J'y pense et puis j'oublie
Je vis dans un pays bizarre, divisé, morcelé, presque inexistant. Ou je vis dans une province bizarre, trop existante, trop compacte, trop homogène.
Je m’explique.
24 Juin. Fête du Québec. Le Québec est en feu. Ça chante, ça boit, ça crie dans les rues. Le monde est sens dessus dessous. Enfin, le Québec. Seulement le Québec. Les chanteurs performent. Les discours patriotiques vibrent. Les gens vibrent. Je le sais. J’y ai déjà été. Et j’ai vibré. Les drapeaux bleus trônaient. Des relents de fraternité régnaient un peu partout. Je me suis senti québécois. Et ce n’est pas chose courante.
1er Juillet. Fête du Canada. Le Québec est…bein rien. Je vois à la télé un défilé, des chars allégoriques. Un discours terne d’une gouverneur générale que j’aime de moins en moins. Un discours non moins terne d’un premier ministre que je n’ai jamais porté dans mon cœur. Une scène teintée de couleur bleue. Moi, je connais le Canada rouge et blanc. Ça vient d’où ça le bleu ? (les mauvaises langues diront que c’est le parti conservateur qui en a décidé ainsi. Peut-être). Gregory Charles chante en direct. Eva Evila. Je ne sais qui d’autre. On le sait tous, les artistes québécois n’y vont pas souvent, leur capital sympathie risquant une dégringolade inimaginable. Ici. Au Québec. Où il y eut défilé et chants. Où certains ont fêté le Canada. Mais qui ? Mais qui ? Je n’en connais pas un seul. Ces derniers jours, c’était même un running gag tout autour de moi. Bonne fête du Canada. Et tout le monde rit. C’est à n’y rien comprendre. Ça existe-tu ça, le Canada ? Je veux dire. Au-delà de la carte du monde. Au-delà de la confédération. Au-delà des niaiseries terrestres. Ça existe-tu le Canada ?
Mon opinion est bien sûr subjective (des opinions objectives n'existent de toutes les manières pas..). Je n’ai pas beaucoup d’amis anglophones. Et ceux qui le sont, sont souvent des immigrants. Ils se sentent donc Canadiens. Mais pas au point de sortir leur drapeau rouge et blanc sur le balcon. Et de virer une méchante brosse le 1er Juillet. Pas à ce point. Mes amis francophones sont divisés en plusieurs catégories. Les souverainistes purs et durs : Si on devient indépendant, les anglos dehors. Les souverainistes idéalistes : Si on est indépendant, on vivra mieux. Que tout le monde reste ! Les pseudo-souverainistes : Je veux qu’on soit un pays. Mais je sais pas. J’ai pas envie de perdre mon niveau de vie. Mon char, ma maison, mon gazon. Les fédéralistes : Je ne veux pas de Québec indépendant. Le Canada, c’est bon.
Vous en conviendrez, ça ne laisse pas beaucoup de gens pour fêter le 1er Juillet. D’ailleurs, rappelons-nous d’une chose : le 1er Juillet, au Québec, à Montréal plus précisément, ça déménage. Les citoyens s’échangent leurs appartements dans un gros bordel charmant qui est souvent le synonyme d’un nouveau départ, la conséquence d’une douloureuse rupture, l’effet d’un ennui terrible, ou encore la simple envie d’un espace plus grand.
Alors, qui fête le Canada ?
Le reste du Canada. Le Canada moins le Québec. Le Canada anglophone. Et ça fait un pays émietté, fantomatique, imaginaire. Et ça fait que je doute. Et ça fait que je me dis, des fois, que le Canada est un pays d’apatrides qui se rassemblent pour la simple et unique raison que c’est convenable.
Et moi ? L’ai-je fêté ce beau Canada ?
Dutronc le disait mieux que moi. Mais je vais m’essayer.
30 millions de Canadiens. Et moi, et moi et moi. Du fond de mon sofa. J’y pense et puis j’oublie. J’y pense et puis j’oublie.
Non, je ne l’ai pas fêté. Je n’ai pas fêté le Québec non plus.
Ça m’tentait pas. Voilà.
Parce que. Soyons réalistes pour une fois.
Au milieu d’une foule déchaînée, qui chante des chansons patriotiques. Tu fais comment quand tu as envie de pisser ?
J’y pense et puis j’oublie. J’y pense et puis j’oublie.
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J'ai adoré Montréal. J'ai adoré vivre deux mois sur une plaque tournante, où tout est à sa place, où personne n'est vraiment à sa place. J'ai adoré respirer les influences, nourrir la diversité qui fait que Montréal est Montréal. J'ai adoré que les vacances prennent fin. j'ai adoré retourner sur le vieux continent, dont le bras touche presque la maison. J'ai doré cette sensation de me dire que je pouvais fuir ce pays par la terre, la mer ou les cieux si le coeur m'en disait. J'ai adoré revenir dans un pays chargé d'histoire, où les rues portent les stigmates des révolutions autant que les couronnes des grands hommes qui ont marqué son histoire. J'ai adoré reposer mes valises dans un pays avec une identité propre, un art, une gastronomie, une histoire longue, une culture bien à lui, une culture rien qu'à lui. Et j'ai compris pourquoi finalement, je n'avais pas aimé Montréal tant que ça...
Zaz : Entre n'importe quelle ville de la France et Montréal, je prendrai définitivement Montréal. J'ai vécu en Europe...
Et pourquoi Montréal plutôt que l'Europe?
Kennza : Longue réponse. Ça exigerait un texte.
J'y reviendrai.
Ici, ce sera la nouba le 14 juillet :-) Moi, ce que je ne rate jamais, ce sont les feux d'artifice ce soir-là !ils illuminent le ciel de tous côtés, c'est magnifique. Pour le reste...