Wednesday, October 17, 2007

Moi*, la poutine et Mac-Tro


Mi-ramadan. Un vendredi. Ça m’est venu comme ça : j’ai eu envie d’une poutine . C’était le gala de la XXX, la compagnie pour laquelle je travaille. Nous sommes allés danser ensuite. En descendant de la voiture, vers minuit moins vingt, j’ai aperçu un magasin Mac-Tro (pour les intimes). J’en ai eu tout de suite l’eau à la bouche. Leur poutine n’est bien entendu pas la meilleure, mais dans le royaume des aveugles, le borgne est roi. C’est quoi le rapport O. ? C’est clair. La poutine du Mac-Tro est la borgne dans le royaume des vraies poutines. Un dessin avec ça ?

Je me suis dirigé directement vers la porte de l’estimable succursale d’alimentation rapide. J’ai ouvert la porte. Enfin, c’est ce que je voulais faire. Elle n’a pas bougé d’un pouce. Fermé ? Oui. À 23h 30. Non seulement, ils mettent des produits chimiques dans leur viande, mais en plus ils se permettent d’être ponctuels. Je la veux ma poutine moi !
Je baisse la tête et avance. Je n’y peux rien. Ce n’est pas Lwazzani ici. Je ne peux pas demander gentiment qu’on me fasse une dernière poutine, parce que j’ai atrocement faim, que ma cousine est malade et que le chien de mon voisin n’arrête pas de japper de la nuit. Non. Je ne peux pas. C’est l’Amérique ici. On ferme à 23h30. Paf. Dans la gueule.

Nous sommes allés au Rouge. J’étais le seul gars avec quatre jeunes filles. Dès que j’allais aux toilettes, un troupeau de body-buildés, bleachés, rasés de plus près venaient aborder mes collègues. Dès que je revenais…bein, ils restaient là. C’est l’Amérique ici. Et puis, qu’est-ce que j’en avais à foutre. J’ai siroté mes Perrier-citrons tranquillement, l’un après l’autre, en faisant semblant de reconnaître des chansons dont je n’avais jamais entendu parler. Bleachés se déhanchaient. Body-buildés poussaient. Rasés de plus près faisaient du lipsink. Siliconées ne faisaient rien. Il suffit d'être dans ce cas-là...J’ai passé une bonne soirée. Même si je n’arrêtais pas d’imaginer la délicieuse poutine que j’allais dévorer à 3h 30 du matin avant de me coucher. Une poutine, ça doit rassurer, avant une journée de jeûne, non ? L'avenir nous le dira.

À 3h, tout le monde dehors. Plus d’alcool. On est à Montréal, pas à Madrid. R. me propose de me raccompagner, ainsi que deux autres filles. J’accepte. Arrivé sur le coin de la rue F. et O., je vois la lumière du Mac-Tro national de mon quartier briller dans le noir. Mon oasis. Ma bouée de sauvetage. Mon avenir. R., tu peux me laisser ici. Je la veux la poutine. Je la veux. Je la veux. Je la veux.

Quand je rentre, il y a une dizaine de jeunes saouls qui viennent prendre leur ration d’anti-vomitifs dans leur cher Mac-Tro. Ils sont attablés devant leurs frites et hamburgers. Il y a du sel partout sur les tables. C'est la pagaille. Mais ça sent bon. C'est le bordel. Mais je la veux ma poutine. Je fais la queue. Trois personnes sont en avant de moi. Le premier a une cigarette éteinte sur les lèvres. On dirait que dès qu’il va attraper son cheeseburger et ses frites, il va courir dehors pour allumer sa clope. C’est si addictif que ça, la cigarette ? La deuxième personne tient péniblement debout. Ses yeux convergent vers le milieu de temps en temps, elle les replace et replace sa mèche orange verdâtre en même temps. Une fois, deux fois, trois fois. Dommage que je n’aie pas une paire de ciseaux sur moi. La troisième personne est un jeune garçon de 13-14 ans. Il a l’air fatigué. Des cernes. Des cheveux sales. Il est pâle. Je regarde autour de moi et je ne vois aucune personne susceptible d’être son parent. Que fait-il là à cette heure tardive de la nuit ? Est-il seul ? A-t-il été kidnappé ? Je suis sur le point de composer le 911, quand une dame légèrement bedonnante sort des toilettes, s’approche de lui et lui demande tout de go : Pis, ça arrive-tu ces patates frites ?

Victime des nouvelles sensationnelles. LNC. TSQ. TAV. MdeJ. Allez vous faire foutre. Vous vous infiltrez quand même dans ma tête, y a rien à faire.

Arrive mon tour. J’ai du mal à parler tellement j’en ai l’eau à la bouche. Une fontaine. Je vais prendre un trio Big-Sac et à la place des frites, je prendrai une poutine. Il n’y a pas de poutine aujourd’hui. Ils font exprès ou quoi ? Je sais, je n’aime pas le Mac-Tro. Je sais, je n’arrête pas de parler contre eux, dans leur dos, de leurs produits chimiques, de leurs litres de coca, de leurs frites douteuses, de leur ketchup, mayonnaise, moutarde, pain enrichi, de leurs millions de profits et du salaire dérisoire de leurs employés. Je sais. Mais aujourd’hui, je viens en traître. J’ai besoin de ma poutine. Vous pourriez quand même faire un effort, non ? Faites comme si je n’avais jamais rien dit.

Okay. Je prendrai le trio Big-Sac. Avec un thé glacé, pas de glaçons.

Je monte la pente de ma rue, tout en mangeant mes frites. Un homme au pantalon agrémenté de quelques tâches de sang cute s’approche de moi. Je l’attends. Je ne suis pas dangereux, je ne suis pas dangereux. Même si tu l’étais, c’est un peu trop tard maintenant. Tu es là. Et la pente. Et je ne prends pas de stéroïdes. Et puis, j’veux les manger ces frites, moi. C’est correct, je t’attends vieux. Comme avait dit Tarik Bnou Ziad : La mer est derrière vous et l'ennemi devant vous. Vers où s'enfuir ? (traduction libre de l'arabe au français d'une traduction non moins libre du berbère à l'arabe) Il veut aller à Sherbrooke. Sa blonde est malade. Il a consommé. Je lui tends un dollar et m’apprête à partir, quand il m’attrape par la main et me dit : il me manque seulement onze dollars pour partir. J’arrête de manger mes frites et le regarde dans les yeux. Tu t’attends quand même pas à ce que je te donne onze dollars, non ? En plus, z’ont même pas de poutine au Mac-Tro, ce soir !

Je reprends mon chemin. Les frites ne sont pas très bonnes. Je suis déçu.
Quand j’arrive chez moi, le Big-Sac a refroidi. Je suis contre le micro-ondes. Je n’ai donc pas de micro-ondes. Je le mange tel quel. J’ai encore faim. Mais il est 4h du matin. le temps d’aller se coucher. Et faire de beaux rêves. Mais mes rêves ont un seul et même thème : la maudite poutine. J’en rêve toute la nuit. Et le lendemain. Et le surlendemain.

Hier, au Lafleur du carré St-Louis, j’ai pris une poutine moyenne. Ou dois-je dire une moyenne poutine ? Parce que, je veux que vous le sachiez, elle était très bonne. Je l’ai mangée en marchant vers chez moi. Pour brûler les calories. (Mon œil. Le mien, pas celui de la deuxième personne du Mac-Tro, celle dont les yeux convergeaient. Enfin...). Sur mon lecteur MP3, Buena Vista Social. Je ne sais comment vous décrire ça, mais écouter nos amis Cubains chanter de leur voix mélancoliquement heureuse des chansons sans âge, en mangeant de la poutine richement grasse sur la rue Sherbrooke en me dirigeant vers l’est (la direction est importante ici), est une expérience unique. C’est comme manger un Big-Mac, avec un t-shirt arborant l’image du Ché, des lunettes Ray-Ban et un ruban-rose-sida.
C’est unique.
Bizarre.
Incohérent.

Je m’en fous.

Je l’ai finalement mangée ma poutine.

Engloutie même.

* : Le narcissisme n'a pas de limites.


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<$I18NNumpersonnes$>:

At 17/10/07 2:43 PM , Anonymous Anonymous said...

Hum... pour te plagier : C’est si addictif que ça, la poutine ? ;-)

 
At 17/10/07 2:47 PM , Blogger Onassis said...

Rapide, sarvane !

Euh, pas vraiment. Mais en plein ramadan, désirer un plat aussi fort et ne pas assouvir son désir, peut s'avérer dangereux.

 
At 17/10/07 4:21 PM , Blogger Blanche said...

Merci Onassis! Maintenant, grâce à toi, je sais ce que ma soeur veut me faire engloutir quand je vais aller la voir à Québec, moi la russo-fana!:)) (sauf que Poutine, justement, ce n'est pas ma tasse de thé... mais bon...)

 
At 18/10/07 8:01 PM , Anonymous Anonymous said...

« Dommage que je n’aie pas une paire de ciseaux sur moi. »

Tu te sentais moins sentimental ? hahahahaha

 
At 19/10/07 2:43 AM , Anonymous Anonymous said...

Nari nari nari, Onassis, ça frise la diffamation tout cela:-)
A sidi, je t'invite au royaume de batata pour découvrir le monde fascinant et comment elle est choisie la fameuse frite:-)
Et en passant les meilleures poutines se dégustent à Rimouski ou à Saint Simon, mais je t'y invite seulement l'été prochain.
Jou3 ou may idir:-)
Mwah
Loula

 
At 19/10/07 10:52 AM , Blogger Onassis said...

Blanche : T'inquiète, c'est une autre sorte de poutine. Un peu plus démocratique disons :)

Kennza : Très drôle :)

Loula : Ne le prends pas personnel. J'accepte ton invitation avec grand plaisir, surtout que je ne suis jamais allé à Khmiss Batata !
Are you back yet ?

 
At 19/10/07 11:03 AM , Anonymous Anonymous said...

j'ai eu la même histoire avec une maqrouta meilleuse pendant tt le mois sacré je lai désiré une maqrouta accompagner d'un thé..jen parler tt les soir.et dans tt les soiré ou jété convier . maman n'avait pas le temps de me la préparer,les patissiers ne proposer que des zallabia et des kelbalouz. je me ss donc reisignée à le preparer toute seul mon maqroute au miel....je me ss régaler la veille de laide et tt au long, dommage il en reste plus ...c'est que je le fais bien mon maqroute! emmmmmmmmmmm voila je comprend donc ta "frustration"
ps: makroute gateaux traditionelle algerien je ne sais pas si vs le fêtes au maroc!.

 
At 20/10/07 9:05 AM , Blogger Jack said...

Ce que je peux apprécier déambuler avec tes mots-cinéma (non, pas vérité!), toujours respectueux des personnages parfois hirsutes que tu nous décris avec en toile de fond cet étonnement que l'on trouve chez les enfants et les philosophes. On est très loin du narcissisme. Et dire que j'ai déjà bouffé une poutine so so avec toi!

 
At 20/10/07 5:24 PM , Blogger Reda said...

Ne me dis que tu ne connais pas la Banquise sis rue Rachel ? La meilleure poutine à Montréal surtout vers les 4-5h (Elle est ouverte 24h).
Vendredi si tu veux on ira là aprés ...
Sinon, Ce n'est pas Moussa ki a dit l'histoire sur la mer mais Tarik Bnou Ziad ; le seul hic c'Est que ce gars était un riffi mkhazez so il ne devait pas trop parler arabe :)
Maintenant que j'ai lu ton texte, j'ai envie d'une poutine mais à Ottawa i dont know where to find it :)

 
At 21/10/07 8:36 AM , Blogger Onassis said...

Anonyme : Je vais demander à mes amis algeriens ce qu'est un makroute pour voir si on a qqchose de similaire. Merci.

Jack : Oui, je me rappelle, c'etait une poutine so so comme tu dis. On s'en refait une bientot.

Reda : Memoire de poisson ? On a mange une poutine à La Banquise ensemble une fois...Moussa ! Ah que je peux etre tete dans les nuages des fois. Pour ce qui est du berbere, c'est le pourquoi de ma note entre parentheses....Je corrige...Gracias.

 
At 21/10/07 11:43 AM , Anonymous Anonymous said...

Hi Onassis,

De retour pour deux semaines et ensuite je repars revoir la grande isla. Moi, le prendre personnel? Abadane:-)
Mwah,
Loula

 
At 21/10/07 12:48 PM , Blogger Onassis said...

Loula : Je t'envie. C'est beau Cuba en Novembre ?

 
At 22/10/07 12:25 PM , Anonymous Anonymous said...

C'est chaud:-) oui tjrs beau. Je t'enverrai une carte et penserai à la bande en vous offrant un toast.
Mwah
Loula

 
At 22/10/07 1:29 PM , Blogger Onassis said...

Loula : Disfruta...y bebete una copa para nosotros...

 
At 22/10/07 5:59 PM , Anonymous Anonymous said...

holla, onassis alors le makroute est un gateau a base de grosse semoule de beur et d'eau on forme des losanges qu'on fait cuire en friture et apres on les plange dans du bon et savoureux miel.voila ce qu'est une makrouta...je te félicite pour ton blogue je suis une fane le premier texte que j'ai lu de toi ete "ni ces départs ni ces navires ni ces voyages..." j'ai ete séduite par ton style a la fois soutenu et poignant ce que tu dis de l'amitier est tellement vrai!!!des gens entre dans nos vies on les apprécie on s'attache il font partis de notre quotidien puis un beau jour plus pérsonne .c'est donc comme cela que j'ai découver ton blogue et appartir de ce jour ,ben je lis tt tes écris ,le com sur eljaziri et lislamophobie c'était moi la maqrouta!!!je te souhaiteune bonne continuation et merci.

 
At 23/10/07 11:26 AM , Blogger Onassis said...

Anonyme : Bienvenue ici, ça me fait énormément plaisir. Peut-être que si tu te donnais un même pseudonyme pour tes commentaires, je pourrais te reconnaître ?

 

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