Wednesday, October 11, 2006

Ces langues qui nous échappent

Dans un des ses livres, Fouad Laroui, un écrivain Marocain d’expression française, partage avec ses lecteurs, son problème avec la langue : ayant fait toute sa vie (ou presque) des études en français, il est francophone. Il déplore, néanmoins, n’avoir aucune langue maternelle et que des secondes langues. Puisqu’en arabe, il ne peut pratiquement pas nommer certains arbres, certaines fleurs…etc. En français, non plus. Ou du moins, il ne peut sentir ses mots. Qu’est-ce qu’un hêtre pour un homme qui a vécu toute son enfance au Maroc ? Qu’est-ce qu’un chrysanthème ?
Je me reconnais dans cette vérité. Et c’est encore pire dans mon cas, puisque je n’ai pas étudié en français toute ma vie. Même presque pas. Pendant toute ma scolarité au Maroc, j’étudiais en arabe. La géographie, l’histoire, les maths, la physique…etc. Quelques heures de français et d’anglais (bien plus tard, dans le cas de l'anglais) par semaine dérogeaient à cette réalité. Je m’amuse des fois à vouloir nommer certaines choses dans ma langue maternelle, ou une des autres langues que je parle. Je suis souvent incapable de trouver le nom en arabe. Je ne sais, par exemple, ce qu’est un sapin en arabe, ni une passoire, ni une tringle. Ça me décourage. J’en ai même honte. Qu’en est-il du français ? Pensez-vous que je peux vous nommer le type de l'arbre qui trône devant notre immeuble ? Pas du tout. Est-ce qu’une image me vient à l'esprit quand on me parle d’un hêtre ? D’une jacinthe ? De la sauge ? Nâh. Zéro pointé. En anglais ? Encore moins, mon anglais est fonctionnel, pas plus. En espagnol (moi qui ai vécu là-bas quelques années)? Non plus. Nada de nada.

Ce que je constate :
- On n’apprend dans une langue que ce dont on a besoin. Si je travaillais dans un jardin botanique en Espagne, j’aurais appris ces noms. Mais ce ne fut pas le cas. Si je m’intéressais aux arbres, aux fleurs, j’aurais appris leurs noms en français. Ce n’est pas le cas. Et je n’en suis pas fier.
- Je n’ai aucune langue maternelle, au sens strict du terme.
- Je ne parle aucune langue convenablement ou parfaitement. Il me manque toujours du vocabulaire.
- Être quadrilingue ne veut rien dire.
- Plus généralement, parler plusieurs langues ne veut rien dire.

C’est triste, n’est-ce pas ?

<$I18NNumpersonnes$>:

At 11/10/06 8:50 PM , Blogger Nina louVe said...

Non ce n'est pas triste je trouve.
Parce que vous êtes curieux et vivant. Trésor (!) tout ce que vous savez déjà de ces 4 langues. Trésor de chansons, d'accents, de silences.

 
At 11/10/06 11:27 PM , Blogger Onassis said...

Je suis de nature pessimiste (vous l'aurez deviné :)) je vois toujours la moitié vide de l'âme. Alors, je me dis, oui, mais tout ce que je ne sais pas ? Sur le lit de ma mort, entre une fleur fânée et un médicament périmé, en quelle langue soufflerai-je mes derniers mots ?

 
At 11/10/06 11:55 PM , Blogger Nina louVe said...

Celle de l'agonie, puisque vous êtes pessimiste. (rires)

 
At 12/10/06 12:01 AM , Blogger Onassis said...

Sourire. C'est vrai. Ça peut être le cas. Peut-être ne mourrai-je pas dans un lit, mais dévoré par un requin. Je n'aurais donc pas le temps de souffler mot.

 
At 12/10/06 10:53 AM , Anonymous Anonymous said...

Je te comprends. Mais, de là à dire que tu n'as pas de langue maternelle c'est un peu fort et pas tellement vrai. Tu oublies notre cher dialecte marocain. Dans ce dialecte, nous sommes capables de raconter des blagues que nous n'arrivons pas à raconter en Français, Anglais ou autre langue. Et cela est très significatif...
Depuis que je suis qu Québec, j'ai appris à reconnaître quelques arbres : un peuplier, un chêne, un sapin, etc. J'ai découvert (ignare comme je suis) qu'il y a des plantes vivaces et des annuelles. Je commence à connaître le nom des fleurs... Ai-je besoin de les connaître en Arabe ? Non, je ne le pense pas parce que la majorité de ces fleurs sont rares chez nous. Je suis même des fois assez contente de découvrir que j'ai un mot que je ne connais qu'en arabe, un mot que je ne connais qu'en français etc. Chacun de ces mots est précieux et je ne veux pas connaître sa traduction car il ne représente pas qu'un mot mais un monde relié à une partie de ma vie. Bon, j'arrête de philosopher ou plutôt niaiser :-) Tu vois, le mot "niaiseux" je le trouve à mon goût tel qu'il est employé au Québec, il est dépossédé d’une partie de son sens et sa connotation une fois traduit. Ciao amico.

 
At 12/10/06 3:34 PM , Anonymous Anonymous said...

En ce qui concerne le Français, tu le possèdes plutôt bien ! Si tu crois que je connais tous les noms d'arbre qui poussent en France, tu te leurres... Comme tu le dis, on ne connaît que ce qui nous intéresse. Quelque soit la langue ou le pays. En fait, + tu es curieux comme dit nina, + tu ouvres ton esprit et + tu apprends. Mais petite précision : on ne saura jamais tout, et c'est tant mieux !!!

 
At 12/10/06 8:55 PM , Blogger Nina louVe said...

Ma voisine du lab: Comment on dit "niaiseux" en arabe?

 
At 13/10/06 9:22 AM , Anonymous Anonymous said...

Nina louve : En dialecte marocain, on peut dire "aayyane". Je pense que c'est le mot le plus proche de "niaiseux". Onassis connaît peut être une autre façon de le dire en arabe. Mais, comme je disais dans mon dernier commentaire, il y a toujours une petite connotation différente. Mathématiquement parlant ;-), "aayyane" et "niaiseux" sont des adjectifs dont les domaines ont des intersections mais qui ne sont pas égaux.

 

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