Saturday, December 22, 2007

Oncle Sam. The journey (8).

Samedi. Il pleut timidement dehors pendant qu’une bouilloire étrangement verticale nous promet un thé chaud, qui ne manquera pas de nous rassurer pour le restant de la journée.
Nous allons au musée et c’est au centre-ville. Je n’y suis toujours pas allé à ce centre-ville. Je m’arme de mon appareil photo, d’une veste et je me mets avec le peloton dans la voiture. Pendant que mon oncle conduit, je dis à la blague que mes vacances ont besoin d’un point d’apogée, d'un Événement, de quelque chose qui brise la linéarité du séjour.

Nous y voilà. La file est longue, car quand il pleut, il n’y a que les musées pour nous sauver. En arrière de moi, un long gaillard avec son fils dans les bras. Il me dépasse d’au moins une tête. Il appelle son petit de temps en temps : Jabbar, do this, Jabbar, do that. Comme la file est longue et que je m’ennuie, je lui demande : savez-vous ce que veut dire Jabbar ? Oui : Brave. Je ne refuse pas la traduction. Mais pourquoi avez-vous choisi ce prénom ? J’ai voulu que mon fils ait un prénom moyen-orient/Afrique-du-nord. Okay. (Je trouve ça curieux, mais charmant Et puis, je le sais, ce n’est pas rare chez la communauté afro-américaine des États-unis. Il y en a quelques uns dans la NBA, pour ne prendre que cet exemple). Il me demande : C’est votre première fois ici ? Au musée ? Oui. À Houston aussi. D’ailleurs, je cherchais à savoir : est-ce que le Toyota Center (C’est là que joue Houston Rockets, équipe de Houston de basket-ball) est loin d’ici ? Non, c’est à quelques blocs d’ici. J’y suis allé au season-opening, c’est très bien. J’ai eu beaucoup de fun avec mes enfants. Voilà qui me fait mal : c’est que je m’y suis pris trop tard pour acheter les billets. Il n’y en avait plus pour ce soir. Et la semaine prochaine, ils sont en déplacement dans d’autres villes. Je ne verrai donc pas de match de NBA en direct. Et ça m’énerve ! Je remercie le père de Jabbar, lui souhaite une bonne journée et me dirige avec mon oncle, sa femme et ses enfants vers le guichet. Avant de nous donner nos billets, le préposé insiste sur une chose : il faut absolument visiter la partie consacrée aux pierres précieuses. Il faut absolument visiter la partie consacrée aux pierres précieuses. Il faut absolument visiter la partie consacrée aux pierres précieuses. On a compris…je crois.

On est dedans. Le principe de la poulie. L’énergie. Des dinosaures. Des serpents. Des animaux d’Afrique. Toute sorte de curiosités. Ça flashe de partout et je suis aussi coupable que tous les autres. Je me suis même mis dans la tête de prendre une photo avec un renard (ils ne sont pas vivants, les animaux). Mais il n’y a pas de renard. Et il faut faire avec. Car l’Afrique et les renards..enfin…

Pierres précieuses. Je prends des photos bêtement. Et c’est tout simplement parce que je n’aime pas ça. C’est vert, ça brille, mais sans plus. Je préfère les serpents. Ils avaient l’air dangereux, venimeux, trash. L’émeraude ne me fait pas chavirer le cœur. Et c’est pas demain la veille que ça va changer.

On monte dans la voiture, un peu fatigués, un peu las, un peu gris, comme le gris de la pluie qui persiste dehors, comme le gris du ciel qui l’envoie, comme le gris du sol de tous les parkings du monde, qui franchement n’ont aucun goût.

On vient de sortir du parking avec la ferme intention de rentrer (pas au parking, à la maison !), quand je vois sur une pancarte verte, à droite d’un feu rouge, ceci inscrit : Toyota Center. Mes yeux brillent soudainement et je dis à la blague, mais un peu sérieux au fond, que j’aimerais bien aller voir, pour voir, pour prendre une photo à la sauvette, car un album photo de photos à Houston, sans photo au Toyota Center, franchement, ça manquerait de quelque chose. Mon oncle accepte. On refait le tour, on repasse par le même feu et on tourne à droite. Il y a un feu. Il est rouge. On roule. Il passe au vert. Ça tombe bien, ou roule toujours. Mais non. Ça tombe mal. Une voiture en face brûle son feu rouge. Mon oncle freine, freine, tourne un peu le volant, la voiture glisse. Et paf, on lui rentre dedans. Il n’y a rien de grave. On est plus surpris qu’autre chose. C’est mon deuxième accident en 1 an et quelques mois. Et pour la deuxième fois, je n’ai pas peur. Faut dire que pour la deuxième fois, ce n’est pas dangereux pour deux sous.

La surprise fait place au constat. On vient de faire un accident. Il y a des enfants en arrière. Ça glisse. Ç’aurait pu être plus grave. Mais voilà que le chauffard que je croyais en herbe en est un, un vrai. Il ne s’arrête pas et continue dans sa direction. Mon oncle tourne le volant et le suit. Il demande un papier. Il demande un stylo. Il redemande un papier. Il redemande un stylo. Il me demande de noter le numéro de la plaque. Ce que je fais. La tension monte. Le chauffard poursuit sa fuite. On veut prendre la droite. On regarde le chauffeur de la voiture à notre droite, on lui fait signe, pour qu’il nous laisse la voie. C’est un chauffeur assez jeune. La quarantaine. Chauve. Il est en train de composer un numéro. Il nous fait des signes et on comprend qu’il est avec nous. Il suit la voiture du chauffard et est sûrement en train d’appeler la police. L’Amérique est truffée de surprises.
Le chauffard, voyant qu’on est deux à le suivre, finit par s’arrêter. Dès qu’il sort de la voiture, il sort cette phrase désormais célèbre dans mon livre personnel : The green was so wrong ! Je lui dis : You should have stopped. Il me répond : I was trying, man ! Et c’est là que je sens ce que j’aurais dû deviner plus tôt : il pue l’alcool. Je me retourne vers la voiture. La femme à côté de lui a une bière dans la main et ne bouge pas. On lui dit que tout va bien, mais qu’il faut qu’on appelle la police. Il ne dit rien. Notre ami chauve est toujours au téléphone. À un moment donné, le chauffard nous glisse calmement : je vais stationner la voiture convenablement et je reviens. On lui dit que non, qu'il n’y a aucun besoin de la stationner convenablement, qu'il peut la laisser ainsi, qu'on ne dérange personne. Il fait comme s’il ne nous entendait pas, monte dans la voiture, démarre et prend la poudre d’escampette. Peu importe, on a le numéro de la plaque et un témoin, c’est suffisant. Le gentil monsieur nous écrit ses coordonnées sur une feuille : son adresse, son téléphone à la maison, son cellulaire et nous dit qu’il a déjà été un flic et que c’est normal qu’il nous aide : il espère que si ça lui arrive un jour, quelqu’un l’aidera aussi. What goes around, comes around. Est-ce le côté religieux des Américains ? Est-ce simplement un bon citoyen qui aide d'autres citoyens ? Seraient-ce ses réflexes d’ex-flic qui l’obligeraient à nous aider ? Je n’en sais rien. On le remercie de bon cœur et on part. On cherche le poste de police le plus proche. On tourne, on tourne. On ne voit pas. On demande à une personne dans la rue, qui nous donne des indications. Qu’on suit, mais on ne trouve pas. On demande à une deuxième personne. Il nous donne des indications. Puis, nous offre de lui acheter je-ne-sais-quoi (??), on le remercie poliment et on repart. Il était un peu rond aussi. On roule encore un peu et on voit une voiture de police, gyrophares allumés. On s’arrête et on explique la situation au flic. Il nous dit : vous avez eu un accident depuis combien de temps ? Dix minutes environ. On vous cherche ! Ah bon ? Okay. Nous sommes là. Il parle à un collègue au talkie-walkie en s’éloignant, revient vers nous et nous dit que, finalement, c’était pas nous qu’on cherchait, c’était plutôt une autre voiture. Je lui réxplique l’accident et lui dit que la personne avait bu, qu’elle roule probablement toujours, que c’était dangereux. Il m’explique gentiment qu’un samedi soir, ils ne pouvaient s’offrir le luxe de rechercher un conducteur soûl dans la grande ville de Houston. Il faut faire une déposition et on ira le chercher plus tard. Peut-on faire la déposition, une fois rendus chez nous ? Les enfants sont fatigués…Oui. Vous avez 24 heures pour faire la déposition. Merci. Bonsoir.

Je lui réxplique l’accident et lui dit que la personne avait bu, qu’elle roule probablement toujours, que c’était dangereux. C’est le Canadien en moi qui parlait. Pas le Marocain, O. ? Mais qu’est-ce que tu vas chercher là, Jean-Jacques ? Au Maroc, on ne boit pas. Le Maroc est un pays musulman. C’est pour ça qu’il n’y a pas d’alcootest. Ce ne pouvait donc pas être le Marocain en moi qui parlait. C’est le Canadien, crois-moi !

Il commence à faire nuit. Je pense au centre-ville, à la banlieue. Je pense que ce sont deux mondes différents. Le jour et la nuit. La sécurité et l'insécurité. Les blancs riches et les autres...

Mon oncle et sa femme me disent à la blague : tu voulais ton moment d’apogée, tu l’as eu !

Vrai. Très vrai.

J’aurais dû demander un petit deux millions de dollars.

La prochaine fois.


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