Aragon a raison
Je traîne la patte. Il n’y a rien à faire. Il faudrait me booster. Je devrais appeler un taxi. 15$ ? Soit ! Mais boostez-moi cher ami. Mettez le négatif dans le positif, le positif dans le négatif et démarrez. Rechargez ma batterie. Je dois rouler pendant une heure ? Soit ! Je roulerai. Je marcherai. Je réfléchirai. Mais il faut vraiment faire quelque chose. J’ai les pieds lourds. J’ai le cheveu fatigué. J’ai ces milliers de boutons qui sortent toujours à la même période de l’année et qui me donnent une étrange allure d’adolescent au corps pas très adolescent. J’ai l’œil hagard. Je ne sais quoi faire. Aller chez le médecin ? Lui dire quoi ? Que novembre ne me sourit pas ? Que la vie est dure ? Il doit bien le savoir à son âge. Aller à la mosquée ? L’église ? La synagogue ? Et y faire quoi ? Parler à Dieu ? Lui réaffirmer ma foi ? Il doit bien avoir d’autres chats à fouetter…
La vie est dure. Et pénible. Surtout pour ceux qui sont dans la marge. Les inadaptés. Ceux qui font semblant. Je fais semblant. Tout le temps. C’est fatiguant des fois. C’est fatiguant souvent. À l’université, je fais semblant. Marre de ce beat lent. Marre de la recherche. Rechercher quoi ? Je veux de l’action. Je veux du stress. Je veux des résultats. Je veux voir qu’on avance. Au boulot, je fais semblant. Les gens s’affolent pour rien. On soupire. On lève la voix. On baisse la voix. On a peur. Du changement. Du boss. Du début du mois. De la fin du mois. De moi (Imaginez!). Pourtant, tout ça n’est rien. Ça ne vaut pas la peine. Ce n’est que de la petite bière. Mais à qui l’expliquer. Alors, faire semblant. Alors, jouer le jeu. Alors, traîner la patte. Meubler ses soirées avec du vide. Procrastiner. Demain plutôt qu’aujourd’hui. Lire des livres légers. Voir des films distrayants. Faire l’inutile. Laisser l’important à plus tard. Planifier sa fin de semaine. Fuir. Fuir. Fuir ces quatre murs. Et leur odeur. Et sortir dehors. Et fuir vers ailleurs. Toujours ailleurs. Toujours là-bas. Et on verra. Et demain nous dira.
Chanter.
La vie est une farce
Dont nous sommes les marionnettes
La vie est un fleuve
On ne sait jamais où on s’arrête
La vie est un feuilleton
Dont les acteurs ne passent pas d’audition
Danser.
Crier.
Marcher.
Faire de l’exercice.
Manger. Manger. Manger.
Boire. Boire. Boire.
Répéter jusqu’à meilleur résultat.
Le temps d’apprendre à vivre et il est déjà trop tard.
Le temps d’apprendre à vivre et il est déjà trop tard.
Tes symptômes ressemblent à ceux que connaissent les écorchés vifs, ces éternels adolescents qui ressentent la vie de plein fouet, qu'elle soit belle ou moche, gaie ou triste. Des hauts ou des bas tout aussi grandioses. Je voudrais les mots mais je ne les sais pas. Peut-être un conseil : trouve-toi un exutoire. Pour moi, c'est l'écriture. Et je ne suis pas bien loin de croire que toi aussi, cela t'aiderait... "Stp, écris-moi une histoire ?"... 5 pages pour commencer, autobiographiques ou romancées, ou entre deux. Juste pour évacuer. Après on en reparle !
Mais...
«Mais au bout de mon âge
qu'aurai-je trouvé?
Vivre est un village
où j'ai mal aimé»
-Aragon ou «quelque chose comme un chant égaré» (Je cite de mémoire)
Novembre, mois des morts pour les catholiques. Jojo! C'est pourtant de la mort que renaît toute chose (Aragon à nouveau).
Onassis, je n'ai pas un taxi grandiloquent qui déborderait et verserait comme du sirop du courant en trop. Mais je comprends très bien ce que tu décris sans prétendre tout saisir. Tu parles de disonance, il me semble, entre tes valeurs et tes pratiques. Je ne pense pas que le «faire semblant» soit de part en part un malaise. J'y vois plutôt l'effort - de toute une vie - pour réduire l'écart entre les pratiques et les affiches. Ceci étant dit,ce n'est pas du velours. Mais cela peut nous ouvrir à l'inattendu, au fait que nous sommes toujours en mouvement dans notre être. C'est là une perspective qui aide à comprendre que tous les pas comptent. Oui, même ce qui nous semble être des pas perdus, des faux pas, des «il ne faut pas».
A+
Isabelle : D'accord, j'essaie. Il me faut une inspiration. Ce qui semble m'être inaccessible en ce moment. Mais je vais me forcer...On s'en reparle. Merci.
Jack : tu es de loin la personne qui joue le plus, le mieux, avec les mots, que je connaisse. (Mon Dieu, quelle longue phrase!)
Chic :-) J'attends...
Onassis, je pense que tu as le mal d’automne ;-) Ton texte laisse entendre que tu es las de traîner les boulets de la routine…
Mais tu as encore suffisamment d’énergie pour lutter : « Je veux de l’action. Je veux du stress. Je veux des résultats. Je veux voir qu’on avance. » et comme le disait Baudelaire « L’énergie est une souffrance positive ».
Je ne me rappelle pas exactement de la façon dont Maalouf a exprimé cela mais je me rappelle du sens : La vie est un jeu auquel il nous est donné de participer mais une seule et unique fois. La mort est une porte de sortie que nous nous réservons, c’est le gage qu’il y a toujours une lumière au bout du tunnel même si nous ne la voyons pas. Alors jouons le jeu cher ami tant qu’on peut !!
Voisine : Ça c'est une autre chose avec laquelle j'ai de la difficulté => la mort. Je n'arrive pas à la percevoir comme une lumière. Pour moi, c'est un échec. On avait demandé à un cinéaste une fois quel serait son rêve . Il a répondu : Ne pas mourir, ce serait déjà quelque chose. Je partage son avis.
Ta citation de Beaudelaire est d'une élégance :)
Considères la mort comme une aventure ou un voyage vers l’inconnu.
Cela devrait t’inciter à profiter de la vie puisque tu penses la connaître et tu y es plus attaché.
La mort? Je ne dis pas que c'est tout compris pour moi. Mais comme le disent avant nous quelques philosophes que j'estime comme Épicure peut-être, je crois bien entrevoir que la mort est derrière nous, non pas devant nous. En plus quotidien, Dylan dit : le sommeil est une petite mort momentanée. Nous sommes certes éphémères. Mais comme le dit si bien la Voisine, le courant qui passe à travers nous (ce jeu de la vie) vient de très loin (tous nos arbres généalogiques réunis forment une forêt immense d'humanité) et nous pousse bien au-delà de notre finitude, de notre solitude. Alors, c'est ainsi que je pense pouvoir entendre Aragon quand il avance que c'est de la mort que renaît toutes choses. Je porte les gènes de miliers de morts qui m'ont précédé. Thanatos est là, dans nos buissons ardents, même pas caché, à toutes les secondes. Thanatos ne sait même pas ce qu'est la dimension du temps. Il toussera (hum... hum...) jusqu'à notre dernière heure. Mais nous, nous savons, malgré les souffrances, les atrocités, l'absurdité, nous savons qu'il y a sur nos lèvres, dans nos mains, toujours l'étincelle d'une naissance, une étoile dans notre coeur, un nouveau jour, une fontaine, une fille, la joie de vivre, un nouveau texte comme le dit Sarvane, un ami à qui l'on parle...
La mort? Je ne dis pas que c'est tout compris pour moi. Mais comme le disent avant nous quelques philosophes que j'estime comme Épicure peut-être, je crois bien entrevoir que la mort est derrière nous, non pas devant nous. En plus quotidien, Dylan dit : le sommeil est une petite mort momentanée. Nous sommes certes éphémères. Mais comme le dit si bien la Voisine, le courant qui passe à travers nous (ce jeu de la vie) vient de très loin (tous nos arbres généalogiques réunis forment une forêt immense d'humanité) et nous pousse bien au-delà de notre finitude, de notre solitude. Alors, c'est ainsi que je pense pouvoir entendre Aragon quand il avance que c'est de la mort que renaît toutes choses. Je porte les gènes de miliers de morts qui m'ont précédé. Thanatos est là, dans nos buissons ardents, même pas caché, à toutes les secondes. Thanatos ne sait même pas ce qu'est la dimension du temps. Il toussera (hum... hum...) jusqu'à notre dernière heure. Mais nous, nous savons, malgré les souffrances, les atrocités, l'absurdité, nous savons qu'il y a sur nos lèvres, dans nos mains, toujours l'étincelle d'une naissance, une étoile dans notre coeur, un nouveau jour, une fontaine, une fille, la joie de vivre, un nouveau texte comme le dit Sarvane, un ami à qui l'on parle...