Wednesday, October 18, 2006

La pesadilla

N. est assis sur une barre fine. Nous sommes au septième étage. N. écrit sur un calepin. Il pourrait tomber d’un moment à l’autre. Ma mère lui dit de descendre, de changer de place. C’est dangereux. N. fait fi de ce que lui dit ma mère. Il sourit. Il se dandine sur son trône. Jamais trône n’a été aussi mince, aussi fragile. Je suis outragé. Mon cœur bas. Je n’arrive pas à parler. Je voudrais qu’il change de place. Je voudrais qu’il aille s’asseoir ailleurs. Mais je suis incapable de souffler mot. Je suis sans voix. Je suis incapable de la moindre action. J’ai des yeux. C’est tout. N. continue à faire le bouffon. Le septième étage est quand même là. Le néant en bas. Il y a d’autres manières de faire le bouffon. D’autres places. D’autres choix. Mets-toi des couleurs sur le visage. Mets ton pantalon bouffon couleur nuage. Fais Charlot. Sors ton vieux blouson vert pâle avec des rayures mauves et va faire un tour dans le quartier. Fais ta coupe avec une mèche au milieu, mets tes jeans bleus et ton t-shirt blanc et prends-toi pour James Dean ou Marlon Brando. Mais de grâce, descends. Va écrire ailleurs. N. ne sourit plus. Il se penche pour descendre. Fausse prise. Il lâche prise deux millièmes de seconde. Mon cœur bat la chamade. Je veux crier. Mais je n’ai que des yeux. Même pas des mains. Même pas des jambes. Juste des yeux. Et le mutisme total. Aucune voix. Ma mère s’avance en criant. Il attrape le bord du balcon avec une main. Puis deux mains. Je suis presque soulagé. Mais le voici qui lâche encore prise. Maintenant il est sur un long fil en caoutchouc. Maintenant, j’ai encore plus peur. Il fait un geste brusque, et ne tient qu’avec ses pieds. Sa tête est en bas. Il ne sourit plus. Il ne fait plus le bouffon. Il a peur. J’ai peur. Ma mère a peur. Le septième étage. Pourquoi sommes-nous au septième étage ? Pourquoi ? Je ne comprends pas. Je veux aller l’aider. Je ne peux pas. Ma mère ne bouge plus. Elle est figée à sa place et regarde d’un air découragé. Elle volerait si elle pouvait, je le sais. Mais elle ne peut pas. On ne vole pas. On tombe des septièmes étages. N. tombe, aussitôt que j’ai cette idée, il tombe. Je le vois tourner et tourner dans le vide. Il frappe un bord de balcon et continue de tomber. Il ne crie pas. La scène est muette. Maintenant, je crie. Je suis Al Pacino dans le Parrain 3. Je crie longtemps. Mais personne ne m’écoute. Je crie à répétition. Je crie, je crie. Je suis en bas. Je le prends dans mes …Non, je n’ai pas de bras. Je ne le prends pas. Je le regarde, c’est tout. N. est mon frère. N. git par terre le crâne fracassé. Je crie encore. Mais je ne pleure pas. Les larmes refusent de sortir.
Je me réveille en sueur. Je veux appeler N. Je veux savoir s’il va bien. N. est loin. Je suis loin. Je n’ai même pas son numéro de téléphone. N. est mon frère. Je n’ai même pas son numéro de téléphone. Ce sera une belle journée. Une très belle journée !

<$I18NNumpersonnes$>:

At 18/10/06 5:38 PM , Anonymous Anonymous said...

J'ai eu très peur tout au long ... Je suis contente que ce soit juste un rêve.

 
At 18/10/06 6:34 PM , Blogger Nina louVe said...

Onassis,
J'ai lu votre Pesadilla à voix haute, en y mettant du suspense ! Puis, encore, imaginant la vôtre raconter, l'inventant... Et je ne me lasse pas, sans ces musiques c'est tout aussi bon sinon meilleur. Votre écriture m'emporte, tout simplement. Et, ce n'est pas pour encenser l'auteur pessimiste (sourire), c'est comme ça.

Il y a des écrivains qui me font sourire, d'autres qui me font voyager. J'ai adoré voyager ici, dans votre cauchemard.

Su pesadilla este como un viaje destierro

 
At 19/10/06 12:45 AM , Blogger Onassis said...

MaVoisineDuLab : Désolé...et merci de t'être fait du souci pour moi.

Nina : Vous me flattez !

Un viaje..desierto ?

 
At 19/10/06 7:16 AM , Blogger Nina louVe said...

Viaje en el Desierto ?
Oui. Après la mer, je veux bien aller dans le désert. Mais, cette fois-ci Onassis, n'apportez pas que des bières ! (sourires)

J'ouvrirai la bouche pour avaler le vent.

 
At 19/10/06 10:22 AM , Anonymous Anonymous said...

Ouf, ce n'était pas vrai ! c'est horrible ces cauchemars qui quelquefois nous semblent tellement réels. Même quand on se réveille, ils nous poursuivent toute une journée, voir plusieurs jours... Bon, et comment c'est possible de ne pas avoir le n° de son frangin hein ?!

 
At 19/10/06 11:34 AM , Blogger Onassis said...

Isabelle, tu as raison. Je devrais aller me confesser pour ce péché capital :)

 
At 19/10/06 3:04 PM , Anonymous Anonymous said...

Onassis, on dit que les rêves, c'est des messages de notre in/sub-conscient. Dans ce cas-ci, son sens semble évident. Mais les personnages, leurs actions et les lieux dans nos rêves sont symboliques.

Quels symboles et quel sens, pour toi? Le frère, la mère, un blacon, une chute, l'écriture... Associe chaque élément à un mot clé qui te vient instantanément, c'est la première piste...

 
At 19/10/06 3:09 PM , Blogger Onassis said...

Éliane, j'ai essayé de faire cet exercice. La mère est un élément important dans ma vie. Mon frère, je ne l'ai pas vu depuis plus de deux ans. Le balcon ? Ça, je ne sais pas. Le vide ? L'écriture ? Peut-être un refuge. La somme est assez disparate. Il faudrait que je me fasse psychanalyser. Pas seulement pour ce rêve. Pour tout le reste :) Un jour peut-être...

 

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