Wednesday, November 07, 2007

Pensées de Novembre



Novembre. Le vent souffle et dessine des fleuves d’espoir. Sur les arbres, quelques feuilles résistent, tandis que leurs sœurs de tronc déclarent forfait et sautent du haut de sa majesté l’arbre, dans un geste ultime de poésie, se laissant altruistement traîner par terre. Je marche dessus. Je les écrase ou les cajole du pied, c’est selon. Elles sont jaunes, oranges, grises. Elles ne sont plus vivantes et, pourtant, sont tout ce qu’il y a de plus vivant sur cet asphalte sans âme. Et le vent souffle. Et ça fait des tourbillons de bonheur sur l’île déserte de mon cœur. Et le vent souffle. Et mon âme seule respire du bout du nez. Je vis. Et vivent à travers moi mes souvenirs vivants et mes rêves morts. Et le vent souffle. Et souffle le temps sur nos derrières. Il faut avancer, avancer, marcher, marcher et un jour, le ravin. Et un jour, le grand saut. Et un jour, tu seras cette feuille morte dans une forêt sauvage, et sifflera l’oiseau et bondira le soleil, et tu seras là, à subir. Mais qu’as-tu jamais fait d’autre que subir ?

Novembre. L’éclat froid du soleil. Les nuits à dormir sans dormir. Les matins gris. L’écureuil qui se tortille sur l’arbre d’en face. Le poisson rouge que je n’ai pas. L’oiseau-dans-une-cage que je ne veux pas avoir. Le chat imaginaire qui me fait éternuer. Le désert réel qui me suffit et me remplit. La table noire de la cuisine qui ne veut pas être rose. Che Guevara qui franchement-pour-une-révolution-n’a-rien-trouvé-de-mieux-que-ma-cuisine. Vas-y Ernesto, fais-nous un maté, qu’on le boive ensemble. Dans la salle de bain, Ulysse, page 612, témoigne de mon incapacité à lire ce qu’il faut lire, à comprendre ce qu’il faut comprendre. Voilà, je ne suis ni Marc Levy, ni James Joyce; ni Dan Brown, ni Carlo Emilio Gadda; ni Frédéric Beigbeder, ni Céline. Voilà, je n’ai toujours pas trouvé ma place.

Novembre. Quand je marche dehors, le bruit des voitures m’ennuie et j’ai presque envie de les poursuivre tous en justice, ces chauffeurs matinaux qui ne respectent guère les marches matinales. Marcher le matin, c’est la genèse de la journée, le début de l’aventure, c’est le premier cri du bébé, le premier baiser de la maman, le premier dodo dans le nouveau berceau. Mais ils ne comprennent rien. Alors à quoi bon…
Dans le dehors, ils sont nombreux à promener leur chien, un sac à la main. Ils sont nombreux à se laisser tirer par leur maître, la langue pendante et la tête baissée, à renifler les odeurs de ceux qui sont déjà passés. Savent-ils que je passe chaque jour ? Reconnaissent-ils mon odeur ? Existé-je ? Ou ne suis-je qu’un fantôme ? Vais-je me rendre compte, comme Bruce Willis, que je suis mort depuis longtemps, à la fin d’un interminable film d’une soixantaine d’années ?

Novembre. Le vent souffle toujours. Je passe ma carte de métro. Le tourniquet accepte de me laisser passer. Je lui fais un clin d’œil et j’avance. Premiers escaliers roulants. Deuxièmes escaliers roulants. Premiers escaliers non-roulants. J’ai une pensée pour les handicapés. Aucun espace d’accès pour eux. Puis, une autre pensée. Nous sommes tous des handicapés. Des amputés du cœur, comme disait Jacques.
Le métro arrive et nous avale sans aucun scrupule. Il me vomit cinq stations plus tard. Je suis sous-terre. Plus que six pieds sous terre. Mais vivant. Et le vent ne souffle plus. Ça sent les pneus des wagons. Tout est perpendiculaire, tout est à 90 degrés de tout. Du goudron, des marches, des poutres, de la roche. Et ça s’appelle Place-des-arts. Je ne vois pas d’art. Je vois du conservatisme. Du manque de goût. Du plat. Et c’est autant le désert que là où sont nés mes ancêtres, là-bas, au pays des hommes bleus et des tempêtes de sable, au pays des cinquante degrés et des quelques oasis.
J’ai subitement soif.
La journée commence.

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<$I18NNumpersonnes$>:

At 7/11/07 1:41 PM , Blogger Blanche said...

Cher Onassis, Heureusement que tu n'es ni Marc Levy, ni Beigbeder, car ils existent déjà et tu n'aurais aucune chance d'être publié!:)
Alors, garde ton style et ta vision des choses qui te sont si personnelles!

 
At 7/11/07 11:10 PM , Anonymous Anonymous said...

salam,onassis....ben alors novembre c'est un grand bole de spleen a ce que je vois.ici on algerie aussi c'est novembre ya du soleil et l'evenement de la semaine c'est le salon international du livre en algérie le "sila" qui aurait pu tout aussi bien s'appeler le "snaa" le salon national de l'anarchie à l'algérienne.et croyez moi je n'ai pas croisé que des amputé de coeur mais aussi des amputé de raison qui veulent m'aracher ma libérté a moi et a toutes mes soeurs ....suis je selement libre!!!dans un pays ou on incite les femmes et les petites filettes a ce cacher sous une éttofe de
mensonges noire,!??!!!je ne sais pas mais je sais qu'il ya de quoi spleené est grave en plus.
NB:mimisis cest la fille qui kif le maqroute.

 
At 8/11/07 8:24 AM , Anonymous Anonymous said...

Hé bien, tu n'es pas gai en ce début novembre ! Pourtant, les couleurs mordorées des feuilles craquants sous nos pieds, l'odeur de la terre, le froid qui nous pique le visage, le soleil pâle qui illumine le paysage. Allez, Onassis, un sourire :-)

 
At 8/11/07 11:42 AM , Blogger Onassis said...

Blanche : Ne t'inquiète pas, je n'aurais jamais voulu être ces deux écrivains. Surtout pas. Merci...

Mimisis : Je te comprends...Boutef et les militaires. L'enclume et le marteau. Courage !

Sarvane : Il y a des jours comme ça...:)

 
At 8/11/07 10:40 PM , Blogger Jack said...

Novembre. Je ne suis pas très malin alors que la lumière fout le camp. Je m'en voudrais de développer davantage puisque je suis sous le même ciel que toi et que je hante les mêmes stations. Mais développons quand même.

Dégringolons.

Ce soir dans le wagon archi-bondé et déjà noir de vêtements plus chauds, à côté de moi, deux femmes parlaient passionnément d'isolation 3R de leur maison! Je viens de rentrer les deux derniers pots de plantes qui résistaient dans le jardin dehors. Dans un des pots il y a un tout petit sapin que j'ai déraciné de ma cambrousse à Noël, l'an dernier. Il est toujours dans un pot coloré n'ayant pas encore trouvé sa place sur le terrain en ville. J'ignore s'il a des envies d'écrire dans le ciel avec ses épines qui donnent l'espoir sous le grésil. Écrire comme Neruda ou Babin. Rêver comme un grand palmier du Brésil. C'est comme ça le vivant. Ça va dans toutes les directions. Novembre dehors, dirait mélancoliquement Dédé Fortin. Je pense souvent à cet être si talentueux, au gris profond de l'homme qui est seul dans sa chanson Le répondeur. Je pense à lui, M. Solitude qui s'est trucidé dans son appart. de la rue Rachel. Est-ce comme ça qu'on dit quand il fait cru? Dédé, une espèce de grand sapin qui ne trouvait pas sa place. La forêt des mal aimés, je ne sais pas. La forêt perdue des poètes amoureux, je sais un peu. Est-ce qu'on peut aimer en novembre? Mon anniversaire de mariage est en novembre! Nous avions fêté à la noce avec le vin nouveau qui débarque en Nouvelle-France! C'est souvent tonneaux de piquette. Mais quel miracle, le vin. Le salon-montagne-avalanche du livre s'en vient à Montréal aussi avec cette foire écrasante pour le lecteur-tortue que je suis. Mais ma fille aime visiter cet essaim en ma compagnie. Elle se rappelle notre rencontre avec Michel Tremblay qui a signé gentiment le Cahier rouge, noir, je ne sais plus... Puis, par pure inadvertance, vraiment, nous sommes sortis du kiosque sans payer! Je m'en suis rendu compte le lendemain seulement. Aurais-je dû envoyer un chèque à Leméac? C'est que j'étais pris dans une conversation avec un éditeur ayant déjà reçu mon manuscrit. Il ne s'était pas encore prononcé. Mais il me faisait comprendre qu'il frôlait la faillite! Novembre est plate pour les mauvaises nouvelles. J'ai juste envie de dormir pour éviter la dépression alors que la lumière rapetisse comme peau de chagrin. Toutes mes obligations me pèsent. Lire, écrire n'est pas obligatoire. Novembre, calendrier grégorien, les saints qui toussent, le mois des morts, el día de los Muertos, disent les Mexicains. Rome et sa pourriture. C'est de la mort que renait toute chose, écrivait Louis Aragon. C'est ce à quoi je consens. Novembre-Aragon et quelque millage dans le corps. J'ai un petit sapin vert bien vivant comme un lièvre sous la main. Novembre dedans. Pour faire changement. Aimer sans condition c'est accepter les morts successives de l'être aimé. Cela vient d'un philosophe qui s'appelle J.F. Malherbe. Il y a novembre. Il y a le vin, les poètes, les philosophes, les écrivains. Il y a que nous mourons, certes. Novembre, november, où se cale la nouveauté? Sous les étoiles déjà trépassées qu'on ne regarde plus?

(Je ne me relis pas).

 
At 11/11/07 1:36 PM , Blogger Onassis said...

Jack : Ça mérite un post ;)

 
At 14/11/07 2:55 AM , Blogger Blanche said...

Onassis, reviens avec d'autres pensées de novembre! Plus joyeuses!
Merci d'avance!:)

 
At 14/11/07 9:01 AM , Blogger Onassis said...

Blanche : Merci. Ça ne saurait tarder...

 

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