Comme rien
Si je dis qu’Ahmadinejad est le meilleur allié d’Israël, on va me prendre pour un fou. D’ailleurs, je suis fou. Enfin, je le deviens par moments. Comme hier soir, quand je regardais à une heure tardive l’émission Kiosque sur TV5. Comme hier, quand pour une énième fois, devant des critiques sur Israël et sa politique, devant une autre personne qui, courageusement, conteste le surarmement d’Israël et sa détention de l’arme nucléaire, le journaliste Israélien a brandi la même réponse, le même argument, la même connerie que le gouvernement Israélien sort toujours : beaucoup de nos voisins veulent nous rayer de la carte. Cette histoire est – ça pue l’euphémisme – ridicule. Donc, l’Iran a aussi le droit d’avoir l’arme nucléaire. Pourquoi ? Parce qu’Israël et les Etats-Unis veulent le rayer de la carte aussi. Ou du moins, y faire une petite excursion à l’Iraquienne. Et pendant que j’y pense, moi aussi, j’y ai droit. Pourquoi ? Parce que ma voisine du premier étage, une Française d’une soixantaine d’années mange des arachides à longueur de journées et que je suis allergique aux arachides. Oui, oui. Je deviens rouge. Si, par malheur, je respire de l’air « Arachidien », je suffoque, mes oreilles grossissent et mes yeux rapetissent tellement qu’elles en deviennent bridées. Alors, oui. Je revendique le droit d’avoir l’arme nucléaire. Car, on veut me rayer de la carte.
Pendant ce temps, le Hamas et le Fatah se tapent dessus. Comme des cons. CaînS et AbelS. Au lieu de s’unir. Au lieu de se battre pour la même cause. On s’entretue. Et on voudrait que Dieu existe. Et on voudrait qu’il ait une barbe blanche et qu’il ait du temps. Et on voudrait qu’il descende de son piédestal et qu’il les prenne par les oreilles. Et on voudrait qu’il leur donne une bonne fessée publique. Pour leur apprendre la leçon. Pour les humilier et qu’ils ne le refassent jamais. Pour que demain, ils soient tous unis et se démènent pour qu’un jour, un jour – serais-je encore vivant ? – la Palestine existe. Mais, je peux toujours fantasmer. Je peux toujours fantasmer. Ce n’est pas demain la veille…
Pendant ce temps, des sionistes de partout dans le monde, cultivent l’image de la victime, du peuple persécuté. Et au nom de la justice commettent l’injustice. Et au nom de la mémoire, fabriquent d’autres souvenirs douloureux, d’autres tragédies, d’autres histoires d’horreur. Fabriquent un autre peuple-victime. Un autre peuple persécuté. Les juifs de demain. Les juifs d’aujourd’hui. Les juifs d’il y a bientôt soixante ans. Et on voudrait que Dieu existe. Et on voudrait qu’il ait une barbe blanche, noire, ou rousse. Et on voudrait qu’il descende de son piédestal et qu’il leur dise d’arrêter. Et qu’il leur rappelle que ce qu’ils ont vécu devrait servir de leçon. Et qu’il leur rappelle qu’il est peu noble et pas du tout humain, de faire revivre des cruautés vécues aux autres. Pour qu’un jour, un jour, - serais-je encore vivant ? – le mouvement sioniste disparaisse. Le monde s’en porterait tellement mieux. La paix ne serait plus qu’un mot sans sens. La paix ne serait plus qu’une colombe blanche qu’on imagine. La paix serait. Mais je peux toujours fantasmer. Je peux toujours fantasmer. Ce n’est pas demain la veille…
Pendant ce temps, le monde vit dans le chaos. Pendant ce temps. Le Darfour. Le Tibet. Bagdad. Kaboul. Pendant ce temps, quelques Africains désespérés prennent une frêle barque en partance vers l’Europe, vers l’Eldorado, vers le rêve. Car là-bas, il paraît qu’on peut dire : demain je ferai. Alors que chez eux, c’est demain j’ai fait, c’est hier j’ai fait, c’est aujourd’hui j’ai fait. Alors que chez eux, il n’y a pas de demain, il n’y a que pleurs et misères, il n’y a que faim et sidéens, il n’y a que compagnies pharmaceutiques qui se remplissent les poches et chefs d’états corrompus et cautionnés par d’autres chefs d’états puissants qui ne cherchent qu’à servir leurs intérêts. Alors on prend une barque. Et on sait que peut-être, on va mourir en chemin. Et on sait que même arrivés, ce ne sera pas facile. Ce sera encore la galère, ce sera toujours la galère. Mais que faire ? Il faut bien fantasmer. Il faut bien fantasmer.
Pendant ce temps, Devant mon ordinateur qui nourrirait des familles ailleurs, du haut de mes 87 kilos que ne pèsent que ministres et chefs d’états ailleurs, dans une salle chauffée que n’a presque personne ailleurs, je lance des mots comme ça. Comme une bouteille dans l’eau. Comme une épée dans une marre d’eau. Comme de l’eau dans du sable. Comme rien. Comme rien.