- Alors, comme ça, on est racistes ?
- D’après les sondages, oui…
- Y crois-tu, toi ?
- Aux sondages ?
- Non, qu’on soit racistes ?
- Un peu, oui.
- Comment ça, un peu ?
- Bein, jusqu’à une certaine mesure.
- Explique-toi…
- Disons que le Québec est aussi raciste que d’autres sociétés occidentales.
- Alors, à ton avis, pourquoi ça a créé ce tollé.
- Parce qu’on ne s’y attend pas.
- Par « on » qui insinues-tu ?
- Nous, les Québécois.
- ….
- Bon, d’accord, les Québécois dits de souche.
- Et pourquoi ?
- Parce qu’on nous dit toujours que le Québec est une société ouverte et accueillante. Du coup, apprendre qu’on est racistes est, du moins, surprenant. Toi, n’es-tu pas surpris ?
- Oui.
- La question s’impose : pourquoi ?
- Parce qu’on est une société tolérante qui accepte à peu près tout le monde…
- Vois-tu, mon cher ami, ce mot « tolérance » m’embête.
- Pourtant, c’est le mot…
- Il insinue une certaine condescendance. Moi, je ne veux pas que tu me tolères, je veux que tu m’acceptes. Parce que, moi, je ne te tolère pas. Je te considère comme tout le monde…
- Bizarre. Je n’avais jamais vu ça comme ça.
- Regarde le dictionnaire : Tolérance,
fait de tolérer quelque chose, d'admettre avec une certaine passivité, avec condescendance parfois, ce que l'on aurait le pouvoir d'interdire, le droit d'empêcher.- Tu prends ce que tu veux. Regarde plus loin : Tolérance,
État d'esprit de quelqu'un ouvert à autrui et admettant des manières de penser et d'agir différentes des siennes.- Tu as raison. Toujours est-il que le mot est un peu « mal choisi ».
- C’est toi qui le dis.
- C’est moi qui le « ressens ».
- …
- Revenons à ce qu’on disait…
- Oui. Je disais que nous étions une société ouverte qui accepte pas mal de choses de la part des arrivants. Des étudiants qui prient à l’université. Des policiers qui portent le kirpan. Des femmes qui ne veulent pas se faire soigner par des médecins hommes. Des voilées dans des places publiques, etc.
- Tu as tout à fait raison. Mais ça ne fait pas de toi une personne plus ouverte. La preuve, ces choses-là ne te plaisent pas. Tu les tolères. Alors que tu devrais les accepter ou les refuser.
- Ah, parce que je peux les refuser ?
- Et pourquoi ne le pourrais-tu pas ?
- La charte des droits et libertés…
- Il y a droits et exagérations..
- C’est toi qui dis ça ?
- Bien sûr. Personnellement, des femmes qui ne veulent se faire soigner que par une femme, je trouve ça inadmissible.
- Et comment t’y prendrais-tu pour les convaincre du contraire ?
- Je leur dirai que c’est tout ce que je peux leur offrir. Sinon, elles sont libres de ne pas se faire soigner.
- Et les policiers qui portent le kirpan ?
- Ça, je ne vois pas en quoi ça te dérange.
- Tu sais, un kirpan, ça n’existait pas avant. La police montée ça existe depuis des décennies.
- Ok. Et aux amérindiens, vous leur avez demandé leur avis quand vous vouliez instaurer une police, une langue, une religion qu’ils ne connaissaient pas ?
- Bon. Là, tu reviens trop en arrière…
- Parce que ça ne t’arrange pas. Mais disons…D’accord. Le kirpan n’existait pas avant. Maintenant, il existe. Et c’est de ta faute.
- Comment de ma faute ?
- Tu as combien d’enfants ?
- Je ne vois pas le rapport.
- Tu as combien d’enfants ?
- Je n’en ai pas.
- Taux de natalité bas. Immigration obligatoire…
- N’importe quoi…
- Et pourtant, c’est la vérité. Si vous ne vouliez pas de choc culturel, vous n’aviez qu’à faire des enfants. Comme geste, disons, patriotique. De la même manière, si vous voulez que le français persiste au Québec, il faut non seulement des lois, des immigrants francophones, mais des enfants. Des enfants « en masse ».
- Tes liens sont un peu farfelus…
- Pas du tout. C’est la stricte vérité. Je trouve que nous sommes un peu égoïstes dans notre société. Nous avons des désirs. Mais nous ne faisons rien pour les accomplir.
- J’aime bien le « nous ».
- Nous. Absolument. Moi, toi, tout le monde inclus. Nous savons pertinemment que nous devons faire certains sacrifices en tant que société, mais nous achetons nos voitures, nos condos, nous faisons des voyages et nous oublions que tout ça ne se fera pas tout seul.
- Tout ça ?
- Le système de santé, par exemple. Penses-tu qu’avec nos peu nombreux payeurs de taxes et d’impôts, nous pouvons le garder fonctionnel et gratuit pour encore longtemps.
- Pourquoi pas ?
- Parce qu’avec la somme qu’on ramasse chaque année via les impôts, on n’arrive pas à combler tous les secteurs publics de notre société.
- À Ottawa, ils font des surplus.
- Alors, Ottawa devrait nous en donner un peu.
- Ça s’appelle la péréquation…
- Je m’en fous du nom…
- Il nous faudrait un Québec souverain. Notre argent resterait ici.
- Es-tu sûr que le Québec ferait des surplus ?
- Pas mal, oui. Nous avons beaucoup de ressources naturelles.
- On s’éloigne du sujet…
- Oui, le racisme…
- En fait, on ne s’éloigne pas tellement du sujet…
- ?
- Combien de souverainistes en veulent encore aux immigrants pour le dernier référendum ?
- Peu. Beaucoup de Québécois ont voté contre la souveraineté de toutes les manières…
- Vrai. Mais peu de gens s’en rappellent…
- Donc, pour résumer le tout, tu penses que nous sommes racistes ?
- Je pense que oui. Je pense qu’il y a un gouffre entre ce que le gouvernement veut faire de la société et ce que les gens veulent et sont capables d’accepter.
- Et la solution, à ton avis ?
- Investir dans l’éducation des gens. Expliquer à la population que nous ne sommes pas un pays accueillant de nature, mais qu’on ne fait pas assez de bébés, alors, nous sommes obligés d’accueillir des gens d’autres cultures.
- En quoi cette explication améliorerait-elle les choses ?
- Les gens cesseront de croire qu’un immigrant est une personne qu’on a sauvée d’un quelconque problème dans son pays d’origine. Un immigrant sauve, aussi, la société.
- Ah bon ? Y en a beaucoup qui viennent ici et qui ne foutent rien.
- Y a beaucoup de Québécois dits de souche qui ne foutent rien non plus. Et il y a plein d’immigrants qui travaillent fort.
- Je ne comprends pas. Il faudrait que nous, des gens qui sommes là depuis des siècles, accueillons des immigrants avec des valeurs différentes et que nous les laissions faire ce qu’ils veulent. Sinon, nous devenons des racistes.
- Absolument pas. Il s’agit d’être ferme quand il le faut. Et d’ensuite, les accepter, non pas les tolérer.
- Une femme en burqa, on fait quoi avec ça ?
- Si son habit te dérange, tu dis que les valeurs de ta société ne permettent pas d’accepter qu’une femme mette la burqa.
- Et le voile ?
- Mais pourquoi le voile te dérange autant ?
- Pour moi, c’est pareil.
- Avec la burqa, tu ne vois rien de la femme. Avec le voile, tu ne vois pas seulement ses cheveux.
- Merci pour la leçon. Comme si je ne faisais pas la différence ! Pour moi, c’est la même chose, parce que c’est un signe d’oppression de la femme.
- Et quand ce sont elles qui choisissent ?
- Une femme de bon sens n’accepte pas ça.
- Ta définition de bon sens n’est pas universelle mon cher.
- Il n’y a qu’un seul bon sens.
- Eh non. Voilà. C’est l’éternel problème avec les occidentaux. Ils ont fait un effort énorme pour arriver à acquérir une certaine logique, une certaine rationalité. Maintenant, ils croient que c’est la seule possible…
- Les occidentaux. Les occidentaux. Calvaire. Je suis tanné de t’entendre dire ça…
- Pourtant, c’est vrai…En tout cas. Pour répondre à ta question, moi le voile ne me dérange pas. La burqa oui.
- Peux-tu m’expliquer ?
- La burqa cache la femme. Totalement. Ses yeux, son visage. Elle devient « impersonnelle ». Le voile n’est qu’un foulard, comme en mettent beaucoup de personnes dans notre société, quand ça leur chante, quand elles sont mal coiffées ou quand elles ont froid…
- Un peu tiré par les cheveux, mais je vois ce que tu veux dire…Et les étudiants qui veulent prier à l’université ?
- Je leur dirai que ce n’est pas la place pour prier. L’université, c’est pour l’apprentissage, l’éducation scientifique et littéraire, et non pas la religieuse.
- Chez eux, l’université offre aussi l’éducation religieuse.
- Que veux-tu dire par « chez eux » ?
- Dans leurs pays d’origine.
- Attention, il y a des convertis…qui sont ici « chez eux », depuis peut-être plus longtemps que toi.
- Bon, tu joues avec les mots…
- Je les clarifie…
- Bon. En somme, nous sommes racistes…
- Je dirai que le Québécois moyen est plus raciste que ce qu’il pense, ou que ce que les gouvernements Québécois et Canadien veulent bien le laisser croire. Par contre, certaines personnes sont assez brillantes et informées pour ne jamais tomber dans les clichés. Ce n'est pas un racisme vicieux. C'est un racisme basé sur l'ignorance et la mauvaise information. D'autres places dans le monde, d'autres sociétés sont pires…c’est relatif.
- Foutu Einstein et sa relativité…
- Grand Einstein et sa relativité…Grand Einstein…