Wednesday, September 29, 2010

Trois jour au Maroc

Pise-Marrakech. Beaucoup de marocains vivant en Italie. Des familles toutes entières avec des bagages pour vivre un demi-siècle. Des enfants, des jeunes, des adultes, quelques vieux. Un peu plus que deux heures de vol. La pagaille. On dirait la SNCF en avion. Je m'endors souvent en avion. Pas cette fois. C'était bizarre. Jamais je n'étais venu au Maroc pour 3 jours.

À l'arrivée, nous cherchons un taxi. Le prochain train pour Rabat est dans une heure. Les chauffeurs veulent charger 100 DHRS. Je proteste énergiquement. Le "chef" me demande de patienter, il va appeler un "ami". Ce sera 80 DRHS. J'accepte.

Le train. Quelques jeunes marocains dans notre compartiment. Ils se plaignent. Le Maroc ci, le Maroc ça. Je leur dis que c'est partout pareil (ou presque) et que le Maroc a quand même ses "atouts". Je me rends rapidement compte que je prends la "chose" avec une approche occidentale : positivisme, encouragement, etc. Je me tais. J'ai presque honte. Pourquoi parler à mes frères en occidental. Ça n'a l'air de rien, mais ça pourrait faire l'objet d'un doctorat. Où est l'oriental en moi ?

Je leur souhaite bonne chance. Vraiment de bons types.

Rabat-ville. Un autre taxi. On arrive chez mes parents. Ils sont réveillés. Il est presque minuit. Je suis content. Mais aussi triste : je pars dans 3 jours.

Le lendemain matin. Direction le cimetière. Je ne peux déroger à la règle. Chaque année, visite de la tombe des défunts grands-parents et de leur fils, mon oncle. Et c'est les larmes et l'émotion. Et c'est le coran qui te rentre par le nez, la bouche et les oreilles. Et c'est ton âme qui vibre. Et tu ne sais plus si tu pleures leur mort ou la tienne dans l'avenir. Et je suis soulagé. Oui, soulagé. Parce que l'oriental en moi est toujours là bien vivant.

La médina. Les babouches. Les bijoux. Ma soeur me reproche tout de suite ma latitude envers les marchands : je ne négocie presque pas. Mais que lui dire ? 3 jours au Maroc, ma soeur. 3 jours au Maroc. J'ai presque honte. Ils n'ont rien. Ils n'ont que moi et tous les autres qui viennent en été. Laisse-les vivre. Et voilà. Chassez l'occidental, il revient au galop. Je me tais encore une fois. Et j'achète. Souvent ce dont j'ai besoin. Des fois, ce dont je n'ai pas besoin. Rien n'a changé. Mêmes visages. Mêmes mendiants. Même médina. Le jour qu'elle ne sera plus pareille. Je ne reviendrai plus. Je saurai que c'est fini. À jamais. Mon enfance. Dans la poubelle. Dans la mer houleuse. Dans les nuages. Quelque part d'autre qu'ici, dans mon Rabat natal. Qui n'existe certainement plus. Que dans mes rêves. Que dans ma nostalgie. Que dans mon idéal. Que dans mon pauvre cerveau.

La famille. Je les aime. Enfin, j'en aime quelques un(e)s vraiment. Les autres, je les aime aussi. De tout mon coeur. Dans leurs yeux, je me revois à 10 ans, à 15 ans. Je me vois jeune et hésitant. Porteur de grands espoirs et (déjà) de grandes déceptions. Je les sais qui se disent : il a changé. Il parle. Avant, il était timide et maladroit. Maintenant, il nous "explique". Pour qui se prend-il ? Je me tais. 3 jours au Maroc, ce n'est guère facile. Alors, je n'explique rien. Je regarde autour de moi. Des cousins beaucoup plus jeunes que moi, passent et repassent. La nouvelle génération. L'avenir de la famille. Je suis la branche du grand arbre qui a pris racine ailleurs. L'arbre est dans la forêt. La forêt pousse, grandit, brûle des fois. Et la vie continue.

La plage. Il ne fait pas beau. Gris. Nuageux. Rien n'est comme avant. Même le soleil a déserté. Deux jeunes se disputent. Le plus fort gifle le plus frêle. J'essaie de les séparer, de les raisonner. Le frêle pleure. Le fort bombe le torse et parle de son passé de prisonnier. J'ai envie de leur dire que tout ça, c'est de la pisse de chat. Que ça ne vaut pas la peine. Que c'est vil. Mais qui suis-je ? Je me tais. Plus tard, un flic arrive et embarque le "fort". Un semblant de justice. Enfin...

Ma cousine et moi avons amené un cousin avec nous. Il ne parle que rarement. Tu veux manger ? Non. Tu veux boire ? Non.

On ne reste pas longtemps. Il fait trop gris.

Ma cousine s'en va à Marrakech le lendemain. Ma soeur part avec elle. Je reste avec ma mère et mon père. Je sors voir des matchs de foot (coupe du monde) avec des amis. Je ne vois chacun qu'une fois. Des fois, je fais une mi-temps ici, l'autre mi-temps là-bas. Le temps passe vite. Très vite.

Heure de départ. Ma mère me dit les larmes aux yeux que, peu importe 3, 2 ou même un jour, il faut que je vienne. Je hoche la tête en guise de oui. C'est la station de train. Les gens courent à droite et à gauche sans savoir la tragédie gréco-marocaine qui leur passe sous le nez. Un fils. Une mère. Des kilomètres. Des larmes. Le déchirement. Ils courent, mais entre moi et ma mère le temps s'est figé. Ses yeux. Ses yeux. Je ne les oublierai jamais. Jamais.

Je tourne la tête et part. Je ne me retourne pas. Je la sais qui respire difficilement. Je la sens. Je sens son coeur battre. Maudite soit la vie !

Le train. Je mets mes écouteurs sur les oreilles et je ferme les yeux.

Insociable.

J'assume.

L'avion. Marrakech-Pise. Je ne sais pas comment décrire ce sentiment. Cette joie de les voir, cette tristesse de partir, tout en trois jours. Tout en 72 heures. C'est les montagnes russes. C'est l'hiver montréalais et l'été Marrakchi.

Et cette phrase d'un ami.

Ne nous refais plus jamais ça. Je ne sais même plus si tu es vraiment venu.

Moi, non plus, je ne le sais plus.

Moi non plus !

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