Monday, March 05, 2007

La marche n'est pas toujours bonne pour la santé



Il neigeait tellement. Je marchais sans but.
Me voit-on quand je marche sous la neige ? Suis-je visible ?

Je marchais.

Je me posais un tas de questions. Et si je tombais dans les pommes ici en pleine neige ? Quinze centimètres. Vingt centimètres. Me trouverait-on ? Si oui, ce serait quand ? Dans deux heures ? Dans deux jours ? Qui se rappellera de mon existence ? Qui remarquera mon absence ?

Je marchais.

Il ventait fort.

Pourquoi congèle-t-on les morts dans les morgues ? Pour les garder en état. Alors, si je marche souvent dans le froid, mon visage ne vieillira pas. Parfait. Je marcherai tous les jours qu’il fera froid. Et les autres jours, je mettrai ma tête dans le congélateur pendant quelques minutes. Ça éloignera les rides. Je serai éternellement jeune. À moi la jeunesse éternelle.

Je marchais.

Les voitures passaient, poussant la neige de leurs pneus usés. La neige encourage l’anonymat. On ne reconnaît personne. On est tous ensevelis sous des vêtements, des bonnets, des gants, des foulards. Qui est mon voisin ? Qui est la conductrice ? Qui es-tu ? Qui suis-je ?

Je marchais.

La vie est étrange. Beaucoup de questions. Peu de réponses. Réponses erronées. Réponses évasives. Réponses trop courtes. Réponses trop explicatives. La vie est étrange. La découverte hebdomadaire de ma propre incapacité à la vivre me pousse à vouloir la vivre plus fort. Je m’accroche à l’impossible. Je m’accroche à l’inexplicable. Je m’accroche. Parce que je ne sais pas. Pas. Pas. Pas

Je marchais.

La neige dansait dans le ciel. Elle faisait des pirouettes. Et la lumière du lampadaire filmait ses mouvements. La neige est reine dans le ciel. Puis elle tombe. Et c’est fini. C’est comme moi. Je marche. Un jour, je tomberai et ce sera fini. C’est comme la feuille de l’arbre. Elle fleurit. Elle verdit. Elle jaunit. Elle tombe. Et c’est fini. Mais il y aura d’autres feuilles, d’autres arbres, d’autres flocons de neige, d’autres moi, d’autres moi. Et peut-être que ça ne finira jamais.

Je marchais.

Je pensais.

Machin-chouette. Couki-coukou. La girouette du diable. Les fleurs du makassouka. La pyramide du fricoti. Le dessin de Gombixti. Les poèmes sarpissiens. La mer du paradis. Le soleil des uns est le soleil des autres. Le soleil des uns est le cauchemar des autres. Les uns sont les autres. Les autres sont les uns.

De la fumée par les oreilles.

Deux aspirines.

L’hôpital.

On va t’interner.

Un jour.

Marche. Marche. Marche.

Tu ne te sauveras point.

Je marchais.

Et la neige dessinait des poèmes dans le ciel furieusement noir d’une soirée d’hiver.
Et la blancheur de la neige contrastait avec la mélancolie du paysage.
Et la solitude du protagoniste remplissait le vide apparent du décor.
Et l’absence de bruit lui faisait croire qu’il était ailleurs.
Et l’odeur du froid remplissait ses narines.
Et son cerveau travaillait.
Et son cerveau travaillait.

Une barque. Une mer douce et paisible. Un chapeau. Des rides. Un ventre. Des bières. La solitude. Le rayon de soleil. Une canne à pêche. Et le silence. Quelques oiseaux qui couinent de temps en temps. Et le temps qui prend son temps. Et le calme qui est roi.

Je ne marchais plus.

Je flottais.

Je flotte.

<$I18NNumpersonnes$>:

At 5/3/07 10:33 PM , Blogger Jack said...

Un sacré beau texte, comme disent les vieux ici. Suis-je si vieux pour parler moi-même ainsi. Vieillir est un poudrerie où l'on se perd de vue. Ouais! Pâles sont parfois les étoiles blanchies. Ensevelies dans l'étrange promenade. Le coup de la solitude. De la finitude. De l'incertitude... Pour les anti-rides sur banc de neige sans bottok (ortho?), je dirais que le test ultime pour savoir si ça fonctionne consiste à prendre un taxi et à attendre la réaction du chauffeur...

 
At 6/3/07 2:57 AM , Blogger Blanche said...

Redevenons terre à terre après ce beau texte qui fait réfléchir, shall we?: il fait quelle température là-où-c'est-que-t'habites?

 
At 6/3/07 5:44 AM , Blogger Najlae said...

3afak flotte plus souvent

 
At 6/3/07 9:20 AM , Blogger Onassis said...

Jack : Prenons le taxi alors et faisons la maudite expérience :)
Welcome Back Jack...

Blanche : Terre-à-terre tu dis ? Froid-à-froid. Froid-à-froid. Ce matin. Roulement de tambour. -24. Mais. Autre roulement de tambour. Température ressentie : -38!!. J'ai intérêt à me couvrir moi...

Najlae : J'essaierai. Mais c'est pas toujours évident. Tu le sais d'ailleurs. Yak ?

 
At 6/3/07 10:00 AM , Blogger Najlae said...

oui.

 
At 6/3/07 2:33 PM , Blogger Blanche said...

C'est quoi, cette histoire de température ressentie? existe pas en france, et pas à moscou!:))

 
At 6/3/07 2:38 PM , Blogger Onassis said...

Blanche : Le facteur vent fait en sorte qu'il fait plus froid que ça ne devrait l'être. Va voir sur meteomedia.ca, c'est plus détaillé..

 
At 7/3/07 5:06 AM , Anonymous Anonymous said...

Le temps. Notre maître du jeu. Que de réflexions dans ce texte...

 

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