Tuesday, April 15, 2008

Rien de mieux que la mer pour me remettre d'aplomb

J’avais acheté des petites bricoles quelques heures avant mon départ pour Cuba. Rien de bien impressionnant : des crayons de couleur, des ciseaux, des cahiers, quelques articles pour femmes et des médicaments. Depuis mon arrivée, j’offre ces articles à droite et à gauche, à tout le monde. La femme de ménage m’écrit une note chaque jour sur un petit bout de papier et me le laisse dans ma chambre. Je lui réponds sur le même papier. Et ainsi de suite. Je sais qu’elle s’appelle Mercedes, mais je ne l’ai jamais encore rencontrée. Elle m’a l’air fort sympathique.

Ce matin, je parlais à une femme de ménage que je vois depuis quelques jours autour du snack-bar. Tu finis à quelle heure aujourd’hui ? À 11h du soir. Tu as commencé à quelle heure ? 8h du matin. (J’ai la mauvaise manie de tutoyer tout le monde. Je n’aime pas vouvoyer. Je n’ai jamais aimé vouvoyer qui que ce soit.) 15h de travail. Le Canadien d’adoption en moi trouve ça trop. Beaucoup trop. Mais qu'y puis-je ?

Je connais tous les maître-nageurs maintenant. Ils sont braves, gentils, serviables. Bien sûr, ils veulent la montre, les lunettes, les palmes. Ils veulent tout. Je m’énerve de temps en temps contre eux pour cette même raison. Et puis, je me dis que peut-être à leur place, j’aurais fait la même chose. Certains emploient la technique de l’hameçon avec moi. Vous ne connaissez pas ? Exemple : vous aimez la montre de Jean. Vous lui dites : combien tu l’as achetée ta montre ? Il donne un prix. Peu importe le prix, vous lui répondez : ah, je n’arriverai jamais à payer ça. Voilà, vous avez jeté l’hameçon. Vous n’avez qu’à attendre que la culpabilité du touriste occidental rassasié le ronge et qu’il vous la donne de plein cœur. Le poisson aura mordu à l’hameçon. Sauf que…je ne suis pas Jean. Encore moins un poisson. Je suis né au Maroc. J’ai vécu longtemps au Maroc. Et les Marocains sont de bons candidats au titre de championnat mondial de la technique de l’hameçon. Les Cubains oublient souvent ce petit détail. Et c’est malheureux. Je ne peux m’empêcher de lire d’avance la situation, deviner le sens de la question peu innocente, reconnaître l’affreux hameçon de loin et faire comme si je n’avais rien compris.

Je dois quand même reconnaître que de temps en temps, je joue le personnage de Jean. Rien à faire, la culpabilité est là et l’on n’arrive jamais à s’en défaire.

Le soleil m’a quelque peu brûlé les épaules, malgré les crèmes dont je n’arrête de m’asperger le corps. Je ne mange jamais au buffet. Le matin, je me présente au snack-bar et je commande une omelette et un thé. J’aime mâcher le pain cubain et boire du thé en face de la mer bleue. Je suis rarement aussi heureux. À midi, je commande trois, quatre pizzas végétariennes avec des frites au même snack. J’en mange une, les autres vont aux maître-nageurs. Le gérant de l’hôtel m’a une fois vu, mais n’a rien dit. Quant au dîner, je mange chaque soir chez Eduardo. Eduardo est le serveur d’un des quatre restaurants de l’hôtel. Les cheveux grisonnants, un peu rondelet, il possède un visage très charismatique et est un homme de peu de mots. Je l’ai connu à travers A. une torontoise qui est ici pour la sixième fois maintenant et qui fréquente un Cubain vivant ici. A. n’a pas besoin de réserver de la façon traditionnelle : elle croise Eduardo et lui demande de lui garder une table pour le soir. Depuis que j’ai goûté à la langouste d’Eduardo, son riz avec une sauce que je ne saurais décrire, sa glace au chocolat, c'est toujours la même chose : à la fin de chaque repas, je réserve d’avance pour le dîner du lendemain.

Mon ventre est un peu plus rond. L’embonpoint d’Eduardo n’est guère une énigme.

Le bleu de la mer me donne chaque jour des frissons.

Ça donne envie d’écrire des poèmes.

Mais quel meilleur poème que la vie…


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At 16/4/08 6:25 PM , Blogger Najlae said...

et tu as aussi oublié que les 15 heures de travail étaient monnaie courante au Maroc?
aji,les medocs ze3ma y en avait pas assez là-bas? ou c trop cher?
et LOL la chute :))
sacré Onassis

 
At 16/4/08 8:19 PM , Blogger Onassis said...

Non, je n'ai pas oublié. Mais c'est pas mieux. C'est un sujet que j'évoquerai peut-être, mais le Maroc et Cuba c'est un peu pareil (du moins, le Maroc de Hassan 2), sauf que le Maroc n'est pas communiste et n'a pas d'embargo....

 
At 17/4/08 10:24 AM , Anonymous Anonymous said...

Onassis,
Exact, Cuba et le Maroc sont pareils sur bien des égards. Aji, nari tu es saqram:-) Mais à ne pas oublier que ceux qui travaillent dans les hotels sont bien mieux nantis que la majorité. D'ailleurs, médecins, informaticiens, enseignants ont troqué profession pour le tourisme car de 10 à 18 tomates par mois tu ne peux survivre que la première semaine. Donc, ceux qui ont la chance de travailler dans le tourisme ou pour les cies étrangères et les ambassades sont chanceux. Les réformes que propose Raoul ne feront qu'accentuer les différences. Car jusqu'à présent on vivait sans trop afficher sa 'richesse'. Je visite du monde riches selon les standards du pays.
NajNaj, c'est cher car avec le CUC qui est tjrs en hausse face aux autres devises c'est cher. Mais, c'est moins cher qu'ailleurs.
Ah, je veux revoir Cuba, j'adore Cuba et son peuple. Onassis, es-tu allé à Santa Clara?
Mwah,
Loula

 
At 17/4/08 1:23 PM , Blogger Onassis said...

Effectivement, les cubains qui travaillent dans le tourisme sont privilégiés. Un peso convertible vaut 24 pesos cubains !!

Je ne suis pas allé à Santa Clara :(...la prochaine fois ?
Quant à Raul, c'est une autre histoire. Tous les Cubains à qui j'ai parlé m'ont dit la misma cosa : es mas perro quel otro...

 

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