Tuesday, August 25, 2009

Michael est né et mort à Rabat


Je ne sais plus quel âge j'avais. Neuf, dix ans, peut-être même onze ans. Mon oncle, fraîchement débarqué d'Europe avait amené cette cassette. La jaquette était noire et plastifiée. Dessus, trônait un frêle jeune homme, basané aux cheveux frisés, portant une veste rouge, un pantalon noir. Plus bas avec ses chaussures noires, le blanc de ses chaussettes me faisaient un clin d'oeil, comme pour me narguer, comme pour me dire que oui, chaussettes blanches avec souliers, c'était possible, c'était faisable. Surtout quand on s'appelait Michael Jackson et qu'on était roi du monde. C'était la cassette vidéo de Thriller, bien sûr. Je l'ai regardée. Regardée. Regardée. J'ai commencé à l'imiter, danser, sauter, chanter (en une langue que je ne comprenais pas) et du coup, je suis devenu l'attraction de mes parents. Quand un invité arrivait, j'étais systématiquement invité à me "produire". Je m'exécutais.
C'était magique. Loin de moi l'idée qu'au même moment, partout dans le monde, des milliers, des millions de jeunes, faisaient exactement la même chose que moi. Loin de moi l'idée que je n'étais pas unique, que c'était la mode, que tout le monde thrillérisait !

Au fil des années, j'ai gardé le même émerveillement devant Michael. Pas de la même manière, bien sûr. L'âge m'avait appris la retenue. Je ne dansais plus devant tout le monde, ni même tout seul. Mais j'aimais toujours autant ses chansons, son univers, sa voix.

Un jour, un lointain cousin, faisant ses études en ex-URSS, me demanda de lui prêter la cassette. J'ai accepté. Je ne l'ai plus jamais revue. Les soviétiques étaient friands de tout ce qui était américain. Monsieur achetait des jeans, des vestes de cuir et les revendait une fois à Leningrad. Il s'est dit : tiens, pourquoi pas la cassette de Thriller ? Méchant garnement.

(Pour l'anecdote, il y a deux ans, je lui ai demandé tout de go : Puis, tu l'as vendue à combien ma cassette ? Il a ri jaune. J'ai ri NOIR !)

Par la suite, j'ai rencontré, de temps à autre, de vrais fans de Michael. Des vrais. Pas comme moi. Pas dans la retenue. Non. Les cheveux frisés, la mèche, le corps, les posters partout, la façon de danser, de crier, de bouger. Des vrais. Je me rappelle d'un fan en particulier : W., Frère de mon ami H. (que j'ai perdu de vue il y a quelques années). W. était un fan fini de Michael. Parfois, il faisait des spectacles dans des boîtes de nuits. Quand j'allais chez eux, ça sentait Michael partout, partout. Il l'aimait et l'idolait plus que rien au monde et l'attaquer, pour lui, était équivalent à s'attaquer à son frère ou à sa propre mère.
Je les ai perdus de vue tous les deux. Mais Michael me faisait penser à W. et par ricochet à H.

Le 25 juin 2009, j'étais à Rabat avec des amis, à l'institut Goethe, en train de dévorer une pizza. Il était onze heures, ou minuit, je ne sais plus. Mon cellulaire a clignoté : j'avais reçu un message. Je l'ouvre "Michael Jackson is dead". Signé N. J'ai répondu "Call me now !". Elle m'a appelée. Elle était catégorique. Il est mort. Mort. Mort. Je n'en croyais pas mes oreilles. Ni mes yeux. Ni mon cerveau. J'avais des couteaux dans le dos. J'étais triste, malheureux, mélancolique, fatigué d'être là, alors qu'il ne l'était plus. Michael n'était pas seulement mon enfance, ni seulement mon adolescence, il était aussi mon Maroc. Ce Maroc où j'ai vécu pendant 17 ans a toujours eu Michael comme toile de fond, comme personnage omni-présent, comme défouloire aux idées sombres. Pour moi, Michael était né au Maroc et plus précisément à Rabat. Le voilà qui meurt à Rabat, trop tôt, trop jeune, trop vite. Et c'est trop peu pour moi, cinquante ans. Et c'est trop peu pour nous tous, ce rêve qui s'évapore du jour au lendemain, sans qu'on l'ait assez bercé, assez vécu, assez palpé. Mais la vie est faite ainsi, aussi bien de plaisirs insoupçonnés que de déserts indésirables.

J'ai pensé à W. et par ricochet à H. Ma cousine me dira, quelques jours plus tard, qu'elle avait pensé à moi, quand elle sut...On pense toujours à quelqu'un quand on pense à Michael. C'est dire son importance pour notre génération.

Alors, on écoute Michael partout. Dans les boîtes de nuits, dans les voitures, dans son chez-soi, sur son ipod. Partout. Ce qui était démodé, kitch, dépassé de son vivant, redevient à la mode, redevient la saveur du mois, de la saison, de l'année (parce que mort ?). Et on se dit que ç'aurait pu être mieux. Qu'il était plus beau dans le temps de "Billy Jean". Qu'il était devenu affreux avec le temps. Et pourquoi ? Et comment ? Mais comment deviner ce qui se passait dans sa tête : si j'avais été star mondiale avant mes quinze ans, si j'avais fait l'album le plus vendu de tous les temps à 23 ans, si j'avais été adulé par (presque) une planète entière à un si jeune âge (ou à n'importe quel âge) n'aurais-je pas été fou à lier ? Certainement...

J'écouterai toujours "Billy Jean", "Dirty Diana", "Beat it", "Liberian girl", etc. avec la même douce nostalgie, la même naïveté, le même sourire au coin des lèvres. Quand je t'écoute, Michael, j'écoute les vagues qui ont bercé mon enfance, je revois les images qui ont marqué mon adolescence, je me revois moi, trente kilos de graisse en moins, une tonne d'innocence en plus, rêveur insatiable d'un monde inexistant.


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Thursday, August 20, 2009

Thist and Departures

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Tuesday, August 11, 2009

Sept jours et sept nuits

Il avait 22 ans et les cheveux longs. Elle avait 20 ans et des petites dents. Il avait les yeux noirs et la tête pleine d'espoir. Elle avait les mains longues et aimait sortir le soir, tous les soirs.
Ils sortaient.
Tous les soirs.

Un jour il lui dit : "M'épouserais-tu ?".
Elle lui répondit : "Ça dépend. Si sur tes épaules tu me levais et pendant sept jours tu marchais".
Il la mit sur ses épaules et pendant sept jours, il marcha.
Dans son village, dans leur village, tout le monde se moquait de lui, tout le monde le pointait du doigt. Il ne les regardait même pas. Son coeur frappait fort et peu importait le vent et peu importaient les cons, lui il l'avait sur ses épaules, lui il l'aimait. Eux ils allaient se marier. Eux, c'était pour toujours, pour tous les jours.

Sept jours passèrent et la sueur sur le front, il la déposa finalement devant chez elle, exténué mais amoureux, épuisé mais rêveur.
Elle lui sourit et lui dit : "M'épouserais-tu ?"
Il lui sourit et répondit : "Ça dépend. Si pendant sept jours, tu chantais pour moi, des poèmes sortis tout droit de ton esprit et pendant sept nuits tu me berçais, pleine d'amour et de bonne foi."

Et pendant sept jours, elle lui chanta les plus beaux poèmes jamais chantés et pendant sept nuits, elle le berça, dans ses bras enveloppants il se sentit maître et roi.
Dans son village, dans leur village, tout le monde se moquait d'elle, tout le monde la pointait du doigt. Elle ne les regardait même pas. Elle, elle l'aimait. Et son amour en soie allait braver tous les ricaneurs de ce monde. Et son don de soi allait défier toutes les règles et toutes les lois. Eux ils allaient se marier. Eux, c'était pour toujours, pour tous les jours.

Elle perdit la voix et il ne put plus jamais réentendre son doux chant récitant ces beaux poèmes que, d'amour, elle inventa.

Il perdit la foi. Car un tel destin, comment et pourquoi ?

Ils vécurent heureux. Elle muette. Lui incroyant. Elle d'un amour silencieux. Lui amoureux sans dieu.

Ils eurent treize enfants. Six chanteurs. Six coureurs. Et un enfant volage; que jamais on ne sut, si fille ou garçon, si humain ou mutant.

Il tomba malade la veille de ses soixante-dix ans et en sept jours et sept nuit, c'était fini.

Dans le lit de sa mort, il la regarda dans les yeux et lui demanda :"M'aimes-tu ?".
Elle lui sourit et lui dit "Oui. Depuis le premier jour. Depuis le premier regard."
Incrédule et mourant, il la regarda "Mais..tu parles !". Elle lui sourit et lui murmura "..." Il mourut, mi-heureux mi-confus, avant d'entendre ce qu'elle lui dit.

Depuis, chaque jour elle chante sur sa tombe mais jamais, jamais à un être humain, son mutisme volontaire elle n'expliqua.

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Wednesday, August 05, 2009

The good and the ugly

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Tuesday, August 04, 2009

L'orthographe au Québec

Brièvement.

Souvent, on parle de préserver la langue française au Québec. Souvent, Des lieutenants de la langue montent sur leurs grands chevaux, statistiques et exemples à la main, pour nous montrer et convaincre que la langue française est en péril (et tout le discours idéologique qui, parfois, se glisse en même temps).

Fine (ne criez pas, je suis francophone quand même :))!

La question que je me pose souvent : Si sur LAPRESSE, journal lu, par une certaine élite (ce n'est pas Le Devoir, mais pas le Journal De Montréal non plus !!), chaque jour, je lis des coquilles du genre : "le nombre d'attentats fomentés contre le chef d'État américain a bondiT de 400% comparativement au nombre recensé pendant le règne de George W. Bush", comment voulez-vous qu'on parle, s'exprime, écrive bien en français ????

Navrant !


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