Monday, February 12, 2007

Wenthworth, le Hockey sur lac gelé et quelques autres contrastes

Laurentides. Wenthworth. Une trentaine de minutes de Saint-Sauveur. Trois Marocains et une Libanaise née au Sénégal. Deux voitures. Je suis avec C. Quelle musique on met ? Techno. Tiësto nous réchauffe. Et on vole. Pardon ? Comment je fais pour passer d’Alain Lefèvre et son hommage à André Mathieu à Tiësto ? Bein, c’est clair. À chaque saison, ses fleurs. À chaque plat, sa saveur. À chaque ambiance, sa musique. Et l’ambiance est festive, frivole, jeune.

La route est simple et plate jusqu’à Saint-Sauveur. Ensuite, elle se déforme, elle fait des détours. Il fait noir. La neige est partout. Curieusement, d’autres voitures nous suivent. Curieusement. Parce qu’on se serait cru dans un coin perdu où personne ne va jamais. Mais non. Il fait noir, mais on n’est pas seuls.

Le chalet est petit. Deux étages. Une salle de bain. Un salon avec un foyer. Nous mangeons tranquillement avec un vin rouge Québécois que j’avais acheté il y a quelques mois au vignoble qui le produit. Le vin est pas mal. La bouffe est bonne. On discute. On rigole. On se taquine. Devant, il y a un lac gelé. Le voisin a pelleté fort. Une petite patinoire se dessine. On sort le projecteur. On sort les bâtons de Hockey. Et on se fait des passes. Imaginez-vous trois Marocains qui se font des passes de Hockey sur une pseudo-patinoire à Wenthworth. Ce n’est pas drôle ? Et si je rajoute qu’ils n’ont jamais joué au Hockey, qu’ils ne mettent pas des patins, mais des bottes d’hiver et que souvent ils tapent le sol au lieu de la rondelle ? C’est plus drôle maintenant. C’est plus drôle. Dieu que j’aime le folklore !
Refroidis, les bières consommées et les deux rondelles perdues dans les bancs de neige, nous rentrons et nous servons quelques verres de whisky. Nous descendons en bas, allumons le foyer. Jouons au poker ! 5$ chacun. C. n’arrête pas de nous faire des full house. J’ai quatre dollars. J’ai trois dollars. Il est minuit. Il est une heure. Je m’endors. Je n’en peux plus. Onassis n’en peut plus. Il est debout depuis 6 heures du matin. Ses yeux se ferment. Au lit. Tout le monde, au lit. Je me réveille à 4h du matin et je lis une revue niaiseuse de la vie des stars Québécoises. Décidément, mes problèmes de sommeil me suivent même aux Laurentides !

Le lendemain, nous nous levons de bonne humeur. Il fait un peu froid. H. cherche les deux rondelles. Il aime ce genre de défis. Il les trouve. Et nous regarde l’air fier. Il rentre enfin se joindre à nous pour le petit-déjeuner.
Que pouvons-nous faire ? Et si nous faisions le tour du lac ? Quelques pseudo-passes de Hockey plus tard, nous voilà à marcher le long du lac. Les chalets sont beaux. Il y a cette immensité du lac, cette grandeur, cette largeur qui vous remplit les yeux et vous enivre les narines. Le silence. Quelques jappements de chien. Quelques skidoos qui passent et nous polluent l’air pur. Et un soleil constant, témoin de nos pas lents sur un lac gelé, qu’on a du mal à imaginer dégelé. On parle. On parle. Et plus ça va, plus il fait froid. Je demande à S. si elle a la nationalité Sénégalaise. Elle ne l’a pas. Je lui demande tout un tas de choses. Je suis curieux. Son parcours est encore plus original que le mien. J’ai très froid maintenant. On est de l’autre côté du lac. Le soleil s’est évanoui. Ne reste que le vent et nos murmures qui se perdent au milieu de la nature. Nous pressons le pas. J’ai froid aux oreilles. Ça me rappelle mon premier hiver au Canada. Ça me rappelle cette fameuse fois que j’avais eu tellement froid aux oreilles que dans mes yeux, des larmes s'étaient incrustées. K. m’avait passé sa tuque. Et les larmes de rebrousser chemin. Les souvenirs. Les souvenirs. Nous rentrons et grignotons un petit quelque chose. La belle-mère de C., fine cuisinière, nous a concocté quelques chefs-d’œuvre culinaires, que nous nous empressons d’engloutir. Et la fatigue de montrer le bout du nez. À côté du foyer, quelques paroles ont le courage de se faufiler à travers nos bouches. Mais bientôt Morphée nous accueille les bras grands ouverts. Au réveil, bien qu’un peu sonnés, nous sommes déjà d’aplomb pour une nouvelle activité. Il paraît qu’ils pèchent dans un lac à côté. Il paraît qu’ils font des trous et vont à la conquête du poisson. Allons voir. La bière est dans la voiture. Nous sommes habillés jusqu’aux oreilles (C’est le cas de le dire). À la recherche des pêcheurs vont les pécheurs. Quelques virages plus tard, quelques renseignements plus tard, nous sommes au lac. Il y a du monde. Des voitures. Les gens sont souriants. Je suis curieux. Ils font comment pour pêcher ? Ça coûte combien ? S. a peur en voiture. Elle dit que marcher lui ferait moins peur. Mais en voiture, elle a peur que le plancher cède. Nous stationnons. Munis de nos bières, nous nous approchons. Il y a des trous. Et des sortes de bras en bois. Et la pêche se fait toute seule. Bof. Je ne suis pas impressionné. Aucun contact avec la nature. Aucune quête du poisson. Ça se fait tout seul. Comme avec une télécommande. Les gens boivent quelques bières et parlent. Des enfants s’extasient devant des trous dans le lac. Une cabane laisse échapper de la fumée. Nos souvenirs folkloriques venus de Rabat et de Dakar nous poussent à croire que peut-être dans cette cabane, on vend du poisson frit. Les pêcheurs vendent sûrement leur poisson fraîchement cueilli. Naïfs ! Mais quelle belle naïveté. Nous leur demandons. C’est pour se réchauffer. Il n’y a que deux personnes qui ont eu des poissons aujourd’hui. Quel genre de poisson ? De la truite. J’en ai l’eau à la bouche. Je bois une gorgée et je m’imagine un bout de truite dans la bouche. Saloperie d’imagination. Voilà que j’ai faim. Nous restons quelques minutes à parler à nos pêcheurs. Puis, on s’en va. Tout le monde est souriant. Je pense à Hérouxville. 4 arabes, chacun muni d’une bière, se sont présentés aujourd’hui au lac, cherchant une cabane qui vendrait du poisson frit. Il va falloir rajouter aux nouveaux règlements qu’ici, à Hérouxville, nous n’accommodons pas les immigrants. S’ils veulent du poisson frit, qu’ils le préparent chez eux. Et on ne boit pas de la Heineken. On boit de la Molson. Coudonc, c’est pas difficile. À Rome, on fait comme les Romains. Je pense à ces conneries. Et je me dis que je suis en vacances cette fin de semaine, qu’il faut relaxer, oublier la bêtise humaine, oublier les journaux à deux sous, les télés à sensations, les ambitions politiques, les débats qui n’en sont pas. C’est ici que ça se passe. Sur le visage de ces gens heureux, souriants, buveurs, accueillants. C’est ici. Le reste est irréel puisque monté comme une mauvaise pièce de théâtre, puisque mascarade parmi les mascarades.

Il est déjà 16h ou 17h. Un dernier café/chocolat chaud à Saint-Sauveur. Avant, nous passons à la SAQ. Un bon vin s’impose. On ne sait jamais ce qui va se passer ce soir. La nuit est encore longue. La nuit est encore jeune. À la SAQ, les vins sont, comme le savent mes lecteurs Québécois, catégorisés par pays, régions. Sur une des tablettes, c’est écrit « Afrique du Nord ». Je connais déjà à peu près tous les vins Marocains, Tunisiens, Algériens qui sont importés au Québec. Mais qui sait ? Peut-être y a-t-il des nouveautés ? Le premier vin sur lequel je tombe est Libanais. Le deuxième est Libanais. Le troisième est Libanais. Ils sont tous Libanais. Je me prends un vin Australien (sur une autre tablette) et je me dirige vers la caisse. S. se met à côté de moi à ma demande. Je m’adresse à la caissière tout de go :
- Dans la section Afrique Du Nord, tous les vins sont Libanais.
- Et ?
- Le Liban, c’est pas en Afrique Du Nord mademoiselle.
- Oui, mais, c’est parce que d’habitude, on met des vins de l’Afrique du Nord, mais là, on a eu un arrivage du Liban.
- Alors, changez d’enseigne…

S. veut calmer l’atmosphère.
- C’est parce que, lui, il est Africain du Nord et moi je suis Libanaise. Et on s’aime pas.
L’autre caissier se prononce :
- La chicane est toujours poignée oui.

Parlait-il d’Israël et le Liban ? Parlait-il du Darfour ? Parlait-il du Maroc et le Polisario ? Parlait-il de l’éternelle rivalité Montréal-Québec ? Comment le savoir. Avec ses connaissances géographiques avoisinant la température extérieure du Québec en hiver, je ne peux deviner de quelle partie du monde, il parlait. Nous sommes partis. S. m’a dit que j’avais raison d’en parler. Maudit que j’avais raison !

De retour vers Montréal, je remis Tiësto. Et nous nous enflammâmes encore à l’écoute de la deuxième chanson du CD. Je ne saurais la nommer : je suis un inculte de la musique techno.

Quand je reviens chez moi, à Montréal, je suis content. Quand je m’éloigne de chez moi, de Montréal, je suis content aussi. C’est tout comme Tiësto et Alain Lefèvre. C’est tout comme Antoine Doinel (Domicile conjugal – Truffaut) et Néo (The Matrix – Wachowski bros). C’est tout comme les restos espagnols avec du bon vin rouge et les escargots, trempés dans de la sauce piquante, vendus et dégustés dans les petites ruelles du Maroc perdu.

Contrastes, je vous aime.

<$I18NNumpersonnes$>:

At 12/2/07 11:42 PM , Blogger Reda said...

Tiesto, franchement ! S'il t'arrive d'écouter du trance, je peux te passer de la bonne musique trance (prog, full-on ...) moins cheesy que ce Tiesto à dormir debout.

 
At 13/2/07 4:51 AM , Anonymous Anonymous said...

Tu as passé un we dans un paysage de carte postale. Je t'envierais presque mais quand je me dis que c'est ta réalité... Que tu subis ce froid que je déteste, que tu marches dans de la neige qui craque sous tes pas, je t'envie nettement moins... Mais derrière ma fenêtre, oui, super !

 
At 13/2/07 7:05 AM , Blogger le neurone ectopique said...

Tu aimes le risque, mon gars. Maintenant à la SAQ les vins libanais seront dans la section Afrique du Sud.

l'humoriste tordu

 
At 13/2/07 8:59 AM , Anonymous Anonymous said...

Hehehe... Alors comme ça, toi tu étais en mission diplomatique secrète à Wentworth! Attends que le Journal de Mourial sache ça!

Je l'aime bien moi Tiesto... Mais Prog, c'est effectivement génial.

 
At 13/2/07 12:24 PM , Blogger Onassis said...

Reda : Moi, je l'ai bien aimé le Tiesto. J'écoute pas trop la trance. Quand l'ambiance s'y prête. Mais, oui, je serai preneur de ce que tu dis. On ne sait jamais sur quoi on va tomber..:)

Sarvane : Vrai est-il qu'il fait froid et que mes pieds foulent souvent la neige en hiver. Mais le dépaysement est quand même là. La neige. Pas de voitures. Le silence. Et l'immensité du lac gelé. J'ai adoré.

Neurone : Rien à dire..

Éliane : Quand le journal de Mourial va s'emparer de cette information, il en fera ses choux gras. C'est sûr et certain. Tu sembles connaître le coin. Je n'en ai jamais entendu parler avant. Ah ces immigrants, ils ne connaissent même pas nos coins perdus :)

Prog ? On va voir ce que Reda va nous concocter...

 
At 13/2/07 3:24 PM , Blogger Blanche said...

Lecture dépaysante... J'ai imaginé la neige, même avec un peu de mal (avec nos hivers parisiens à +12°, on finit par perdre notre imagination...)

 

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