Ce Maroc qui tarde à être
Le tribunal de première instance de Casablanca a condamné lundi à trois ans de prison avec sursis, assortis d'une amende de 80 mille dh solidairement, le directeur de publication, Driss Ksikes, et la journaliste Sanaa Al-Aji, dans l'affaire de l'hebdomadaire +Nichane+ pour publication d'un article jugé "attentatoire à la religion musulmane".
Le même tribunal a interdit durant deux mois la parution du magazine arabophone Nichane, qui avait publié le 9 décembre 2006 un dossier, intitulé "Comment les Marocains rient de la religion, du sexe et de la politique".
Les plaisanteries mettaient en scène le prophète Mohammed, le roi Hassan II, les islamistes ou des Marocains à la recherche d'une sexualité performante.
Auparavant, le procureur dans son réquisitoire devant le tribunal de première instance de Casablanca, le 8 janvier 2007, avait réclamé 3 à 5 ans de prison contre l'auteur de l'article et le directeur de la publication ainsi que l'interdiction d'exercer et une amende pouvant aller de 10.000 à 100.000 dirhams.
Nichane, hebdomadaire arabophone, est apparu en septembre 2006 et affirme vendre 14.000 exemplaires par semaine.
(http://www.menara.ma/Infos/includes/
detail.asp?article_id=7226&lmodule=Maroc)
Le Maroc n’a pas d’humour. Du moins, c’est ce que la condamnation de ces deux journalistes Marocains laisse à croire. On a le droit de croire que les blagues publiées sont de mauvais goût. On a le droit de ne pas apprécier le geste des journalistes. Mais, alors, on n’achète pas la revue. Mais, alors, on écrit une critique valide et argumentée du travail des dits journalistes. Mais, alors, on les défie intellectuellement. Citer Dieu à tout bout de champ, parler de blasphèmes, mettre leur professionnalisme en doute, relève du ridicule. Les condamner à trois ans de prison, avec amende et interdiction de publication pendant deux mois est une infâme exagération. Et c’est un euphémisme. Ça n’a pas de sens. Ça ne reflète pas l’interminable promesse d’un pays libre, aux citoyens libres. Ça confirme le retour fortement senti d’une bigoterie puante. Nous ne sommes pas ceux que nous voulons être. Nous ne faisons rien pour devenir ceux que nous avons promis de devenir. Nous faisons tout le contraire. Le Maroc, un pays libre. Moi, je veux bien. Moi, j’en rêve. Mais faire de la prison (d’accord, c’est un sursis, mais, au moindre faux pas, le sursis ne le sera plus…) pour une farce qu’on aurait osé publier, est une injustice profonde, un déni de droit de parole, de droit de liberté, de droit d’exister et d’avoir une opinion. C’est un déni de tous les droits. Vers où va ce pays ? Sommes-nous vraiment un pays en voie de développement, ou un pays en voie de régression, de dépérissement ?
Je n’ai aucune opinion sur le travail journalistique de Mr Driss Ksikes et Mme Sanaa Al-Aji. Je ne prétends pas que ce soient de grands journalistes. Je ne sais pas non plus s’ils sont de piètres journalistes (Auquel cas, ils auraient droit à la médiocrité…). Je dis qu’ils ont une tribune et qu’ils s’en servent. Je dis qu’ils ont eu le culot de transgresser des tabous un peu « vieillots » de la société Marocaine. Cette même société, en tant que masse humaine, en tant que citoyens pensants et décideurs de leur propre lendemain, a le pouvoir de porter ces journalistes aux nues ou de les jeter aux oubliettes. Comment ? En achetant leur revue. Ou pas. En critiquant professionnellement, arguments à l’appui, leur travail. Leur imposer une morale religieuse, les juger comme de pauvres sorciers moyenâgeux, n’est pas la réponse d’un pays civilisé, ouvert et respectueux des droits de ses citoyens.
Un jour, le Maroc sera. Enfin, je l’espère…
On ne peut pas être musulman, juif, chrétien ou de quelqu'autre religion tout en étant modéré. Si on accepte d'être membre d'une communauté religieuse c'est qu'on est prêt à en endosser les valeurs. Et les valeurs des religions reposent sur des dogmes qui n'ont pas la moindre parcelle de raison.
La vérité n'a pas la foi. J'ai confiance que l'avenir, si nous en avons un, verra disparaître l'archaisme et le fanatisme religieux.
Il n'y a pas de religion moderne. Ces deux termes sont strictement incompatibles. Il est plus que temps de relèguer dieu à l'histoire et de batir demain sur des bases rationnelles.
J'espère aussi que le Maroc sera. Il faudrait que tous les pays soient, avec une intelligence et un esprit critique permettant de trier parmi tous ces faux prétextes à des débordements qui n'ont plus lieu d'être au 21ème siècle.
Oui Onassis, espérons...ou désespérons en attendant des jours meilleurs. En attendant un air qui nous rafraîchit les esprits et replace les idées ou les déplace et les efface...
Quelqu'un a dit "tout a un prix". Alors payons le prix pour être libre de nous exprimer et de débattre de choses considérées tabou dans notre société. Payons le prix pour apprendre à tolérer la différence qu'elle soit culturelle, religieuse, ethnique, etc. Les journalistes dont tu parles, ont peut être surestimé la capacité intellectuelle de nos concitoyens. Peut être ont-ils sous-estimé la puissance de certains intervenants islamistes ou gouvernementaux.
Naïveté ou bravoure, ils payent le prix pour un enjeu plus grand que le simple article qui analyse des blagues…
Bonjour Onassis ! Je repasse par ici car je n'ai pas le temps d'aller t'écrire via ma messagerie perso. On a des questions à te poser sur le forum des copains des livres, rubrique "Culture littéraire". A plus tard.
La route est longue, pour tous les pays. Il faut juste espérer que le Maroc va dans la bonne direction, même lentement. Le roi me semble être un visionnaire, il faut donc peut-être lui faire confiance, lui qui a la tâche ardue de concilier tous les courants (antagonistes) de son peuple...