Wednesday, March 21, 2007

Une marche vaut mille mots

J’ai voulu faire un tour au YMCA. Puis j’ai eu la flemme. Puis je me suis découragé. Encore des poids. Encore des fous qui veulent être en forme. Encore des miroirs témoins de nos débilités humaines. Tout ça de l’université. Tout ça dans ma petite tête. J’ai voulu et je n’ai plus voulu. Tout seul. Comme ça. En descendant, je me suis décidé à mettre le nez dehors. Fait-il froid ? Pas vraiment. C’est supportable. Quelques degrés en deçà du zéro. J’ai déjà vu pire dans mon cher beau Québec. Marchons alors. Marchons jusqu’à la maison. Je n’habite pas à côté. Mais pas à 20 kilomètres non plus. Ça me prendra 40 – 45 minutes. J’aurais fait mon sport. Et je me baladerai un peu. J’aime marcher. Ça me relaxe. À quelques coins de rue, une épicerie indienne. Ils font un truc végétarien à 65 cents que j’aime bien. Je ne sais comment ça s’appelle. Je sais ce que ça goûte par contre. J’aime bien. Bien sûr, les épices vous sautent au nez. Je rentre et j’en achète deux. Que je mange en marchant sur la rue Ontario. Qui est tantôt sombre, tantôt égayée par quelques lumières courageuses. Je marche et je mâche. Et je regarde les gens. Nous sommes de foutus spécimens. Un grand homme – car plus grand que moi – parle à une petite dame – car plus petite que moi – à grands gestes longs devant le Cégep du Vieux Montréal. Ils discutent calmement. Et deux autres amis les attendent calmement aussi. Je les dépasse. Je me demande de quoi ils parlent. Je crois qu’ils parlent le langage des signes. Une autre langue que j’aimerais apprendre. Quand j’aurai le temps. Quand j’irai me terrer dans un trou loin de tout le monde. Parmi les écureuils et les arbres silencieux. C'est avec l'arbre que je me pratiquerai. Je marche toujours. J’en suis arrivé au deuxième machin-chouette indien. C’est bon. Je ne sais même pas ce qu’il y a dedans. En fait, je savoure les épices. Je suis un être superficiel. C’est la forme qui importe. Le contenu importe peu. Sur la rue St-Denis, les gens sont pressés. Personne ne prend son temps. Tout le monde a un rendez-vous quelque part avec quelqu’un d’autre. Je traverse la rue. Je presse le pas aussi. Ce n’est pas le moment de flâner. On va me bousculer. Rue Berri. La piste cyclable est presque déserte. Dans quelques semaines, le soleil. Et les vélos. Et la vie. Je suis sûr que Montréal double de population entre l’hiver et le printemps. Comment ? Bein, il y a des gens qui ne sortent pas de l’hiver. Ou rarement. Quand tout le monde montre son museau le premier jour de vrai printemps, ça fait un drôle d’effet. On se demande toujours : mais d’où sortent-ils tous ? De chez eux. Des souterrains. De la Floride. Il y a toutes sortes de réponses à cette question sans importance mais ô que capitale. Quand j’arrive au bouquiniste de la rue Ontario (dont le nom contient le mot « trésor », mais qui m’échappe en ce moment), j’ai l’envie soudaine d’y faire un tour. Je vois le libraire dedans, en train de discuter avec deux personnes. J’essaye d’ouvrir la porte. Elle est verrouillée. Il est tard. C’est une discussion privée. Qui sait quel livre j’aurais rencontré ce soir ? Qui sait quel chef-d’œuvre j’aurais découvert ? Je continue mon chemin. Sur la vitrine d’un petit restaurant, j’aperçois l’annonce suivante « Tourtière du Lac St-Jean ». C’est peut-être bon. Mais comment ferai-je la différence entre une tourtière du Lac St-Jean et une tourtière de Chicoutimi ? Moi, qui n’ai jamais mis les pieds ni au Lac, ni à Chicoutimi. Comment ferai-je la distinction ? Encore une annonce attrape-nigaud. Enfin, attrape-touriste. Je passe mon tour. Peut-être un jour. Je dépasse la rue Papineau. Le pont est au bout. Les voitures hurlent. La cacophonie règne. Je me faufile et je traverse. Je suis bientôt arrivé. Encore une quinzaine de minutes. Encore quelques rues et une pente. Je prends la rue parallèle à la mienne. Il n’y a pas de dépanneurs. Pas de magasins. C’est le calme. C’est le noir. C’est l’anonymat. Je pense à tous ces gens chez eux, en train de dîner, en train de regarder la télé. Le Canadien joue-t-il ce soir ? Que disent les nouvelles ? Sûrement des anciennetés. Je pense à toutes ces familles unies et à toutes celles éparpillées. À travers le monde. À travers la ville. À coups de divorces et d’exils. Un seul scénariste a écrit toutes ces histoires. Nous expliquera-t-il un jour ? Le pourquoi ? Le comment ? La raison d’être et de ne pas être ? Je nous le souhaite. Je me le souhaite.

Quand j’arrive chez moi, trois lettres impersonnelles m’attendent. Il est presque 21h. J’ai laissé une lumière allumée. Et c'est la dépression et le regret. Je n’ai pas mal pour la facture d’électricité. J’ai mal pour l’énergie gaspillée. J’ai mal pour les millions de gens à travers le monde qui n’ont pas cette électricité. Et moi, je l’oublie (!) allumée. Les autres n’ont pas ce luxe d’oublier. Les autres n’ont même pas de luxe. Ils ont moins que le nécessaire. Et ils vivent. Alors que je survis.

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At 22/3/07 5:36 AM , Anonymous Anonymous said...

Il faudrait que tu regroupes tous tes textes. C'est vraiment... Enfin, et je trouve presque indécent de te le dire sur tes mots emplis de blues, mais... j'adore.

 
At 22/3/07 8:32 AM , Blogger Onassis said...

Sarvane : Merci. Ce n'est pas indécent du tout. Mes mots sont emplis de blues, certes, mais je ne suis pas au bout de la corde non plus :)

 
At 23/3/07 12:25 AM , Anonymous Anonymous said...

D'un point de vue plus superficiel, maintenant, un petit truc pour la tourtière: La VRAIE tourtière, peu importe la provenance, est faite à base de tourte. Ah oui, et la dernière tourte du Québec est morte en captivité en 1914. Triste, non? Peu de gens auront goûté à la vraie tourtière...

 
At 23/3/07 6:36 PM , Blogger Onassis said...

Rosenanane : Tu veux dire que peu importe où je la commande, je ne mangerai JAMAIS de vraie tourtière ?!!

 

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