nom. Je suis mort au bout d’une valise vide, pleine de secrets que tout le monde sait. Je suis mort au milieu de fleurs incolores aux douces épines. Je suis mort quatre fois, je suis mort mille fois, mais, chaque fois, mais mille fois, toujours je renais. Je suis mort et mes cendres vous inhalez et mes larmes vous buvez. Je suis mort. Infiniment mort. On ne peut plus mort. Incroyablement mort. Biologiquement mort. Scientifiquement mort. Artistiquement mort. Mort. Mort. Mais je respire. Mais je bombe le torse. Mais je souris aux fantômes. Mais j’aboie la nuit. Mais je croasse le matin. Mais je bois l’air pur chaque jour. Mais je suis. Mais je suis. Et jamais je ne mourrai. Et jamais je ne céderai. Et jamais je ne partirai. Et toujours je contesterai la désertification hostile du sang dans mes veines. Et toujours je refuserai, la dictature osée de la faucheuse imposée. Toujours et jamais. Mourir et vivre. Vivre, vivre.

Saturday, October 21, 2006

Je n'écris pas parce que je n'ai rien à dire

Ou le silence est d'or.

Je me sens un peu vidé. Ramadan finit dans un ou deux jours. Et ce n'est pas trop tôt. Mais je sens vidé d'une autre manière. J'ai l'impression que je stagne dans ma vie. Est-ce seulement une impression ? Tout m'ennuie en tout cas. Tout. Ou presque. Restent quelques livres, quelques films.
- J'ai vu the departed. Le film est bon. Sauf les dernières 15 minutes. Qui sont un "reservoir dogs" wannabe. Sans vouloir en être un wannabe. C'est hilarant tellement c'est violent et "bloody". Mais ce n'était pas le but. Je ne crois pas. Il faudrait demander à Martin. Martin, qu'est-ce qui t'a donc pris ?
- Je finis un livre de nouvelles de John Fante. Grosse faim. Il me reste une nouvelle. J'aime John Fante. Sa sincérité. Son impulsivité. Je vous en reparle une autre fois.
- J'ai commencé Ainsi parlait Zarathoustra. On verra où cela me mènera.
- J'ai commencé L'hiver de force. On verra où cela me mènera aussi. Pourrais-je enfin finir un Ducharme ? Tu verras, me chante/chuchote Victoria Abril gentiment dans les oreilles.
- Je m'en vais voir pour la énième fois un Bruce Lee. Bruce Lee, tu me manques, te le dirai-je jamais assez ?

Je n'ai plus rien à dire. Alors, je me tais.

Le silence est d'or. Alors, je me tais. (comme dirait Claude...)

Thursday, October 19, 2006

Futilités Espagnoles d'un autre siècle

C’était un soir d’orage. La pluie régnait sur le ciel, mère de ses nuages, maîtresse de ses fausses promesses. Je m’étais promis de ne pas sortir. Insomnie ou pas. Ennui ou pas. Envie ou pas. Je devais rester dans cet appartement, que je louais avec quatre autres étudiants. Premier refuge : la télé. Burt Reynolds faisait le macho dans une série des années quatre-vingt. Burt Reynolds parlant espagnol. Ce n’est pas rien. Toute une chinoiserie. J’ai zappé. Un gitan jouait de la guitare. Une gitane dansait. De l’art divin. Essayez de plonger dans le regard d’un gitan, deux minutes. Deux petites minutes. Vous verrez la souffrance. Le désarroi. La désinvolture. Mais surtout le courage. Le courage d’être soi-même. Le courage d’accomplir sa destinée. Même si elle n’a souvent aucun goût. Le gitan jouait. La sueur coulait doucement sur ses cheveux longs et raides. La gitane dansait. Un beau duel, dont tout le monde sort gagnant. Une niaise publicité arrêta mon trip. J’étais parti en pèlerinage. J’étais ailleurs. J’étais un artiste. J’étais un gitan. J’étais enfin un gitan. J’ai zappé. Ça parlait de foot. Le Real Madrid. Le Barça. Une polémique. Un arbitre qui donne son avis. C’est pas avec ça que vous allez m’empêcher de sortir, les vieux. Il faut m’aider. Il faut me donner du matériel. J’ai zappé. Karaté Kid. En espagnol. Ah, ça, c’est du matériel pour insomniaques. Un bon film d’adolescents, par une soirée pluvieuse et grise, dans une Grenade aux infinies possibilités, quoi de mieux ? Daniel Larusso tombait amoureux de la belle Ali. Mr Miyagi jouait au sage aux yeux bridés. L’Américain blond s’énervait et voulait tuer Daniel et le reste du monde. J’aimais ce scénario primaire, j’aimais ce film facile à l’américaine. J’avais vu le film beaucoup plus jeune avec mon père, dans un cinéma à Rabat. Il y avait deux films. À l’entracte, j’avais eu droit à une boisson gazeuse et un gâteau crémeux. D’autres temps, d’autres plaisirs. Me voici, dix ans plus tard, insomniaque blasé, jeune vieux, night-clubbeur fini. Me voici, dix ans plus tard, devant une télé espagnole, à deux-heures du matin, en train de zapper de poste en poste, à la recherche du temps perdu. À la recherche de la perte du temps. Le film achevait. Daniel se mettait sur une jambe. Ali pleurait. Daniel frappait. Il avait gagné. Le blond avait perdu. La musique manipulatrice, les valeurs héroïques et le sourire blanc et brillant d’Ali/Elizabeth Shue avaient vite fait en sorte que tout spectateur mâle, se reconnaisse en Daniel. Daniel LaRusso. Quel homme ce Daniel ! Appris le karaté en quelques semaines. Séduit Ali en deux regards. Battu le méchant lors d’un match héroïque. Quel homme ce Daniel ! J’aurais voulu être Daniel. J’aurais voulu. Mais voilà. Le film est fini. Il est trois heures du matin. Je suis encore debout. J’ai les yeux grands ouverts. Et il n’y a plus rien à faire. Je n’ai pas le moindre livre. Je ne l’aurais pas lu de toutes les manières. Je faisais la grève des livres à ce moment précis de ma vie. Je faisais la grève de la vie. Je me suis levé et me suis ouvert une bière. Puis une deuxième. Puis un verre de Johnnie Walker. Il n’y avait pas de glaçons. Qu’à cela ne tienne, il y a toujours le bouchon de la bouteille, et la technique du boire-au-bouchon. Des shooters. Des shooters. Je me suis dirigé vers ma chambre. Et le plus naturellement du monde, je me suis changé pour sortir. Oubliez les promesses faites quand j’étais encore sobre. Je les avais oubliées moi-même. Je n’étais plus au même ciel. J’étais ailleurs. Je suis sorti à trois-heures et demi du matin. Heure où les discothèques à Grenade et ailleurs en Espagne commencent à se remplir. Je marchais droit. La pluie s’était arrêtée. Un chien errant me suivit. J’ai eu peur. Je n’aime pas les chiens. Je ne les déteste pas. Mais je ne les aime pas. Surtout quand ils sont errants. D’où vient-il ? A-t-il la galle ? La rage ? Va-t-il me mordre ? Se cherche-t-il seulement un maître ? Ces questions existentielles bouillonnaient dans ma tête, quand je suis arrivé à l’avenida Pedro Antonio. Allons jouer une partie de billard à la Cabana Tio Juan. Je suis entré et j’ai commandé un verre de whisky-cola. La table était vide. Personne ne jouait. J’ai mis les 200 pesetas. Et j’ai commencé à jouer seul. Quand Raffa surgit. Raffa est un gars dont je ne connais que le prénom. Il ne parle jamais. Il sourit. Il baragouine des choses. Mais ce n’est jamais clair. Il jouait bien au billard. Et venait toujours accompagné d’une fille différente. Leur parlait-il ? Je ne sais pas. Raffa ne parlait donc pas. C’est pourquoi, je m’entendais bien avec lui. Nous jouâmes trois parties. Je n’en gagnai qu’une. J’en étais déjà à mon quatrième verre depuis mon arrivée. Et je visais de plus en plus mal. J’ai décidé d’arrêter et de changer de coin. Je hochai la tête vers Raffa. Il comprit et me rendit la pareille. À la prochaine, disaient mes yeux. À la prochaine disaient les siens. Au Delphos, je me suis commandé un autre verre. Le propriétaire du bar, un vieux de quarante ans, travaillait ce jour-là. Je n’aimais pas ce type. Il était morose. Il ne souriait pas. S’habillait mal. N’avait aucune classe. Aucun charme. J’étais méchant. Je suis méchant. Je ne l’aimais pas. J’ai commencé à faire le con. Dès qu’il se retournait, je lui jetais des graines de tournesol sur le dos. Le pauvre n’osait pas m’en parler. Il le disait à D., une jeune serveuse avec qui je m’étais lié d’amitié. D. me le disait toute souriante, ce qui n’avait pas l’effet escompté sur moi. Je continuai de plus belle. J’ai dû prendre trois verres de whisky-cola, deux shooters de B52 au Delphos et lancé des centaines de graines de tournesol sur le dos du malheureux propriétaire. J’avais assez fait le guignol comme ça. Je m’éclipsai. Sur mon chemin vers Granada 10, accompagné d’un énième verre, j’ai croisé M. M. et moi, nous embrassions à chaque fois qu’on se voyait. Des fois, je dormais chez elle, des fois non. Elle était fâchée avec moi depuis quelques temps. Comment ai-je pu sortir avec S. ? Et devant elle, en plus ? Avais-je perdu la tête ? Tout ça me faisait rire. M. refusa de m’embrasser. Je riais. Je la pris dans mes bras et lui racontait des histoires. Je citai des écrivains dont j’avais oublié le nom. Je chantai des chansons insipides mais bien rythmées. Sous le regard moqueur de M. Qui ne buvait jamais. M. ne buvait jamais. Le spectacle de ma soûlographie la répugnait. Et la faisait rire en même temps. Je l’embrassai à l’entrée de Granada 10. Et lui souhaitai une bonne soirée. À l’entrée, on me fit payer. Je ne payais jamais. Mais ce soir, c’était une soirée spéciale. Je payais. Non sans montrer mon profond mécontentement au videur. Je rentrai. Les lumières m’agressèrent le cerveau. La musique Américaine me flingua les tympans. Je me commandai un autre verre. J’aimais cette discothèque. Son chaos poétique m’enchantait. Le vice y régnait discrètement. Je connaissais à peu près tout le monde. De visage. Je connaissais ceux qui se droguaient de temps en temps. Ceux qui étaient accros. Ceux qui s’échangeaient les vêtements. Les homosexuels refoulés et ceux assumés. Les séropositifs. Les dépressifs. Les alcooliques. Les couples qui se trompaient. Nous étions une grande famille, dont les membres ne se parlaient presque pas. Que savaient-ils de moi ? Je n’en sais rien. Je m’en foutais d’ailleurs. La liberté. La légèreté. La jouissance. Ces mots, ces valeurs, ces états d’esprit et d’âme m’intéressaient plus qu'autre chose. Le reste était superflu. Le reste n’avait aucune importance. Le reste n’existait pas.

To be continued.Maybe.Maybe not.

Wednesday, October 18, 2006

La pesadilla

N. est assis sur une barre fine. Nous sommes au septième étage. N. écrit sur un calepin. Il pourrait tomber d’un moment à l’autre. Ma mère lui dit de descendre, de changer de place. C’est dangereux. N. fait fi de ce que lui dit ma mère. Il sourit. Il se dandine sur son trône. Jamais trône n’a été aussi mince, aussi fragile. Je suis outragé. Mon cœur bas. Je n’arrive pas à parler. Je voudrais qu’il change de place. Je voudrais qu’il aille s’asseoir ailleurs. Mais je suis incapable de souffler mot. Je suis sans voix. Je suis incapable de la moindre action. J’ai des yeux. C’est tout. N. continue à faire le bouffon. Le septième étage est quand même là. Le néant en bas. Il y a d’autres manières de faire le bouffon. D’autres places. D’autres choix. Mets-toi des couleurs sur le visage. Mets ton pantalon bouffon couleur nuage. Fais Charlot. Sors ton vieux blouson vert pâle avec des rayures mauves et va faire un tour dans le quartier. Fais ta coupe avec une mèche au milieu, mets tes jeans bleus et ton t-shirt blanc et prends-toi pour James Dean ou Marlon Brando. Mais de grâce, descends. Va écrire ailleurs. N. ne sourit plus. Il se penche pour descendre. Fausse prise. Il lâche prise deux millièmes de seconde. Mon cœur bat la chamade. Je veux crier. Mais je n’ai que des yeux. Même pas des mains. Même pas des jambes. Juste des yeux. Et le mutisme total. Aucune voix. Ma mère s’avance en criant. Il attrape le bord du balcon avec une main. Puis deux mains. Je suis presque soulagé. Mais le voici qui lâche encore prise. Maintenant il est sur un long fil en caoutchouc. Maintenant, j’ai encore plus peur. Il fait un geste brusque, et ne tient qu’avec ses pieds. Sa tête est en bas. Il ne sourit plus. Il ne fait plus le bouffon. Il a peur. J’ai peur. Ma mère a peur. Le septième étage. Pourquoi sommes-nous au septième étage ? Pourquoi ? Je ne comprends pas. Je veux aller l’aider. Je ne peux pas. Ma mère ne bouge plus. Elle est figée à sa place et regarde d’un air découragé. Elle volerait si elle pouvait, je le sais. Mais elle ne peut pas. On ne vole pas. On tombe des septièmes étages. N. tombe, aussitôt que j’ai cette idée, il tombe. Je le vois tourner et tourner dans le vide. Il frappe un bord de balcon et continue de tomber. Il ne crie pas. La scène est muette. Maintenant, je crie. Je suis Al Pacino dans le Parrain 3. Je crie longtemps. Mais personne ne m’écoute. Je crie à répétition. Je crie, je crie. Je suis en bas. Je le prends dans mes …Non, je n’ai pas de bras. Je ne le prends pas. Je le regarde, c’est tout. N. est mon frère. N. git par terre le crâne fracassé. Je crie encore. Mais je ne pleure pas. Les larmes refusent de sortir.
Je me réveille en sueur. Je veux appeler N. Je veux savoir s’il va bien. N. est loin. Je suis loin. Je n’ai même pas son numéro de téléphone. N. est mon frère. Je n’ai même pas son numéro de téléphone. Ce sera une belle journée. Une très belle journée !

Monday, October 16, 2006

Engagé, manifeste-toi !

Je faisais mon tour quotidien de la blogosphère. J'ai quelques amis blogueurs, quelques amies blogueuses. Pas beaucoup. Juste le nécessaire. De la qualité. Des idées. Des textes poétiques. Et d'autres engagés. Justement. J'étais chez Gen. Gen (tu me permettras le surnom, Geneviève), m'avait d'abord mis dans sa rubrique "engagés". Je remarque, aujourd'hui, que je suis plutôt "rafraîchissant". La question s'est alors imposée d'elle-même : suis-je engagé ? Je veux dire, vraiment engagé ? Pas le t-shirt Ché, pas la démarche anarchiste, pas le petit carré rouge de la dernière grève d'étudiant. Non. L'engagé est un autre type de personne. Il n'achète pas chez Ikea (j'y étais samedi), ni chez Gap (j'y étais la semaine dernière et si je n'ai rien acheté, c'est que je n'ai rien trouvé de bien), ni chez Nike (Je possède quelques produits Nike. Normal : j'aime le basket et je suis un fan de Jordan). L'engagé manifeste (la dernière fois que j'ai manifesté ? Il y a deux, trois ans, je crois), écrit dans des journaux, se fâche. L'engagé fume souvent et je ne fume pas. L'engagé est une personne intègre, avec des principes, auxquels il ne déroge jamais. J'ai beaucoup de principes. Mais je n'arrête pas de les enfreindre. Par exemple, je ne vais jamais au Paramount (cinéma cher et huppé du centre-ville). Mais où ai-je donc vu Kill Bill 1 et 2 ? Au paramount pardi ! C'est que le film n'était à l'affiche qu'au Paramount. Et j'étais/je suis impatient. L'engagé en moi existe, mais il est mou, facile à amadouer. Est-il convaincu ? Oui. Il l'est. Mais il lui arrive de croire, de voir, que tout ce qu'il fait ne sert à rien, qu'il est une goutte d'eau douce dans un océan salé. Alors, il envoie tout balancer et oublie ses principes.

Gen, tu as raison. Enfin, pour le "rafraîchissant", je suis moins sûr. Mais engagé, ça je sais. Pas assez. Donc, pas.

Et si tu créais une catégorie pour moi ? Rêveur réaliste. Je blague voyons...

Thursday, October 12, 2006

Songes d'automne dans le mont Sutton



Un samedi à midi. Un soleil insolent. Un été indien. Les Cantons de l’est. Le mont Sutton. La féerie. Les arbres rouges. Les feuilles mortes, mais pleines d’espoir. Les bons-vivants. L’amitié. La brise montagneuse. Et le soleil. Et le soleil. Et les sourires. Et la camaraderie dépourvue de tout protocole. Nous sommes montés. Moi, la panse vide. C., la panse pas si vide. Mais qu’importe. Quand la magie se présente, quand la magie s’invite et nous invite, on croque à pleines dents. Et on monte. J’ai été, le temps d’une escalade, le pèlerin de Compostelle. J’ai été le pécheur qui cherche la vérité. J’ai été le martyr de ces hauteurs. J’ai respiré ces airs purs d’une nature qui résiste encore et toujours aux assauts de l’homme. J’en ai fait le plein dans mes poumons. Et ça fait une semaine que je ne respire plus. J’ai respiré. Et ce fut le bon vieux temps. J’ai respiré la pureté. J’ai respiré la poésie. J’ai respiré la musique du vent. J’ai respiré les sirènes déguisées en feuilles. Je ne peux plus respirer. Après le rêve, rien. Après l’extase, l’abstinence. Je te veux, ô Dieu de la beauté, toujours aussi présent, toujours aussi inspiré, toujours aussi artiste. Je te veux. Ne me déçois pas. Et nous sommes descendus. Et le téléphérique. Et nous planions. Et nous volions. Et les sourires ne pouvaient s’évanouir, tellement le bonheur était palpable, tellement la beauté était manifeste. J’ai été, le temps d’un envol, l’arrogant voyageur, l’insolent heureux, le naïf marin des airs. J’ai rêvé les yeux ouverts que je n’étais plus un homme, que je n’étais pas un vulgaire oiseau, que je n’étais pas un simple vivant. J’ai rêvé les yeux ouverts que la vie n’était qu’un mirage. J’ai rêvé que j’étais le feu et le vent, la mer et ses poissons, le ciel et ses nuages. J’ai rêvé que nous étions tous frères et que la mer, salée et ô qu’accueillante, serait notre dernier royaume. J’ai tellement rêvé. J’ai tellement vécu. Le temps d’un après-midi. Le temps d’une féerie. Le temps d’une fantasmagorie réelle. Le temps d’une vague infinie. Le temps d’un songe d’automne.

Exercice de style

C’était un soir d’été. Il faisait chaud à Grenade. Je ne savais quoi faire. Un pub Irlandais ? L’avenue Pedro Antonio ? Un petit tour au cinéma ? Cette dernière éventualité fut très vite écartée de mon esprit. La dernière fois que j’étais allé au cinéma, par une température pareille, avait été un pur fiasco. C’était pour voir Jackie Brown. J’étais avec M. À peine quinze minutes après avoir pénétré la salle, qu’on était déjà dehors, suffocant de chaleur, respirant l’air chaud de la nuit. Ce foutu cinéma Madrigal. Ses administrateurs faisaient des séances à 400 pesetas à minuit (ce qui est un régal pour tout cinéphile), mais coupaient sur la climatisation. Je n’ai d’ailleurs jamais vu Jackie Brown. Jamais. Il ne m’avait rien inspiré de bien. Ça avait l’air lent et chiant.
J’ai décidé d’aller au Mystic, un bar détenu par un Jamaïcain, gentil mais un peu louche. Tout le monde fumait de l’herbe dans ce pub. Pas moi. J’avais peur de moi-même. Déjà sobre, j’avais pas mal d’imagination. Je pouvais vous faire des conversations avec des amis de longue date, tout seul dans mon coin. Je pouvais sauver une douzaine de mômes d’une noyade quasi-certaine sur une plage d’Antibes sous les applaudissements et les encouragements de spectateurs ébahis par mon courage, et ce, tout étendu sur mon lit, tranquille, les yeux fermés et le cerveau ailleurs. Ça se passait de la manière suivante : je me fermais les yeux et me trouvais un thème. Le thème dépendait de mon humeur. Ça pouvait être mon suicide, avec enterrement, pleurs et moi caché en train de les voir pleurnicher, comme ça pouvait être un match de basket où je marquais 25 points, dont le trois-points gagnant du match à la dernière seconde. Et je m’endormais ensuite. Certaines fois, c’était la seule façon pour moi de dormir. Je n’aimais, donc, pas les drogues. Elles me faisaient peur. Et si je restais prisonnier de mes rêves ? Et si je ne me réveillais jamais ? Les espagnols que je rencontrais me demandaient toujours, après avoir su que j’étais Marocain, si j’avais du chocolate (Hachisch dans le jargon espagnol ). Au début, je répondais systématiquement que je n’en avais jamais pris. Bien sûr, se basant sur leurs expériences du passé, ils se moquaient de moi ou me traitaient de menteur. J’ai donc arrêté d’émettre cette réponse niaise. Je disais que je n’en avais plus, malheureusement, mon visage prenant une expression sincèrement désolée à la prononciation du mot « malheureusement ». Je savais être bon acteur dans l’urgence.
Au Mystic, il n’y avait pas foule ce jour-là. On était Mercredi, un jour de semaine, il n’y avait que des étudiants et quelques vieux vicieux. Je rencontrais F. Il avait les yeux rouges. C’était un grand amateur de Whisky. Il ne fumait que rarement. Il fut très content de me voir. Nous nous sommes pris dans les bras et nous nous sommes embrassés sur les joues. Les gens nous regardèrent bizarrement. Je n’en avais rien à foutre de leurs doutes et de leur fermeture d’esprit. Je n’avais pas vu F. depuis deux semaines. Mon compagnon de beuveries. Mon whisky-ami. Mon seul ami d’Espagne. Râleur. Franc. Impulsif. Je l’aimais ce F. Alors, se prendre dans les bras et s’embrasser. Oui, bien sûr. Autant de fois qu’il le faudra. F. et moi nous entendions bien. Surtout quand on était ronds. Sobres, il nous arrivait de ne pas être d’accord et de se prendre la tête. Mais saouls, ça roulait toujours. Il s’empressa de m’amener un J&B cola. Que je bus rapidement. Bientôt L. entra en scène. L. était petite. Très petite de taille. Brune. Les cheveux souvent huileux. Je ne l’avais pratiquement jamais vue sobre. On ne se croisait que de nuit. F. et L. n’étaient pas les meilleurs amis du monde. Une certaine méfiance régnait sur leurs rapports. L. disait que F. était antipathique. F. disait que L. était sale et dégoûtante. Je ne disais rien. J’écoutais ces affirmations de la manière la plus neutre au monde et je me taisais. J’avais d’autres chats à fouetter. Je m’éclipsai une dizaine de minutes pour aller aux toilettes. En revenant, F. et L. s’insultaient mutuellement. J’essayai de calmer l’atmosphère. L. fit mine de cracher sur F. qui voulut la frapper avec son pied. L. prit son verre de vodka et le balança à la figure de F. Il voyait rouge. Il se mordit la langue (tic qui le caractérisait quand il était fâché) et s’avança vers elle. Il allait lui foutre une baffe dans la gueule. Je le pris par la main et le sortit dehors. L. nous suivit en criant. Elle était hystérique. Elle lâchait des obscénités que je n’appris qu’à mes dix-huit ans. Et plus elle en lâchait, plus F. avait des envies meurtrières. Dehors, je priai F. de m’attendre deux secondes sans bouger. Quoi qu’elle dise. Quoi qu’elle fasse, tu ne bouges pas, F., okay ? Okay. Je revenais vers elle. Que se passe-t-il ? Ce type est un macho. Il me regarde toujours de haut. A-t-il dit quoi que ce soit ? Non. Ses yeux parlent. Il n’a pas besoin d’émettre le moindre son. Bon, voici ce qu’on va faire. Je le prends avec moi et on se tire ailleurs. Tu restes au Mystic et tu te sirotes quelques verres. La soirée est encore jeune. On ne va quand même pas la gâcher ? Je veux sa peau. Je veux l’écrabouiller. Tu penses vraiment que tu peux l’écrabouiller. Si je vous laisse tête à tête, tu sais bien qu’il va te bouffer crûe. Sois raisonnable L. Sois raisonnable. D’accord. À une condition. Tu appelles ma sœur demain. J’appelle ta sœur demain ? C’est quoi cette histoire encore ? Ma sœur est revenue à cette ville pour toi. Sinon, elle serait partie à Madrid. Mais je n’ai presque jamais parlé à ta sœur. On ne se connaît pas. Mais bien sûr que si, T. Bien sûr que vous vous connaissez. Vous êtes sortis ensemble. L., je suis O., pas T. Qu’as-tu fumé ? Rien. Je ne fume pas moi. J’éclatai de rire. Okay. Ça me va. J’appelle ta sœur demain. Comment elle s’appelle déjà ? S. voyons. Vous êtes sortis ensemble pendant trois mois. Oui, bien sûr. Quel écervelé, je suis. S., ma douce S., je l’appelerai demain, et je lui chanterai des poèmes au téléphone comme au bon vieux temps. J., mon beau-père, il va bien ? J. ? De qui tu parles ? Oh, rien L., oublie. Tu rentres au bar là ? Demain je t’expliquerai. Quand je parlerai à ta sœur, Z. euh, S., je lui expliquerai tout. Okay ? Tu y vas ? Oui, j’y vais.
F. fumait une cigarette et finissait tranquillement son verre. Il s’était calmé. Ça faisait un bon quart d’heure que je parlais à L. Qu’est-ce qu’elle disait cette conne ? Oh, rien. Tu la regardes de travers apparemment. Pas du tout. Je ne la regarde même pas. Elle est tellement sale. C’est tout ce que vous vous êtes dits ? Non. Elle voulait que j’appelle sa sœur demain. Elle m’a pris pour un autre. Un certain T. T. ? Je ne connais aucun T. ici. Qu’est-ce qu’elle peut être conne cette fille ! Mais qu’est-ce qu’elle t’a donc fait ? Tu la détestes à ce point ? Rien. C’est animal. Elle me dégoûte. Elle me répugne. J’ai toujours envie de gerber quand je la vois. Bon, on va au Camel ? Ils ont changé de DJ dernièrement. C’est combien le J&B là-bas ? 500 pesetas, je crois. Arf. Trop cher. Allons plutôt au Marilyn. C’est 350 pts, les mercredis. Okay, allons au Marilyn.
Dehors, la nuit grondait de toutes ses forces. Les étoiles avaient disparu. Le vacarme des buveurs pléthoriques se faisait de plus en plus présent. Et la fumée. Et la musique industrielle. Quelques espagnoles douces et hippies faisaient des sourires invitants. Je n’étais d’humeur à rien. C’était le temps de l’inconscience consciente. C’était le temps des péchés sans confession. C’était avant que je ne connaisse John Fante et son « Demande à la poussière ». C'était avant Romain Gary et sa « Promesse de l’aube ». Je ne savais pas encore la pleine mesure de l’être humain. J’étais l’apprenti. Et mes vingt ans j’ai brûlé. À apprendre à désapprendre. À rêver des cauchemars. À parler à des fantômes. Et fantôme, je suis maintenant. Et fantôme, je resterai. Et fantôme, je resterai.

PS : Si les dialogues sont trop difficiles à déchiffrer, dites-le moi, j'en mettrai un par ligne. La fainéantise est un vilain défaut. Que je cultive.

Wednesday, October 11, 2006

Ces langues qui nous échappent

Dans un des ses livres, Fouad Laroui, un écrivain Marocain d’expression française, partage avec ses lecteurs, son problème avec la langue : ayant fait toute sa vie (ou presque) des études en français, il est francophone. Il déplore, néanmoins, n’avoir aucune langue maternelle et que des secondes langues. Puisqu’en arabe, il ne peut pratiquement pas nommer certains arbres, certaines fleurs…etc. En français, non plus. Ou du moins, il ne peut sentir ses mots. Qu’est-ce qu’un hêtre pour un homme qui a vécu toute son enfance au Maroc ? Qu’est-ce qu’un chrysanthème ?
Je me reconnais dans cette vérité. Et c’est encore pire dans mon cas, puisque je n’ai pas étudié en français toute ma vie. Même presque pas. Pendant toute ma scolarité au Maroc, j’étudiais en arabe. La géographie, l’histoire, les maths, la physique…etc. Quelques heures de français et d’anglais (bien plus tard, dans le cas de l'anglais) par semaine dérogeaient à cette réalité. Je m’amuse des fois à vouloir nommer certaines choses dans ma langue maternelle, ou une des autres langues que je parle. Je suis souvent incapable de trouver le nom en arabe. Je ne sais, par exemple, ce qu’est un sapin en arabe, ni une passoire, ni une tringle. Ça me décourage. J’en ai même honte. Qu’en est-il du français ? Pensez-vous que je peux vous nommer le type de l'arbre qui trône devant notre immeuble ? Pas du tout. Est-ce qu’une image me vient à l'esprit quand on me parle d’un hêtre ? D’une jacinthe ? De la sauge ? Nâh. Zéro pointé. En anglais ? Encore moins, mon anglais est fonctionnel, pas plus. En espagnol (moi qui ai vécu là-bas quelques années)? Non plus. Nada de nada.

Ce que je constate :
- On n’apprend dans une langue que ce dont on a besoin. Si je travaillais dans un jardin botanique en Espagne, j’aurais appris ces noms. Mais ce ne fut pas le cas. Si je m’intéressais aux arbres, aux fleurs, j’aurais appris leurs noms en français. Ce n’est pas le cas. Et je n’en suis pas fier.
- Je n’ai aucune langue maternelle, au sens strict du terme.
- Je ne parle aucune langue convenablement ou parfaitement. Il me manque toujours du vocabulaire.
- Être quadrilingue ne veut rien dire.
- Plus généralement, parler plusieurs langues ne veut rien dire.

C’est triste, n’est-ce pas ?

Monday, October 09, 2006

Stephen Ignatieff


- Vous avez déclaré ne pas avoir perdu une minute de sommeil après avoir appris la mort de dizaines de Libanais à Canaa.

- J'ai fait une erreur. Je n'aurais pas dû dire ça.


Pas une fraction de seconde, je ne l'ai cru. Pas une seule seconde, je n'ai douté de sa malhonnêteté. Un autre politicien véreux. Un autre politicien de droite, très proche de l'extrême droite, qui se prétend de centre-gauche. Un autre qui défend la position actuelle du Canada en Afghanistan. Un autre qui aurait accompagné les États-Désunis dans leur périple en Irak. Un autre qui aurait déclaré que les attaques israéliennes au Liban étaient mesurées. Un autre Harper en rouge, le ventre en moins, le charisme en plus. Un autre qui nous dit aimer le Québec. Un autre pour qui je ne voterai pas. Un autre qui m'oblige à penser qu'il n'y a plus qu'une seule solution : la souveraineté. Dire que je n'ai jamais été souverainiste !

Michael Harper d'un côté, Stephen Ignatieff de l'autre, Le marteau et l'enclume, le danger présent et le danger futur, le radicalisme et l'absolutisme. Que faire ? Que faire ?

Sunday, October 08, 2006

Demain, il fera 19 degrés

Il claque la porte. Et la porte claque plusieurs fois. Le vide amplifie le son du vide. Il s’avance. Chambre morte. Caleçons déserteurs qui tâtent du sol. Garfield n’est plus. Garfield, ce vieux meuble à tiroirs, farceur et peu hâbleur. Il s’est envolé et dire que ce matin, il ne lui souhaita même pas bonne chance. Il s’avance. La cuisine est meurtrière. Elle est de mauvaise humeur. Amputée du ventre. Son milieu n’est plus. Elle est deux, trois cuisines. Elle est l’anarchie. Elle le regarde durement. Ne reste que son courage. Ne reste que sa dignité. Ne reste que son drapeau rouge du Che, porteur d’espoir et de volonté. Il s’avance. Chambre d’amis. Chambre qu’il n’offrira même pas à un ennemi. Des pneus quatre-saisons. Un vélo sans ambition. Aux roues brisées. Il s’avance. Il cherche dans les cartons. Il cherche son passé, car son avenir, il ne sait plus. Il cherche. Et trouve. Des photos. Le Maroc. L’Espagne. La France. Montréal à ses débuts. Il y a huit ans. Il y a 12 ans. Il y a mille ans. Le visage angélique et chétif. Le regard innocent. Les cheveux cry-baby. Les photos. La mémoire du papier. Il n’avance plus. Le divan est son refuge. Il les passe une après l’autre, pressé, fiévreux, boulimique. Des kilos en moins, des rêves en plus, des déceptions en moins, des avenirs sur les épaules. Il se regarde et ne se reconnaît presque pas. Il les regarde et ne les reconnaît presque pas. Eux, ses amis, ses compagnons, ses connaissances, ses ennemis, ses ennemies, ces femmes qui firent un bout de chemin avec lui, ces personnes qu’il perdit de vue, parfois à cause de la vie, parfois grâce à la vie. Parfois à cause de la vie, parfois grâce à la vie. Il sourit. Il fronce les sourcils. Il regarde attentivement. Il passe hâtivement. Il les pose sur la table. Ce n’est pas une table. La table s’est envolée. C’est un morceau de bois. Couleur crème de brocoli. Il pose ses pieds dessus. Il allume la télé. Demain, il fera 19 degrés. Après-demain, il fera froid. Il sourit. Demain existe. La télé lui donne la certitude que demain, il sera. Il prend un oreiller et s’étend sur le divan. Le soleil se faufile par les deux fenêtres. Il met les nouvelles. Il choisit soigneusement un poste qu’il déteste, des nouvelles mièvres d’accidents au coin de la rue. Il se met sur le pilote automatique et se plait à se détester. Il sourit. Il aime les contrastes. Il aime être con et en rire. Il aime se détester et se faire mal. Il aime. Il déteste. Il aime. Il déteste. C’est un sentimental. C’est un rêveur. C’est un avare-de-sentiments. C’est un macho. C’est un réaliste fini. C’est un bouffon gris. C’est un-dormeur-sur-le-divan-un-dimanche-après-midi.

Il se réveille. Il est l’heure. L’heure de partir. Car demain, il fera 19 degrés.

Vroom-vroom-vroom. Il part. Les photos restent sur la table, qui n’est pas une table. La cuisine reste avec son drapeau rouge. Les caleçons restent par terre. Vroom-vroom-vroom. Tout reste derrière. Tout est devant.

Thursday, October 05, 2006

Ben Laden - La farce ou plutôt... le poulet farci

Gnawa Diffusion : Timimoun timbuktou (Tombouctou)


Gnawa Diffusion - Nvotiw Madamat


Gnawa Diffusion - Ya Laymi


Que je les adore !

Tuesday, October 03, 2006

Élégie trompeuse

Ne reste de nous
Que l’écho de mes soupirs
Dans ce navire
Qui dans cet océan du troisième étage
Vacille et chavire
Chavire sans se noyer
Et ces meubles que tu as laissés
Dénudés de toute poésie
Témoins de chambres sans vie
Témoins de couloirs sans gloire
Témoins d’une autre vie
Qui fut
Qui fut

Ne reste de nous
Que ces photos éparpillées
Un peu partout
Un peu sans goût
Images d’un passé proche
Et pourtant si lointain
Images d’un peut-être
Images d’un on-aurait-pu
Mais nous ne pûmes
Mais nous ne sûmes

Ne reste de nous
Que ces sourires
Accrochés sur nos visages
Lors de ces beaux voyages
Que nous crûmes prologues
Mais qui furent épilogues
Que cet amour arrogant
Qui nommait déjà ses enfants
Sans le moindre berceau
Qui se voyait déjà en banlieue
Te voilà sans lieux
Te voilà sans cieux

Je garderai de nous
L’odeur des matins
Et l’ombre des soleils
Qui nous effleurèrent
Quand jeunes et beaux
Encore nous nous voulions

Je garderai de nous
Ces regards silencieux
Et ces rires prétentieux
Que nous offrîmes à la vie
Plaisirs communs
D’une intimité sans fin
Je garderai de nous
Ce premier baiser
Dans un cinéma sacré
Désormais lieu de pèlerinage
Pour ceux qui nous savaient
Pour ceux qui nous admiraient
J’oublierai le reste
Car reste il n’y eut pas
Un jour tout s’envola
Les qualités devinrent défauts
Et les bien pas assez
Un jour tout s’éclipsa
Fin abrupte
D’un amour arrogant
Jadis beau et insolant
Désormais orphelin
Au piètre destin

Monday, October 02, 2006

Rubrique publicité

Adaptation de l'écume des jours.

L'adaptation du célèbre roman est faite par la très talentueuse (et ma très amie !) Fannie Bellefeuille.

Ça commence demain et ça ne dure que trois semaines. Le spectacle est offert du mardi AU samedi. Faites vite !

(Quant à moi, j'y vais la semaine prochaine).

URL : http://www.ikaria.ca/cms/index.php?option=com_content&task=view&id=16&Itemid=38

Vous m'excuserez ce billet publicitaire, mais c'est pour la bonne cause :)

Verdetaze

Le ver a mal au dos. Un massage ? Avec quelles mains ? Et même s’il en avait. Un auto-massage ? Laissez-moi rire. Avec ses pattes ? Pas assez longues. Pas assez souples. Pas assez. Jamais assez. Le ver de terre se frotte à la table de cuisine. Au plancher. Au lit. Au bain. Rien n’y fait. Le ver souffre. Il se retourne. Il fait des pirouettes. Il zigzague. Il ne sait plus à quel saint se vouer. À qui demander ? Il a mal au dos. Il a mal aux pattes. Il a mal dedans. L’estime de soi en a pris un coup. Il veut se suicider. Il ne veut plus de cette vie ingrate. Pas d’horizons. Pas d’avenir. Pas de perspectives de carrière. Même pas de perspectives de se faire faire un massage. Quelle vie ! Tout ça pour ça ! Le ver a pris sa décision. Peut-être que là-haut, on lui fera un massage. Peut-être que dans cette vie ailleurs, il aura plus de chances dans la vie. On le dorlotera. Il aura des mains. Il pourra se gratter. Peut-être même écrire. Ou jouer de la guitare. Ou du piano. Ou au basket. Le ver a pris sa décision. La vie, c’est fini. Il se dirige vers le lit. Il se met en dessous des babouches de cet animal-qui-marche-debout. Et il attend. À 7h 30, le réveil sonne. Marche-debout pèse sur un bouton. La sonnerie s’arrête. À 7h 35, la sonnerie reprend de plus belle. Le ver est en train de prier. Son heure approche. Il pense à tout ce qu’il a vécu. À tous les murs sur lesquels il a rampé. À tous les délices qu’il a mangés. Aux voyages qu’il a effectués. À cette pomme pourrie où sa mère a perdu la vie, jetée dans une rivière, elle qui ne savait pas nager. Il pense à tous ces événements, l’un après l’autre. Marche-debout se lève, se frotte les cheveux, met son caleçon, son t-shirt, reste assis un moment, et se met debout. Il enfile ses babouches. Un bruit. Marche-debout n’entend rien. Mais il y eut bruit. Il y eut fin de vie aussi. Ver n’est plus. Paix à son âme. Marche-debout marche, mais ne sait pas, ne sait rien de cette tragédie qui vient d’arriver. Pour lui, la vie continue, la vie continue.

Vingt ans plus tard, dans un temple-trou, dans le sous-sol d’un palace, des milliers de vers sont réunis. Ils font face à une image. Une photo. Sur la dite photo, un ver immense, de couleur mauve, avec une couronne et un regard intense. Les vers chantent en chœur. Lèvent la tête au ciel. Ils sont en transe.

Vingt ans plus tard, on se rappelle encore de ce ver, comme le premier révolutionnaire, comme le premier qui a osé sacrifier sa vie. Pour la dignité. Pour le droit à la justice. Pour le droit à une vie décente. Pour le droit au massage. Le massage, n’est-ce pas un droit universel ? Maintenant, tous les vers se font masser. Le dos, les pattes, la tête. Maintenant, les vers se sentent enfin valorisés.

Maintenant, les vers existent. Grâce à ce Ver. Grâce à Verdetaze. Gloire à Verdetaze, le premier ver à avoir sacrifié sa vie pour ses semblables.