Une genèse parmi d'autres
2001. Janvier ou février. Il neige dehors. Quelques centimètres de neige. Il est jeune. Il a un cours à l’université. Il a un bus à prendre. Il est pressé. Il hâte le pas. Une dame d’un certain âge marche en avant. Elle marche doucement. Elle titube. Ça glisse. Elle a les cheveux dorés. Elle met un manteau en fourrure. Il hâte le pas. Il veut la dépasser. Il va rater le bus. Elle tombe. Elle crie. Elle a mal. Sa jambe lui fait très mal. Il s’arrête. Il veut l’aider. Il ne peut pas tout seul. Un passant s’arrête et se propose de lui donner un coup de main. Ils portent tous les deux la dame vers le centre commercial à côté. La dame hurle encore. Elle ne parle pas français. Ou alors, la douleur lui a fait oublier son latin. Elle hurle. Les hurlements n’ont pas de langue. Ça sort. Ça gicle. Ça fait grincer les dents. Il a mal pour elle. Mais il n’y peut rien. Il a mal pour elle. Mais il ne lui dit pas. Il ne lui dira jamais. Ils arrivent au centre commercial. Ils la déposent. Ils appellent l’ambulance. Elle parle une langue de l’Europe de l’est. Il ne comprend pas. Mais il imagine. Il imagine des J’ai mal. Il imagine des aidez-moi. Il imagine des je ne sens plus ma jambe. Il pense que sa jambe est peut-être cassée. Il pense que la vie est dure pour les personnes âgées. Il pense que les dieux de la météo devraient être plus cléments. Il pense beaucoup de choses. Mais le fait est là. La dame hurle en Européen de l’est. Et lui est là, incapable de faire quoi que ce soit. Une momie. Un épouvantail. Un squelette vivant. L’ambulance arrive. Il regarde la dame dans les yeux. Elle se tait un moment. Il la regarde intensément et il part. Il prend le bus. Il monte dans le bus. Une mélodie se met à chanter dans sa tête. Une mélodie se met à le hanter. Les mots se déversent dans son cerveau. C’est presque une chanson. Quand il arrive à l’université, il couche ces mots sur un papier. Ce fut la première fois qu’il utilisait cette forme d’expression. La première fois. Et non la dernière.
Les feuilles tombaient d'un jaune orangeâtre
Le vent soufflait comme d'habitude
Je passais voir Pierre
Alors Pierre qu'est ce qu'on fait ce soir?
Ce soir c'est de la bière frère
Ce soir que de la bière
La neige tombait
Flocons par flocons
D'un blanc très blanc
Il neigeait sans façon
Comme tous les jours
Je m'en allai voir Pierre
Alors Pierre quoi de neuf ce soir?
Ce soir moi et la bière, ce soir c'est de la bière
Les oiseaux chantaient
Les arbres dansaient
D'un vert très vert
Comme toujours
Je fis un tour du côté de chez Pierre
Alors Pierre ce soir on va voir ta mère ?
Ma mère c'est ma mère
Ma mère c’est ma mère
Mais ce soir c'est de la bière
Le soleil tapait
Le ciel si bleu aveuglait,
Comme chaque soir
J'ai appelé Pierre
Alors Pierre ce soir qu'est-ce qu'on va faire?
Ce soir toujours de la bière
Ce soir encore de la bière
Les arbres sont en deuil maintenant
Le sol est pour les feuilles un cimetière
Je ne vais plus voir Pierre
Maintenant je suis veuf de Pierre
Pierre il a dit
De la bière même en enfer
Pierre était pour moi un ami et un frère
Il a choisi la bière
Au lieu de son cher
Alors moi je dis
Feu Pierre
Maudite bière
Quel est le rapport entre ces deux événements ? Quel détail dans l’incident de la dame a pu déclencher cette « pensée » ?
« Et lui est là, incapable de faire quoi que ce soit. Une momie. Un épouvantail. Un squelette vivant. »
?
Le lien je ne le connais pas, par contre je serai tenté de sortir une de mes phrases fétiches : 'Les voies du Seigneur sont impénètrables ! '.
Quant aux difficultés que rencontrent les vieux ici pendant l'hiver, ça m'a fait prendre conscience que je ne vivrai pas ma vieillesse au Québec. Et comme le dit bien aznavour ds une ses chansons :
'Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil'.
Par misère, on entend vieillesse :)
Gen : ta théorie est possible. Mais pourquoi le thème de l'alcoolisme, moi qui ne connaissais personne d'alcoolique (personnellement, on s'entend..)...? Mystère.
Reda : On ne sait jamais où les "nomades" finiront leur vie. Car un jour ou l'autre ils se réveillent en chantant : Emmenez-moi au pays des merveilles..:)
Je vois du "Jacques Brel" dans ton poème :-)
Voisine : C'est un GRAND compliment...surtout pour moi :)
Quel rapport ton esprit a-t-il fait ?... Toi seul peut interpréter car interprétation il y a sûrement !