
Samedi soir. 18h 30. J’engloutis en un temps record, une soupe (Harira en sachet), des pâtes faites à la sauvette, un verre de lait, un verre de jus, des dattes, une ou deux chbakyas achetées au kilo chez un boucher douteux de la rue St-Laurent et un morceau de Baba, gâteau polonais que je chéris depuis quelques mois. Je zappe. Il n’y a rien à voir. Comme d’habitude. 18h 55. Je zappe toujours. TV5. On annonce le prochain programme : Dans quelques minutes, 3950, Luck Mervil reçoit ses invités. Je vois le nom des invités. Il y a un musulman avec un tarbouche blanc. Un imam. Non. Dites-moi que ce n’est pas lui ! Oui. C’est lui. Imam Jaziri. Ou appelez-le, imam tout-le-monde-rit (de-nous).
Ok. On va regarder ça.
Le concept de l’émission est simple. On invite des personnes de confessions différentes et on débat de tout et de rien.
Je recommence.
Le concept de l’émission est simple. Vu que le débat sur les accommodements raisonnables bat de son plein partout au Québec, on invite des personnes de confessions différentes et on parle des sujets qui sont sur toutes lèvres des citoyens du Québec.
Je recommence.
Le concept de l’émission est simple. Vu que le débat sur les accommodements raisonnables et sur la place des musulmans dans la société québécoise bat de son plein, on invite des personnes cools de toutes confessions et un musulman con comme ses pieds et on démontre sa connerie tout le long de l’émission.
Je ne recommence pas. C’était ça.
Les invités ?
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Max Gros-Louis : un chef Huron de Wendake, près de Québec.
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Julius Grey et sa conjointe, l’avocate Lynne Casgrain: Julius est un avocat québécois spécialisé dans les questions de libertés indivuelles. Il se démarque par son expertise en droit constitutionnel et en droit de l’immigration. Il est fils d’une famille polonaise juive mais pas pratiquant de la religion juive. Je ne connais pas grand-chose de sa femme, mis à part sa parenté avec feu
Marie Thérèse Forget Casgrain ex-sénatrice Canadienne, connue pour son féminisme et surtout pour
avoir dirigé le mouvement pour le vote des femmes au Québec, avant la Première Guerre Mondiale. Son implication commence en 1921et la victoire est atteinte en 1940 (Wikipédia).
- L’imam Saïd Jaziri : Ceux qui vivent au Québec le connaissent. Un grand bouffon avec une taguiya blanche et rien en dessous.
- Shabad Saroop Singh Khalsa : un Sikh québécois converti. Aucune information sur lui sur le net ou, du moins, je n’ai rien trouvé.
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Raymond Gravel : Prêtre et député québécois. Il s’est prostitué tout jeune et a travaillé dans un bar homosexuel. A été une escorte masculine à 16 ans. Et, je cite Wikipédia,
Il est controversé en raison de son appui au mariage homosexuel et à l’avortement, deux positions contraires à celles de l'église catholique.
Quant à
Luck Mervil , c’est un acteur, chanteur, souverainiste, engagé un peu partout pour des causes assez respectables (même si je ne les partage pas toutes). Dans le débat sur les accommodements raisonnables, il est, grosso modo, connu pour être contre le port des signes religieux en public, position, si on doit croire les sondages et les interventions des citoyens lors du dit débat, largement partagée par les citoyens du Québec.
Les invités arrivent à l’heure du dîner, dégustent l’apéritif tout en faisant connaissance l’un de l’autre. C’est Luck qui invite.
D’emblée, Jaziri se plante. Il refuse de s’asseoir à une table où l’alcool serait servi. Luck l’accommode. L’alcool est servi dans la cuisine. Ceux qui en veulent se servent et en boivent là-bas. Shabad ne prend pas d’alcool. Sa religion lui interdit toute substance toxique, mais que les autres boivent à table ne le dérange pas. On l’aime.
Raymond Gravel souligne ce manque d’ouverture de Jaziri dès le début. T
u m’obliges à ne pas boire à table, moi je ne t’ai obligé à rien. Il a raison. Je suis d’accord.
Ensuite, on parle du voile, de l’égalité des sexes et de tous les autres sujets brûlants - au Québec - ces temps-ci. Jaziri se défend tant bien que mal, jusqu’à ce que Julius le reprenne :
vous donnez une image idéalisée du monde musulman. Dans la majorité des pays musulmans, les femmes ont la vie dure. Puis vient le sujet clé de la soirée : les homosexuels. Est-ce que la religion musulmane les accepte ? Non, dit Jaziri. Ils sont dans le tort. Et ils le savent. Il dit aussi que les deux autres religions monothéistes ne les acceptent pas non plus. Mais qui est en face de lui ? Julius Grey, un juif non-pratiquant, qui milite depuis longtemps pour les droits de la personne. Il n’a bien entendu rien contre les homosexuels. Raymond Gravel, n’en parlons même pas, je l’ai déjà présenté. Shabad dit qu’il n’a rien contre eux non plus. Luck Mervil ? Bein voyons. Je vous l’avais déjà dit, il est pour toutes les causes. Et Jaziri de s’enfoncer, de parler de maladie et de guérison. Il a l’air fou. Il l’est d’ailleurs. Mais un fou dans une table d’
équilibrés, a l’air encore plus fou. Un peu plus et on l’internerait. Julius Grey déclare que la religion musulmane devrait emboîter le pas des autres religions et accepter les homosexuels. Le verdict est tombé.
Luck Mervil prend sa guitare et nous fait une chanson infantile pour détendre l’atmosphère.
Ça finit là-dessus.
Mon problème ?
C’est très simple. Si tu invites Jaziri, tu invites un rabbin
tricoté serré et un prêtre « normal ». Mais inviter cette
bibitte ambulante qui, et prenez ma parole pour du cash, nous fait faire l’autruche, à moi et à tous mes amis musulmans, dès qu’on la voit apparaître à la télé avec un juif non-pratiquant et un prêtre connu pour ses positions trop ouvertes par rapport à l’église catholique, vous m’excuserez, mais ça pue. Ça pue, puis
pas à peu près. Je connais une horde de musulmans qui se serait assise à cette table, mon cher Luck, qui n’aurait rien trouvé à dire contre les homosexuels, qui aurait non seulement accepté la présence du vin sur la table, mais en aurait allégrement dégusté. Je ne dis pas que c’est ça qu’il faut faire. Je ne suis pas là pour donner mon opinion. Je dis seulement que ton échantillon est loin d’être représentatif, mon cher Luck. Ton émission était biaisée. Il y eut verdict avant le jugement. Et ça me désole de la part du gentil citoyen que tu veux être/paraître.
J’ai beaucoup d’autres exemples comme ça. On invite des intellectuels juifs, chrétiens, athées, agnostiques à débattre avec un rugbyman, judoka, chanteur de Raï, etc. musulman. Toutes les fois que j’ai assisté à ces débats, j’ai eu envie de casser la télé, crier sur mon balcon, assassiner quelqu’un, ou plus précisément l’animateur ou le producteur de l’émission en question.
Je suis violent ? Je sais…je suis musulman. Donc, homophobe, macho, borné, batteur de femmes, terroriste, ignorant et accessoirement violent. Car il faut de la violence pour avoir toutes ces qualités.
Que la manipulation des médias continue. Que le cirque continue. Mais ne soyons pas surpris du supposé choc culturel qu’on vit chaque jour. Il est bâti à grands coups de mauvaise information, de mauvaises émissions, de faux sondages et j’en passe.
D’ailleurs, je croyais que tu étais farouchement contre les accommodements raisonnables des immigrants, Luck. Alors, pourquoi avoir accommodé Jaziri au détriment de la majorité ? Ça me rappelle une
histoire de cabane à sucre en Montérégie …
La réponse est simple : il fallait bien la faire, ton émission. Il fallait bien démontrer sournoisement la connerie (énorme, j’en conviens) du con. Il fallait bien que tu nous chantes ta p’tite chanson à la noix de coco, à la fin, et qu’on te regarde, béats et hébétés en nous disant : Quel homme, ce Luck. Ouvert d’esprit. Souverainiste. Acteur. Chanteur. Humaniste. Quel homme, vraiment !
À trop vouloir démontrer la connerie d’un con fini, on finit par l’être.

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