Friday, December 28, 2007

About christmas, cows and pictures

26 décembre. Je travaille. Je demande un peu à tout le monde comment s'est passé Noël. Alors, tu as eu de beaux cadeaux ? Tout le monde me donne des réponses prévisibles. Aussi prévisibles que ma question. Itouch. Lacoste. Kenneth Cole. Amy Winehouse. Les réponses se ressemblent et c'est normal. Nous ne faisons pas partie de la même société pour rien. Nous ne regardons pas les mêmes émissions à la télé, lisons les mêmes journaux, regardons les mêmes films pour rien. Tout a une conséquence sur nos choix les plus élémentaires.

Tout le monde a donné des réponses prévisibles. Sauf J.

- J., c'était bien Noël ? Tu as eu de beaux cadeaux ?

- Pas de cadeaux cette année. Nous avons acheté une vache pour une famille en Afrique.

- Une vache ? C'est quoi cette histoire ?

- 1000$, tu envoies ça à un organisme et ils achètent une vache pour une famille.

- Waw. Et Nintendo ? Apple ? Gap ? Nike ? Trop et Martineau (Brault et Martineau)?

- Nada. Rien de tout ça. La vache et le désert.

Je vais vous le dire franchement, j'étais impréssionné. Bouche bée. Flabergasté. Beaucoup de mots qui finissent par 'é'. Et ça ne m'arrive pas souvent.

Mais vient la suite. Mais vient le scepticisme. Mais vient cette horrible chose qu'on m'a inculquée un jour dont je ne me souviens pas. Questionner. Demander. Comment. Pourquoi. À quelle heure. Combien. Qui.

- Comment s'appelle l'organisme, J. ?

- Je ne sais plus. Attends, j'appelle ma mère.

-....

- W.V.

- Aha. Okay. Merci, J.

Et c'est le vingt et unième siècle dans toute sa splendeur. Et c'est Google. Et la page d'accueil s'affiche. Et je suis sur le point de vomir sur l'écran. Car, voyez-vous, il y a la photo d'un gosse qui vous invite à le sponsoriser. Et vous cliquez. Et une photo s'affiche. Le prénom du gosse, son sujet favori, son jeu favori, sa date de naissance, etc. Vous n'êtes pas satisafait ? Cliquez sur le bouton 'suivant' et une autre belle photo, d'une belle fille ou d'un beau garçon, va ressurgir. Faites votre casting ! Faites vos jeux !
Mais il y a mieux. À droite de l'écran, un moteur de recherche. Choisissez ce que vous voulez. Sexe, date de naissance, pays. C'est tout juste s'il n'y a pas le poids. Et je ne peux m'empêcher de penser que c'est de la pornographie, du strip-tease émotionnel, de la mièvrerie à son paroxysme.
Et voilà que je passe de l'étonnement naïf au dégoût énorme. Et voilà que même mon vomi, je le garde pour moi, car ils ne méritent pas, ils ne méritent rien. Rien.

Mes amis imaginaires me crient toutes sortes de choses dans la tête.
- C'est mieux que rien, non ?
- Non.

- Toi, tu peux bien parler, tu ne fais rien.
- Je peux parler oui. Je peux toujours parler. Chacun fait ce qu'il peut avec ce qu'il a.

- La fin justifie les moyens.
- Celui qui a inventé cette connerie devrait être pendu et je suis contre la peine de mort. C'est tout dire.

- La faim justifie les moyens.
- Très drôle ! Très drôle ! Continue de faire l'intéressant.

- Qu'est-ce que tu proposes comme alternative ?
- C'est pas question d'alternative. Aider oui. Les photos, non. Choisir, non. Donner et espèrer que ça arrive dans les bonnes mains.

- Et toi O., Noël, c'était bien ? Tu as eu de bons cadeaux ?
- Oui. Y. le garçon a fait un beau sourire en ouvrant son 'Gaston Lagaffe'. Y. la fille a sauté au plafond en ouvrant tous ses cadeaux. Heureusement qu'elle est petite. Le plafond est resté en place. Et leurs sourires sont mon cadeau. Je l'aime, ce cadeau.
- Oui. Mais une vache, ç'aurait pas été mieux ?
- Les deux, peut-être. Mais aucun des deux bonheurs n'est meilleur que l'autre. Comme aucun malheur n'est pire qu'un autre. Comme aucune souffrance n'a le monopole des autres souffrances. Quand on est heureux, on l'est. Quand on est malheureux, on l'est. Un point, c'est tout.


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Sunday, December 23, 2007

Confusion des genres

Je me suis réveillé mercredi matin. Le mouton était là, brave, superbe de courage, attendant patiemment sa sentence. Je l'ai amené chez A. et ai attendu dehors. Je ne voulais pas voir ça.

Quand je suis rentré, j'ai mis plein de guirlandes autour du mouton. Des gris-gris qui brillent, des étoiles rouges qui brillent aussi. Il était beau le mouton, comme ça.

Je l'ai posé au coin du salon. Et j'ai mis de la musique : du Andaloussi.


Joyeuses fêtes.


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Saturday, December 22, 2007

Oncle Sam. The journey (8).

Samedi. Il pleut timidement dehors pendant qu’une bouilloire étrangement verticale nous promet un thé chaud, qui ne manquera pas de nous rassurer pour le restant de la journée.
Nous allons au musée et c’est au centre-ville. Je n’y suis toujours pas allé à ce centre-ville. Je m’arme de mon appareil photo, d’une veste et je me mets avec le peloton dans la voiture. Pendant que mon oncle conduit, je dis à la blague que mes vacances ont besoin d’un point d’apogée, d'un Événement, de quelque chose qui brise la linéarité du séjour.

Nous y voilà. La file est longue, car quand il pleut, il n’y a que les musées pour nous sauver. En arrière de moi, un long gaillard avec son fils dans les bras. Il me dépasse d’au moins une tête. Il appelle son petit de temps en temps : Jabbar, do this, Jabbar, do that. Comme la file est longue et que je m’ennuie, je lui demande : savez-vous ce que veut dire Jabbar ? Oui : Brave. Je ne refuse pas la traduction. Mais pourquoi avez-vous choisi ce prénom ? J’ai voulu que mon fils ait un prénom moyen-orient/Afrique-du-nord. Okay. (Je trouve ça curieux, mais charmant Et puis, je le sais, ce n’est pas rare chez la communauté afro-américaine des États-unis. Il y en a quelques uns dans la NBA, pour ne prendre que cet exemple). Il me demande : C’est votre première fois ici ? Au musée ? Oui. À Houston aussi. D’ailleurs, je cherchais à savoir : est-ce que le Toyota Center (C’est là que joue Houston Rockets, équipe de Houston de basket-ball) est loin d’ici ? Non, c’est à quelques blocs d’ici. J’y suis allé au season-opening, c’est très bien. J’ai eu beaucoup de fun avec mes enfants. Voilà qui me fait mal : c’est que je m’y suis pris trop tard pour acheter les billets. Il n’y en avait plus pour ce soir. Et la semaine prochaine, ils sont en déplacement dans d’autres villes. Je ne verrai donc pas de match de NBA en direct. Et ça m’énerve ! Je remercie le père de Jabbar, lui souhaite une bonne journée et me dirige avec mon oncle, sa femme et ses enfants vers le guichet. Avant de nous donner nos billets, le préposé insiste sur une chose : il faut absolument visiter la partie consacrée aux pierres précieuses. Il faut absolument visiter la partie consacrée aux pierres précieuses. Il faut absolument visiter la partie consacrée aux pierres précieuses. On a compris…je crois.

On est dedans. Le principe de la poulie. L’énergie. Des dinosaures. Des serpents. Des animaux d’Afrique. Toute sorte de curiosités. Ça flashe de partout et je suis aussi coupable que tous les autres. Je me suis même mis dans la tête de prendre une photo avec un renard (ils ne sont pas vivants, les animaux). Mais il n’y a pas de renard. Et il faut faire avec. Car l’Afrique et les renards..enfin…

Pierres précieuses. Je prends des photos bêtement. Et c’est tout simplement parce que je n’aime pas ça. C’est vert, ça brille, mais sans plus. Je préfère les serpents. Ils avaient l’air dangereux, venimeux, trash. L’émeraude ne me fait pas chavirer le cœur. Et c’est pas demain la veille que ça va changer.

On monte dans la voiture, un peu fatigués, un peu las, un peu gris, comme le gris de la pluie qui persiste dehors, comme le gris du ciel qui l’envoie, comme le gris du sol de tous les parkings du monde, qui franchement n’ont aucun goût.

On vient de sortir du parking avec la ferme intention de rentrer (pas au parking, à la maison !), quand je vois sur une pancarte verte, à droite d’un feu rouge, ceci inscrit : Toyota Center. Mes yeux brillent soudainement et je dis à la blague, mais un peu sérieux au fond, que j’aimerais bien aller voir, pour voir, pour prendre une photo à la sauvette, car un album photo de photos à Houston, sans photo au Toyota Center, franchement, ça manquerait de quelque chose. Mon oncle accepte. On refait le tour, on repasse par le même feu et on tourne à droite. Il y a un feu. Il est rouge. On roule. Il passe au vert. Ça tombe bien, ou roule toujours. Mais non. Ça tombe mal. Une voiture en face brûle son feu rouge. Mon oncle freine, freine, tourne un peu le volant, la voiture glisse. Et paf, on lui rentre dedans. Il n’y a rien de grave. On est plus surpris qu’autre chose. C’est mon deuxième accident en 1 an et quelques mois. Et pour la deuxième fois, je n’ai pas peur. Faut dire que pour la deuxième fois, ce n’est pas dangereux pour deux sous.

La surprise fait place au constat. On vient de faire un accident. Il y a des enfants en arrière. Ça glisse. Ç’aurait pu être plus grave. Mais voilà que le chauffard que je croyais en herbe en est un, un vrai. Il ne s’arrête pas et continue dans sa direction. Mon oncle tourne le volant et le suit. Il demande un papier. Il demande un stylo. Il redemande un papier. Il redemande un stylo. Il me demande de noter le numéro de la plaque. Ce que je fais. La tension monte. Le chauffard poursuit sa fuite. On veut prendre la droite. On regarde le chauffeur de la voiture à notre droite, on lui fait signe, pour qu’il nous laisse la voie. C’est un chauffeur assez jeune. La quarantaine. Chauve. Il est en train de composer un numéro. Il nous fait des signes et on comprend qu’il est avec nous. Il suit la voiture du chauffard et est sûrement en train d’appeler la police. L’Amérique est truffée de surprises.
Le chauffard, voyant qu’on est deux à le suivre, finit par s’arrêter. Dès qu’il sort de la voiture, il sort cette phrase désormais célèbre dans mon livre personnel : The green was so wrong ! Je lui dis : You should have stopped. Il me répond : I was trying, man ! Et c’est là que je sens ce que j’aurais dû deviner plus tôt : il pue l’alcool. Je me retourne vers la voiture. La femme à côté de lui a une bière dans la main et ne bouge pas. On lui dit que tout va bien, mais qu’il faut qu’on appelle la police. Il ne dit rien. Notre ami chauve est toujours au téléphone. À un moment donné, le chauffard nous glisse calmement : je vais stationner la voiture convenablement et je reviens. On lui dit que non, qu'il n’y a aucun besoin de la stationner convenablement, qu'il peut la laisser ainsi, qu'on ne dérange personne. Il fait comme s’il ne nous entendait pas, monte dans la voiture, démarre et prend la poudre d’escampette. Peu importe, on a le numéro de la plaque et un témoin, c’est suffisant. Le gentil monsieur nous écrit ses coordonnées sur une feuille : son adresse, son téléphone à la maison, son cellulaire et nous dit qu’il a déjà été un flic et que c’est normal qu’il nous aide : il espère que si ça lui arrive un jour, quelqu’un l’aidera aussi. What goes around, comes around. Est-ce le côté religieux des Américains ? Est-ce simplement un bon citoyen qui aide d'autres citoyens ? Seraient-ce ses réflexes d’ex-flic qui l’obligeraient à nous aider ? Je n’en sais rien. On le remercie de bon cœur et on part. On cherche le poste de police le plus proche. On tourne, on tourne. On ne voit pas. On demande à une personne dans la rue, qui nous donne des indications. Qu’on suit, mais on ne trouve pas. On demande à une deuxième personne. Il nous donne des indications. Puis, nous offre de lui acheter je-ne-sais-quoi (??), on le remercie poliment et on repart. Il était un peu rond aussi. On roule encore un peu et on voit une voiture de police, gyrophares allumés. On s’arrête et on explique la situation au flic. Il nous dit : vous avez eu un accident depuis combien de temps ? Dix minutes environ. On vous cherche ! Ah bon ? Okay. Nous sommes là. Il parle à un collègue au talkie-walkie en s’éloignant, revient vers nous et nous dit que, finalement, c’était pas nous qu’on cherchait, c’était plutôt une autre voiture. Je lui réxplique l’accident et lui dit que la personne avait bu, qu’elle roule probablement toujours, que c’était dangereux. Il m’explique gentiment qu’un samedi soir, ils ne pouvaient s’offrir le luxe de rechercher un conducteur soûl dans la grande ville de Houston. Il faut faire une déposition et on ira le chercher plus tard. Peut-on faire la déposition, une fois rendus chez nous ? Les enfants sont fatigués…Oui. Vous avez 24 heures pour faire la déposition. Merci. Bonsoir.

Je lui réxplique l’accident et lui dit que la personne avait bu, qu’elle roule probablement toujours, que c’était dangereux. C’est le Canadien en moi qui parlait. Pas le Marocain, O. ? Mais qu’est-ce que tu vas chercher là, Jean-Jacques ? Au Maroc, on ne boit pas. Le Maroc est un pays musulman. C’est pour ça qu’il n’y a pas d’alcootest. Ce ne pouvait donc pas être le Marocain en moi qui parlait. C’est le Canadien, crois-moi !

Il commence à faire nuit. Je pense au centre-ville, à la banlieue. Je pense que ce sont deux mondes différents. Le jour et la nuit. La sécurité et l'insécurité. Les blancs riches et les autres...

Mon oncle et sa femme me disent à la blague : tu voulais ton moment d’apogée, tu l’as eu !

Vrai. Très vrai.

J’aurais dû demander un petit deux millions de dollars.

La prochaine fois.


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Saturday, December 15, 2007

Oncle Sam. The journey (7)

Je viens de recevoir ma valise. Un jour après mon arrivée. Il fait soleil. Un soleil doux d’automne qui vous rassure et vous met le sourire jusqu’aux oreilles. Les petites sont en vacances : Thanksgiving. Demain, On est invités chez des amis de mon oncle et sa femme. Un couple avec deux enfants. Il est Français, elle est Américaine.

Nous sommes demain et nous allons chez P. et C. Il fait gris. Pas vraiment l’idée romantique que je me faisais du Texas. L’autoroute nous grignote. Elle est vaste, large, Américaine. Quarante-cinq minutes plus tard, nous sommes arrivés. Au dessus de la porte, une pancarte en bois qui dit : S., le nom de famille de P. Je lance à mon oncle : il est Suisse, lui, non ? Oui. En effet. Comment tu sais ?

Quand on entre, il y a plusieurs personnes, des femmes, des hommes, des gosses qui courent partout. Ça parle français et anglais. Une grande bibliothèque nous accueille au fond du salon. Des bandes dessinées. Il me faudra un bon vingt minutes, me présenter, faire un tour aux toilettes, scruter des détails ici et là, avant de comprendre : P. est un collectionneur de BDs. Il en parle avec enthousiasme et chaleur : il aime ses bandes dessinées. C’est un passionné. J’aime les passionnés.

Il y a quatre couples en tout. À part mon oncle et sa femme, P. et C., il y a deux autres couples Français. Tout le monde travaille pour des compagnies pétrolières. Tous les hommes. La plupart des épouses n’ont pas encore le permis de travail. C’est le cas de la femme de mon oncle qui ne s’en réjouit pas trop. Bientôt se joint à nous le voisin, dont la femme était déjà présente. Elle a accouché 9 jours plus tôt. On ne dirait pas. Souriante, grande, vivante. Il n’y a pas une seule trace de fatigue ou d’épuisement. Je suis impressionné. Puis, c’est au tour de C. de m’impressionner : elle parle très bien français. Je suis facilement impressionnable finalement. Quoique. Des Américains qui parlent une autre langue, si bien, on n’en trouve pas à chaque coin de rue…

La bouffe est bonne, la discussion joviale et pleine d’anecdotes. P. et mon oncle avaient travaillé ensemble à Paris. Leur mémoire collective fourmille de petites histoires drôles qu’ils nous racontent. On sent qu’ils se sont bien amusés. On sent aussi l’amitié, au-delà des gestes et des mots, elle est là. Et c’en est presque gênant d’être avec eux, ici, et de les écouter parler de leur passé commun.

J’ai bien mangé.

Les enfants jouent dehors. Ils avaient mangé avant nous. Le trampoline les fascine, les excite. Ils rient fort, se dépensent sans retenue et, surtout, sautent comme j’aurais aimé sauter au basket. Mes jambes n’ont rien d’un trampoline.

Il est temps de jouer au tennis. Ils viennent de le déclarer. Je les vois courir partout. Leur tenue est irréprochable : les shorts, les raquettes, les chaussures. Tu veux jouer ? Non, merci. Je suis facilement impressionnable.

Le voisin Américain joue bien. Le service, le revers à deux mains, le jeu de jambes, tout est là. Mais il y a mieux en face. Elle est maigre, maigre, maigre. Mais tape la balle fort, fort, fort. Et avec précision. Le revers est irréprochable, le coup droit, etc. Et elle fait le tout sans le moindre effort. Elle a du métier.

J’ai fini par jouer. En jeans. De tous les services de notre Graff nationale, je n’ai retourné qu’un seul. Le reste au filet. Heureusement que je joue avec le voisin, il cache bien mes faiblesses.

C’est fini. On revient en voiture, eux en sueurs, moi en demi-sueurs. On parle de Federer et Sampras. Justement, ils viennent de jouer deux matchs d’exhibition au Japon. Les deux gagnés par Federer. Mais le deuxième à l’arrachée. Je lance la question : Federer est-il le meilleur de tout le temps ? Je ne suis pas contre. Mais reste Roland Garros. Et Agassi les a tous gagnés, les grands Chelems. Alors ? Je ne sais pas. Ça n’est pas si évident que ça. (Le lendemain, je saurai que Sampras a gagné le troisième match. Ils ont dix ans de différence et Sampras a pris sa retraite depuis un certain temps). Au milieu de nulle part, comme un cri contre l’injustice, je lâche cette phrase, certes justifiée, mais un peu hors sujet : J’aimais Ivan Lendl.

On se remet à table pour discuter. P. nous parle d’un certain V., français qui a travaillé avec lui et certaines des personnes présentes, ici aux États-Unis. J’ai l’impression qu’on parle de François Pignon (Le dîner de cons, L’emmerdeur,…). Monsieur composerait un numéro, taperait sur le clavier pendant que ça sonne, oublierait qu’il avait composé un numéro, puis dix minutes plus tard, parlerait au répondeur sans savoir qui il avait appelé. Euh, Stéphane, non, Alain, en tout cas, cher ami, rappelle-moi…Nous avons ri de bon cœur. P. nous a même amenés un CD avec ces morceaux d’anthologie gravés, pour appuyer ses dires.

Ma cousine m’appelle pour venir dehors. Me voilà sur le trampoline. Les enfants sautent. Ils viennent au milieu, un après l’autre, et font un saut « spécial ». Ils sont beaux et joyeux. Ils parlent anglais et français, simultanément, sans y réfléchir. L’avenir est sur le trampoline. Je descends dix minutes plus tard. J’ai mangé, moi. Je ne peux pas survivre longtemps sur ce dangereux engin.

Les invités commencent à quitter. L’un après l’autre. On se salue, on se souhaite une bonne soirée. 24 heures, ce n’est pas assez pour une journée. Mille ans entiers ne seraient pas suffisants à connaître assez de gens, à se raconter assez d’histoires. Mille ans au complet ne suffiraient pas pour apprendre tout ce qu’il y a à être appris.

C’est fini. On revient en voiture, cette fois vers la maison. On est fatigués, silencieux, les mots sortent au compte-gouttes. Je pense à P. et C., à leur accueil chaleureux, à leurs histoires drôles, à leur façon pragmatique d’éduquer leurs enfants (on en a eu quelques aperçus). Je garderai un doux souvenir d’eux et de cette soirée en général.

Les filles dorment dans la voiture. Le trampoline n’est pas un sport sans conséquences.

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Monday, December 10, 2007

Oncle Sam. The journey (6)

Je roule sur l’autoroute 45 avec le soleil pour seul témoin. Je suis ailleurs, mais je suis encore au Canada. Je suis au Canada, mais pas vraiment. Les pancartes indiquant les sorties sont vertes. Les pancartes indiquant les numéros d’autoroute sont bleues. Ça, c’est chez moi. Mais l’autoroute est large. Il y a quatre voies de chaque côté. J’imagine mal un embouteillage ici. Ainsi, ça se ressemble déjà dans les détails et ça diffère déjà en gros, en quantité, en dimensions. Je roule paisiblement sur la voie de droite : je ne sais quand la sortie W. surgira. Je mets la radio qui m’aboie des phrases en espagnol, puis, sur d’autres chaînes, en anglais. Et je chante. Très mal : Je ne connais pas la chanson en question.

La sortie est là. Je tourne à droite et tombe sur l’avenue escomptée. Feu rouge. Feu vert. Feu rouge. Feu vert. Des arbres me font des clins d’œil un peu partout. Dire qu’aujourd’hui, selon météomédia (j’ai consulté le site la veille à l’hôtel), il neigerait au Québec. La première neige de l’année. Certains l’attendent impatiemment. Je suis content de l’avoir raté. Comme ils disent : on peut sortir le gars du Maroc, mais pas le Maroc du gars. Sacré Maroc, tu es encore là, indélébile, ancré dans mon sang, dans ma peau, dans mon âme. La neige, le froid, ce ne sera jamais mon fort. Pourquoi tu ne fais pas du ski, O. ? Je lâche des réponses, certes vraies, mais « surmontables » : J’ai peur pour mon genou. J’ai peur pour…J’ai peur de…J’ai peur. Et je n’aime pas avoir froid. Quand j’ai froid, je ne pense qu’à une chose : trouver une solution pour avoir moins froid. Alors, m’habiller et aller passer des heures dehors, dans le froid. Non, merci. Pas ma tasse de thé. Thé à la menthe, on s’entend.

Au premier stop, tu tournes à gauche. Au premier stop, je tourne à gauche. Ensuite à droite. Ensuite à droite. Ensuite à droite. Et la rue est là. Et j’avance jusqu’au fond. Et c’est un cul-de-sac. Et elles sont là. Deux fées, l’une plus grande que l’autre, jouent dehors, robes blanches, cheveux au vent, sourire jusqu’aux oreilles. Mes adorables cousines sur deux trottinettes brillantes.

Je suis arrivé. Je n’ai envie que d’une seule chose : une bonne douche chaude.


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Monday, December 03, 2007

Oncle Sam. The journey (5)

Houston. Le hublot laisse entrevoir quelques larmes tombées du ciel. Il fait gris dehors. Je me précipite dehors et appelle mon oncle. Ça ne sera pas long, lui dis-je. Je me fourre les deux mains dans l’œil.

Trente minutes plus tard, j’attends encore ma valise. Tout le monde attend. Non, pas tout le monde. Tous ceux qui ont pris une correspondance avant d’atterrir ici. En arrière de moi, un bureau d’USAirways. Une file se dessine tranquillement. Ça sent mauvais, ce truc. Je me mets en file moi aussi. Il y en a dix avant moi. Les gens parlent. Certains restent stoïques, d’autres sont au bord de la crise de nerfs. Je suis entre les deux, en onzième position, prêt à décoller vers des cieux de visage rouge, nerfs de la gorge prêts à exploser, mains qui se referment et font le poinG.
Une femme d’une quarantaine d’années, les cheveux en bataille à la out-of-bed, les pantalons en cuir, est spécialement en colère. Pourquoi personne n’est venu nous prévenir que les valises étaient perdues ? Pourquoi y a-t-il une seule personne pour nous servir ? Elle s’agite. Et au milieu de nulle part, nous informe qu’elle vient de New-York. Et ça me rappelle tous ces gens qui n’hésitent jamais à glisser un « Je viens de Paris. Je viens de Rabat (ou Casa). Chez nous à Londres. Etc. », comme pour vous prévenir que vous ne parlez pas à n’importe qui. Soit, madame, vous n'êtes pas n'importe qui. Mais vous n'avez toujours pas vos valises ! Pas plus que moi. (Et, vous l'ai-je dit ? Je viens de Rabat !)

Dix personnes plus tard, je rentre dans le bureau du cher préposé. Je pointe le format de ma valise, donne l’adresse de mon oncle, son numéro de téléphone, signe un papier et me fait dire que ce soir, vers 18h, je devrais recevoir ma valise à domicile. J’en doute fort. Mais je suis un pessimiste né, je me trompe sûrement.

Dehors, je trouve mon oncle en train de m’attendre. Mon oncle et le soleil. Beau comité d’accueil. Et c’est comme si je l’avais vu hier ou tout à l’heure. Et c’est comme si j’étais encore avec lui, au bord de la méditerranée, à Sable d’or, à Contre-bandits, à Temara, à marcher, à nager, à courir dans tous les sens. Et c’est comme il y a 20 ans, la mer en moins et les kilos en plus. Et c’est comme il y a toujours.

Il me demande de prendre un papier et me fait faire un dessin. C’est un gros ballon avec un long fil au dessus. Le gros ballon est la Beltway 8. Le long fil est la Highway 45. Nous nous dirigeons vers le bas, sud. Il a un meeting. Ensuite, il faut reprendre la 45, direction nord et prendre la sortie X. G. m’attend avec les enfants. C’est simple comme bonjour.

Voilà, je l’ai déposé. Et je suis là, au volant de la 4*4, avec moi-même et le soleil et la route. J’aime. Ça commence bien, ces vacances. J’aime. Ça sent la liberté, la légèreté, l’allégresse. J’ai de l’adrénaline à en revendre. Je souris seul comme un fou en me regardant dans le rétroviseur.

Au diable la valise, les vols en retard, la nuit à Philadelphie, à moi Houston !


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