Thursday, November 29, 2007

Oncle Sam. The journey (4).



J’ai ouvert l’œil gauche en premier et je l’ai envoyé explorer le réveil. Il était 5h 44 ! Et ce wake-up call monsieur le préposé ? Décidément, rien ne marche. Je cours prendre ma douche, ramasse mes affaires, fais un dernier tour pour m’assurer que je n’ai rien oublié et sors. Je me présente à la réception. C’est le même gars qui ma reçu hier. And the wake-up call ? That wasn’t really nice. Sa bouche est restée intacte, prise au dépourvu ou peut-être, plutôt, trop fatiguée par une énième nuit blanche. La vie est difficile. Vous pouvez y aller, tout va bien, me dit-il. Je pris la direction de la porte ; cinq ou six personnes attendaient déjà le bus ; il était 6h 30, l’avion partait, en principe, à 7h 40. J’étais dans les temps. J’arrive à l’aéroport. La file est énorme pour passer les douanes. On enlève ses chaussures, on se laisse toucher, palper, scruter. Le 11 septembre est partout, partout. Je passe dans l’espèce de porte à détecter les méchants et, voilà, ça sonne. J’enlève ma montre, mon cellulaire (mais où avais-je la tête, voyons ?) et je repasse, ça sonne. J’enlève ma ceinture ? Non. Attendez ici deux secondes, me lâche gentiment (je suis sérieux) une demoiselle. J’attends. On me demande de me mettre au coin. Un homme est en train de se faire fouiller. Je subis le même exercice. Finalement, il me demande d’enlever ma ceinture et de l’attendre, le tout avec une infinie gentillesse. J’attends. Il revient deux minutes plus tard, me la tend et me souhaite un bon voyage. Vous n’aimez pas ma ceinture, hein, sinon vous l’auriez gardée…Gros sourire. Sa collègue se fout de sa gueule. Je ne savais pas que j’étais si drôle.
Je m’achète un chocolat chaud et un croissant, puis je me dirige vers la porte d’embarquement. Quand j’arrive, je me jette sur l’écran affichant les heures de tous les vols de départs : 8h 00 pour Houston. Je prends un siège et bois tranquillement mon chocolat chaud. Stoïcisme. Calme chinois. Fais du biddisme (Gad, sors de là !), O., fais du yoga, fais n’importe quoi, mais reste tranquille. Je lis Jeune Afrique. On pleure le départ de B.B.Y. On le congratule et je ne peux être en désaccord. Il aura fait du bon travail, jusqu’au bout.
Je réalise soudain que j’ai une voisine, jeune, plus jeune que moi. J’entame la discussion. Elle part à Houston chez son père. Elle passera la Thanksgiving chez sa tante. Elle ne sait pas où elle habite. Elle veut aller vivre à New York ou Boston. Je cherche des centres d’intérêts. Sport. Cinéma. Politique. Bruce Lee. Driss Chraïbi. Iverson. Je ne trouve rien. Néant. Alors, je me tais. Et je lui souhaite bon voyage.
9h 00. Un préposé d’US Airways prend le micro de temps en temps et nous met à jour. L’avion est là, c’est l’équipage qui fait défaut. Quelques personnes s’impatientent et disent très haut où elles situent US Airways (très bas). J’essaie de lire ce bon vieux Fante en anglais, mais je ne suis pas très concentré. Je suis fatigué et j’ai presque envie de dormir là sur le siège. Mais je suis seul et il y a les bagages et je suis paranoïaque. Je résiste.
9h 45. Je suis finalement dans l’avion. Nous allons décoller. Il pleut dehors.

Nous décollons. Mais je ne suis pas sûr qu’on ne revienne pas à Philadelphie dans moins d’une heure, pour y passer une autre agréable nuit dans une chambre froide d’un hôtel, certes décent, mais qui n’a pas la moindre bouteille d’eau dans ses chambres.

Je m’endors.

Je me réveille deux heures plus tard. Je me retourne, je regarde mes voisins. Personne ne pleure. Tout le monde est calme.

Il m’est avis qu’on arrivera bientôt à Houston.


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Tuesday, November 27, 2007

Nous sommes tous des Gandhi !

Voilà, Reda...

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Oncle Sam. The journey (3).



Voilà, c’est enfin notre tour. Cette fois, je fais bien attention, c’est bien pour Houston que part l’avion.
Hublot. J’ai subitement froid. Ça doit être la fatigue. À côté de moi, un jeune homme carré, cheveux rasés, béret blanc dans la main. Je me dis qu’il ne doit pas faire de la chorale, lui. Il s’endort doucement. Je ne cherchais qu’un petit encouragement.
Quand je me réveille, l’adolescente en arrière de moi pleure, l’hôtesse de l’air crie quelque chose dans le micro. Je n’avais pas encore mis le switch à ON. Je ne comprends rien, mais je sens que quelque chose ne va pas. Il pleut dehors, entre ciel et nuages. Il pleut et l’avion fait des mouvements qui me rappellent Chouchounova à la fin de sa carrière. L’hôtesse passe à côté, je l’arrête et lui demande des explications. On revient à Philadelphie. Il y a une tempête à Houston. L’adolescente pleure de plus belle. Je ne pense qu’à une chose : mon oncle qui m’attend à 11h 40 à l’aéroport. J’oublie tout ce qui est rationalité et logique et je pose la question la plus conne de l’histoire de l’humanité : Puis-je utiliser mon cellulaire ?

On atterrit à Philadelphie. J’appelle mon oncle, pas de réponse. Je rappelle trois fois et je laisse un message. En marchant vers la sortie de l’avion, je pense à Shining, au labyrinthe, à la course, au regard diabolique de Nicholson : c’est un film d’horreur, je suis dans une impasse.

On me donne un billet, on me demande de me présenter à l’hôtel machin-chouette, en utilisant le bus à la porte 4 de l’aéroport. Demain matin, il faut être là une heure avant le départ de l’avion. Ça veut dire à quelle heure ? Parce qu’il est TOUJOURS en retard votre avion madame. TOUJOURS. Alors, je me présente à quelle heure ? Une heure après l'heure prévue du départ ?
Je suis deux jeunes hommes vers la dite porte, il y a déjà un bus, il reste deux places, ils montent. J’attends dans le froid, la nuit, Philadelphie. Je souffle et ça fait de la fumée. Il n’y a presque personne autour. Je pense à Tom Hanks et son personnage de séropositif de Philadelphia. Je le revois danser à la Michael Stipe. Et je pense au temps qui passe. 1993. 2007. Le bus arrive.
Je me présente à l’hôtel. On me demande une carte de crédit au cas où. Je demande au préposé de me réveiller à 5h 30 du matin et je file vers l’ascenseur. Ma chambre est au septième étage. Il y fait très froid. Ils ont laissé le climatiseur allumé. Je l’éteins et mets le chauffage à fond. J’ai soif. Il n’y a pas de frigo. Donc, pas d’eau. Je ressors à la recherche d'une belle bouteille d'eau. Soif. Soif. Soif. Tiens, une machine distributrice de boissons. Je choisis la bouteille rouge, sa couleur m’amuse. Le goût m’amuse moins : c’est aux cerises. Pouah !

Au retour, je prends ma douche, j’allume mon ordinateur, impatient de voir s’il y a accès à l'Internet. J’allume la télé en attendant que windows démarre. Un match de basket insignifiant, un talk-show, un autre talk-show. je zappe et rezappe. Et le verdict tombe : il y a connexion. Gmail. Facebook. Blogue. Maudite drogue. Ça vous suit même à Philadelphie.

Je me mets au lit et je zappe encore et toujours jusqu’à l’effondrement. Il est 1h 20 du matin, quand mes deux yeux se ferment en même temps. Il me reste 4h 10 à dormir. Je n’ai qu’une seule pensée : Je suis seul.

C’est dur d’être seul à Philadelphie.


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Thursday, November 22, 2007

Oncle Sam. The journey (2).

Quand j’arrive au terminal C28 de l’aéroport de Philadelphie, je cours, les jambes au cou, vers la porte d’embarquement. Je donne mon billet à la préposée qui rentre mon numéro de siège sur le système informatique et me tend mon ticket. Je marche vers la porte de l’avion, souris machinalement à l’hôtesse qui me le rend bien et tourne à droite en direction de mon siège. Une dame d’un certain âge sera ma voisine de voyage. Je m’assois poliment à côté d’elle, toujours le même sourire niais sur la tronche. Je suis sur le point de m’endormir quand une autre dame s’approche avec son ticket dans la main et me demande : 5A aussi ? Je sors mon ticket de la poche pour m’assurer et réponds jovialement : Oui. Je fais des signes à l’hôtesse de l’air qui arrive sourire-publicité-de-dentifrice. Elle me demande, elle aussi, mon ticket que je lui tends derechef. Son expression faciale n’est plus exactement la même que quand elle faisait la publicité imaginaire du dentifrice : on dirait qu’on nous a assignés le même siège. L’hôtesse demande à la dame de la suivre. Je lâche un « sorry » sans âme. La dame à côté de moi me demande « Vous étiez dans le même vol que moi, avant, arrivant de Houston ? ». « Euh, non. Je vais justement à Houston, je ne peux pas arriver de Houston » Elle me regarde, sceptique, les sourcils en circonflexe. Quelque chose ne tourne pas rond, ici. « On va à Houston, n’est-ce pas ? » « Non. On va à Pittsburgh. » Une lampe, aussi imaginaire que la publicité, s'allume en haut de ma tête. Je me lève, prends mon sac à dos, remercie la dame et file en douce vers la porte. Je dis à l’hôtesse. « C’est à Houston que je vais, pas à Pittsburgh ». « Ah, c’est pour ça… ». Je me présente à la préposée et lui explique la situation, pour qu’elle me donne un autre ticket d’embarquement. « Vous n’aviez pas entendu que le vol était pour Pittsburgh ? ». « Pas plus que vous n’aviez lu sur mon billet que j’allais à Houston ». « Ça, ce n’est pas mon travail. » Je me demande, dans ma pauvre tête fatiguée, en haut de laquelle ne figure plus la lampe, quel peut bien être son travail. Et puis, je décide de me taire. Il faut savoir choisir ses batailles, comme disent nos amis anglophones. Je ne choisis pas celle-ci. Elle serait sans résultat, inutile, comme toutes les autres finalement. Je prends mon billet et file m’asseoir. Le vol pour Houston est finalement en retard. Encore un retard. Ils sont vraiment forts chez US Airways. Très forts. Champion du monde, dans la discipline du retard, toutes catégories confondues. Je mets mon lecteur MP3 sur mes oreilles déjà fatiguées par un seul décollage et un seul atterrissage. Ça promet pour le reste.

Je n’ose imaginer ce qui serait arrivé si je m’étais assoupi dès l'embarquement. Je serais à Pittsburgh, à l’heure qu’il est.

Je déteste attendre.

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Tuesday, November 20, 2007

Oncle Sam. The journey (1).

Il me reste une heure pour faire ma valise, me raser et prendre ma douche avant que S. vienne me chercher pour m’amener à l’aéroport PET. Je cours dans tous les sens. T-shirts, caleçons, chaussettes, vestes, pantalons, trousse de toilette se faufilent dans la valise en une demi-heure. Je me rase vite fait non sans me dessiner le logo de Nike sur la joue gauche; sous la douche, j’ai des pensées méditerranéennes romantiques. Des mouettes, un bateau, de la pêche, du poisson frais frit. Bref, tout ce que je n’ai jamais fait. Je ne sais d’où me viennent ces rêves. Je n’ai jamais lu Hemingway. Je n’ai jamais bu d’Absinthe. Ça me vient comme ça, de nulle part. L’eau chaude coule et assèche ma peau; je me savonne n’importe comment, sans aucune élégance, sans aucune grâce, comme un Shaquille O’Neal avec un ballon orange.

S. appelle. Elle est en bas. Je fais deux trois petites bricoles et je descends.
Il fait beau dehors. La discussion avec S. est plaisante, comme toutes les autres discussions qu’on a eues au fil des ans. On arrive trop vite. Je lui dis, comme ça, que j’aimerais bien que les Américains me travaillent aux douanes. Elle me traite de fou avec un large sourire. Fou, je n’ai jamais prétendu ne pas l’être. J’accepte le compliment.

Aux douanes, malheureusement, tout marche comme sur des roulettes. Aucune question déplacée, aucune allusion à Cuba et sa destination Guantanamèsque de rêve. À peine une question de routine. Vous allez où ? Houston. Hôtel ? Chez mon oncle. Il fait quoi dans la vie ? Vice-président de ski-land, une compagnie qui offre des séjours de ski de luxe au Texas. Froncement de sourcils. Doute dans le regard. Il va dégainer. Il va peser sur un bouton rouge et je vais être éjecté. Je rectifie. Il travaille pour une pétrolière. Ah, okay. Sourire. Bon voyage.

Je suis déçu. Dire que je suis venu trop tôt. Prêt pour Waterloo, maarakat Al Makhazine, les Malouines. Rien. Nada. Que dalle. Je vais rester sur ma faim. En parlant de faim, j’ai une petite fringale. Je fais un petit tour à l’aéroport. Il n’y a que du fast-food. J’ai le choix entre du fast-food cher qui a des allures de pas fast-food mais qui en est un ou du fast-food pas cher qui a tout à fait les allures de fast-food et qui en est un, appelé glorieusement Burger-Queen. J’opte pour le deuxième. Il faut les encourager les pauvres.

J’engloutis le Whopper en deux temps, trois mouvements; les frites en trois mouvements deux temps et le thé glacé en un demi-temps, vite fait, bien fait. Que faire maintenant ? D’abord me mettre à côté de la porte d’embarquement, comme ça je suis sûr de ne pas rater l’avion. Done. J’ouvre Ask the dust de Fante. J’ai décidé de lire en anglais pendant mon périple américain. On fait les choses comme il se doit ou on ne fait rien. Mais je triche. Je l’ai déjà lu…en français. La préface de Buckowski est belle. Fante était son Dieu, sa révélation, son inspiration à vie. J’ai les yeux qui se ferment. Visiblement, je ne suis pas inspiré. Voilà qu’on annonce un retard. L’avion ne volera que dans deux heures ! J’ai le temps de dormir. Mais, à peine je ferme les yeux cinq minutes, que le téléphon son. Je n’ai pas le temps de répondre. Ça passe au répondeur.

J’ouvre Jeune Afrique. Une citation de B.B.Y me fait sourire. Je t’aime pour la vie, ce soir . Louise De Vilmorin (c’est qui celle-là ?) à Orson Welles. Un petit article sur Al-Walid Ben Talal m’enlève le sourire sans perdre de temps. Le prix de L’A-380 aménagé (520 millions de dollars) est du même ordre que :
- Les exportations du Niger.
- Les transferts des travailleurs immigrés du Burkina.
- Le PIB de la Gambie
- Le revenu annuel de 600 000 Subsahariens.
- Le revenu annuel de 200 000 Arabes.

Je n’aime pas faire dans la morale. Je n’aime pas faire dans la démagogie à deux sous, mais dis-moi Al-Walid, des robinets en or dans un avion, ça sert à quoi ?

Je suis à Philadelphie maintenant. Mon deuxième vol est en retard aussi. Heureusement : je l’aurais raté, sinon.


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Wednesday, November 14, 2007

La fièvre du grand écran



Je ne me rappelle plus du premier film que j’ai vu. Aussi loin que je puisse pousser ma mémoire, j’aperçois mon père, moi, une salle obscure et des dessins-animés. Je crois que ça s’appelait « Basil, détective privé ». Petite recherche sur Internet. Disney. 1986. Personnage inspiré de Sherlock Holmes. C’est ça. « Basil, détective privé ». La salle devait être celle de 7ème art à Rabat. Je ne sais quel âge j’avais. Je sais que j’ai été émerveillé, bercé, peut-être même transformé.

Ensuite, le cinéma est devenu ma passion. Non, je n’ai pas commencé à voir des Truffaut et des Godard. Non, je n’ai pas connu d’emblée Stella Adler et la méthode Actors Studio. J’aimais le cinéma comme l’aiment les mômes. J’allais voir des films de karaté, ninja, cow-boys, boxe, etc. J’allais voir tout ce qui passait dans ces chères salles de cinéma marocaines qui passaient deux films la même après-midi. À l’entracte, je m’achetais une limonade et un gâteau, si j’avais de l’argent. Sinon, je n’achetais rien. Ce n’était pas grave. Je ne faisais aucune analyse du film. J’ouvrais les yeux et me laissais aller. C’était magique.
Pour aller voir les films, je demandais de l’argent à mon père. Il me demandait : tu vas voir quoi ? Ninja 4. Parfois, il faisait une petite moue et, découragé, me tendait l’argent. Parfois, il me suggérait un autre film. Dois-je plutôt dire qu’il m’obligeait à voir un autre film ?

C’est ainsi que, par cet après-midi d’un mois d’une année dont je ne me rappelle pas, j’ai traîné mon ami M. à voir « L’empire du soleil ». Il était déçu. Nous devions aller voir Rambo. Il n’a pas voulu y aller seul. Alors, il m’a suivi.
Aujourd’hui, je cherche des informations sur « L’empire du soleil ». Il y a John Malkovich et Christian Bale. Il y a même en bas de la page de recherche, quelque part parmi les seconds rôles, Ben Stiller. Je ne connaissais aucun de ces messieurs à l’époque. D’ailleurs, je m’en foutais. Je m’en fous toujours. De ce film, je suis sorti bouleversé. Vraiment. Par l’histoire, par la photo, par la musique. Par tout.
- M., tu as aimé ?
- Bof. Rambo, ç’aurait été mieux.
- On ira le voir.

Et on est allés le voir. Et on a continué à voir les autres Bruce Lee, Client Eastwood et Schwarzenegger. Mais de temps en temps, le père mettait son véto. Et on allait voir l’autre cinéma.

Un jour, à la télé, il y avait cet autre film. Un extra-terrestre. Ses mains vertes. La lumière rouge au bout du doigt. Le vélo qui vole. Le petit qui fait semblant d’avoir la fièvre en approchant sa tête de la veilleuse. Et la fin. Et la gorge serrée. Et les larmes du petit Elliott. Et mes larmes. Et mes larmes. Et mes larmes.

Je sais. E-T, c’est 1982. L’empire du soleil, c’est 1988. Mais ma mémoire est ce qu’elle est. Et nous sommes au Maroc : Les dates n’ont aucune importance. Ça vient quand ça vient.


Plus le temps passait, plus je regardais des films. Plus je regardais des films, plus je devenais sélectif. Je regardais quand même les Bruce Willis, Stallone, Arnold, mais sans m’emporter. Sans y croire vraiment. Sans y mettre mon âme.

Il y eut bien entendu, ex-colonie française oblige, la passe française. Alain Delon versus Jean-Paul Belmondo. Tout le monde aimait Jean-Paul. J’aimais Alain. Et Jean-Paul. Les deux. J’ai dû voir tous leurs films de l’époque. Le professionnel. Et cette musique. Ah, cette musique ! (Ennio Morricone, mais je ne le savais pas à l’époque). Borsalino. Mort d’un pourri. Trois hommes à abattre. La tulipe noire. Zorro. Le cerveau. Flic ou voyou. Le marginal…
Il y eut aussi Louis De Funès, Lino Ventura, Jean Gabin. Et je regardais. Et j’absorbais. Et je riais et je pleurais. Et c’était la fête à chaque fois, à chaque image.

J’ouvre une parenthèse.

Un jour, j’ouvre un numéro du magazine Studio. Interview avec Delon. « Si je sais que je ne peux plus rendre une femme heureuse, je me tue ». « De la même manière que Dewaere ? » « Non, je ne voudrais pas vous laisser cette image de moi ».
Depuis, je n’aime plus Alain.

Parenthèse fermée.

Puis vint le temps des chefs-d’œuvre.

Le parrain. Avec un grandissime Marlon Brando, un Al Pacino très juste, un James Caan impulsivement impressionnant, un Robert Duval inoubliable. Ah, ce Marlon/Don Corleone, orange-dentier dans la bouche, faisant peur à son petit-fils, courant, tombant, mourant. Ah, cette raclée que donne James/Sonny à son beau-frère avec l’eau qui gicle de partout. Ah, les scènes de Pacino/Michael en Sicile. Ah, cette musique ! (Encore Morricone !)

Apocalypse Now. The horror. The horror. I love the smell of Napalm in the morning. Coppola qui hypothèque sa maison pour faire le film. Les gens de Hollywood qui rient de lui. Brando gros et chauve. Martin Sheen qui se tape une vraie transe devant la caméra. Et la palme d’or à Cannes, comme une baffe dans la gueule des sceptiques.

Taxi Driver. Are you talking to me? Are you talking to me? De Niro avec sa désormais mythique coupe de cheveux iroquoise à la fin du film. L’inoubliable petite Jodie Foster. Le détestable Harvey Keitel. Et cette scène où Travis/De Niro amène naïvement sa convoitée au cinéma, voir un film porno ! Le cinéma. Le vrai cinéma.

On the waterfront. Brando. Beau, jeune et majestueux. I could have been somebody, i could have been a contender. Elia Kazan. Ce grand cinéaste qui, en plein milieu de la chasse aux sorcières, a vendu des collègues. Comme quoi, on peut être grand cinéaste et crapule finie.

Raging Bull. De Niro encore. Et Joe Pesci. You fucked my wife ? You fucked my wife ? Les combats de boxe. Les kilos en trop. La belle Moriarty/Vickie. Les frères qui s’embrouillent. Le dernier combat. La Motta qui prend une raclée, sans lever le petit doigt. Exprès. Et le sang qui gicle de partout. Son œil au beurre noir. Sugar Ray qui vient d’être proclamé champion. Et La Motta qui s’approche et lui lance cette phrase « You didn’t get me down, Ray ». Et c’est pire qu’un K.O.

Et j’en passe : je ne peux pas tous les citer. Ce serait trop long.

Aujourd’hui, je regarde moins de films que ce je voudrais. Je n’ai pas le temps. Si j’avais le temps, j’en regarderais un par jour. Car, oui, il me reste tant à voir. Il me reste Kurosawa, sur qui pleuvent les éloges. Il me reste tant de Truffaut et de Godard. Il me reste le cinéma Italien de l’âge d’or. Il me reste…

Je n’aurai jamais tout ce temps.

Mais je fais ce que je peux.

Tiens, avant-hier , j’ai vu un chef-d’œuvre. Pasqualino Settebelleze (seven beauties). Lina Wertmüller. Si vous voyez ce film, vous saurez que « La vita è bella », c’est de la rigolade. De la pure rigolade. C’est tout ce que je dirais sur ce sujet.

Aujourd’hui, et je sais que c’est tellement cliché de le dire, le cinéma n’est plus ce qu’il était. Presque personne ne met ses trippes dans un film. On a l’impression que c’est fait sur commande. Pèse sur ce bouton, l’autre et l’autre. Amène quelques stars. Okay. Le film est prêt. Fais une publicité monstre. Attends l’automne pour qu’il soit oscarisable….Ce n’est plus la même chose. Ce n’est plus le jeu d’acteurs d’avant. Ce n’est plus l’émotion. C’est le cinéma pop-corn, pizza, glace au chocolat.

Enfin, j’exagère un peu. Il y a l’Europe. Lars Von Trier. De temps en temps. Almodovar. Souvent. Ozon. De temps en temps. Veber, Haneke, etc. Il y a les américains, pas très américains. Soderbergh. Une fois sur deux. Lynch. Mais on ne comprend presque jamais. Les frères Coen. Souvent aussi. Wes Anderson (allez voir The Limited Darjeeling, c’est drôle !), Innaritu (Je sais, il est Mexicain, mais ses deux derniers films ont été faits aux États-Unis…), etc. Il y a l’Asie. Wong Kar Wai. Ang Lee. Et d’autres dont j’oublie le nom. Il y a sûrement l’Afrique, mais on n’en reçoit presque pas par ici (quelques nord-africains de temps à autre).

Il y a toujours des surprises.
Mais ce n’est pas assez.
Mais je suis nostalgique. Du bon vieux temps. Du vrai cinéma. De ces jours meilleurs où aller au cinéma était une expérience presque religieuse.

Peut-être ai-je tort.



Tous les cinéphiles le savent. Le petit garçon du Cinema Paradiso, c'est nous. C'est vous. C'est moi.



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Wednesday, November 07, 2007

Pensées de Novembre



Novembre. Le vent souffle et dessine des fleuves d’espoir. Sur les arbres, quelques feuilles résistent, tandis que leurs sœurs de tronc déclarent forfait et sautent du haut de sa majesté l’arbre, dans un geste ultime de poésie, se laissant altruistement traîner par terre. Je marche dessus. Je les écrase ou les cajole du pied, c’est selon. Elles sont jaunes, oranges, grises. Elles ne sont plus vivantes et, pourtant, sont tout ce qu’il y a de plus vivant sur cet asphalte sans âme. Et le vent souffle. Et ça fait des tourbillons de bonheur sur l’île déserte de mon cœur. Et le vent souffle. Et mon âme seule respire du bout du nez. Je vis. Et vivent à travers moi mes souvenirs vivants et mes rêves morts. Et le vent souffle. Et souffle le temps sur nos derrières. Il faut avancer, avancer, marcher, marcher et un jour, le ravin. Et un jour, le grand saut. Et un jour, tu seras cette feuille morte dans une forêt sauvage, et sifflera l’oiseau et bondira le soleil, et tu seras là, à subir. Mais qu’as-tu jamais fait d’autre que subir ?

Novembre. L’éclat froid du soleil. Les nuits à dormir sans dormir. Les matins gris. L’écureuil qui se tortille sur l’arbre d’en face. Le poisson rouge que je n’ai pas. L’oiseau-dans-une-cage que je ne veux pas avoir. Le chat imaginaire qui me fait éternuer. Le désert réel qui me suffit et me remplit. La table noire de la cuisine qui ne veut pas être rose. Che Guevara qui franchement-pour-une-révolution-n’a-rien-trouvé-de-mieux-que-ma-cuisine. Vas-y Ernesto, fais-nous un maté, qu’on le boive ensemble. Dans la salle de bain, Ulysse, page 612, témoigne de mon incapacité à lire ce qu’il faut lire, à comprendre ce qu’il faut comprendre. Voilà, je ne suis ni Marc Levy, ni James Joyce; ni Dan Brown, ni Carlo Emilio Gadda; ni Frédéric Beigbeder, ni Céline. Voilà, je n’ai toujours pas trouvé ma place.

Novembre. Quand je marche dehors, le bruit des voitures m’ennuie et j’ai presque envie de les poursuivre tous en justice, ces chauffeurs matinaux qui ne respectent guère les marches matinales. Marcher le matin, c’est la genèse de la journée, le début de l’aventure, c’est le premier cri du bébé, le premier baiser de la maman, le premier dodo dans le nouveau berceau. Mais ils ne comprennent rien. Alors à quoi bon…
Dans le dehors, ils sont nombreux à promener leur chien, un sac à la main. Ils sont nombreux à se laisser tirer par leur maître, la langue pendante et la tête baissée, à renifler les odeurs de ceux qui sont déjà passés. Savent-ils que je passe chaque jour ? Reconnaissent-ils mon odeur ? Existé-je ? Ou ne suis-je qu’un fantôme ? Vais-je me rendre compte, comme Bruce Willis, que je suis mort depuis longtemps, à la fin d’un interminable film d’une soixantaine d’années ?

Novembre. Le vent souffle toujours. Je passe ma carte de métro. Le tourniquet accepte de me laisser passer. Je lui fais un clin d’œil et j’avance. Premiers escaliers roulants. Deuxièmes escaliers roulants. Premiers escaliers non-roulants. J’ai une pensée pour les handicapés. Aucun espace d’accès pour eux. Puis, une autre pensée. Nous sommes tous des handicapés. Des amputés du cœur, comme disait Jacques.
Le métro arrive et nous avale sans aucun scrupule. Il me vomit cinq stations plus tard. Je suis sous-terre. Plus que six pieds sous terre. Mais vivant. Et le vent ne souffle plus. Ça sent les pneus des wagons. Tout est perpendiculaire, tout est à 90 degrés de tout. Du goudron, des marches, des poutres, de la roche. Et ça s’appelle Place-des-arts. Je ne vois pas d’art. Je vois du conservatisme. Du manque de goût. Du plat. Et c’est autant le désert que là où sont nés mes ancêtres, là-bas, au pays des hommes bleus et des tempêtes de sable, au pays des cinquante degrés et des quelques oasis.
J’ai subitement soif.
La journée commence.

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