Saturday, September 23, 2006

Cette condescendance qui persiste

Sur la presse d'aujourd'hui, un article de Mme Katia Gagnon, intitulé "La vie voilée". Ça parle d'une certaine Mme Shama Naz. Immigrante à Montréal depuis 10 ans, Shama serait née en Arabie Saoudite et porterait le niqab, un voile de couleur sombre qui ne laisse voir que ses superbes yeux.
En lisant l'article, je me dis, au début, je souhaite intérieurement, que cette fois, les occidentaux ne taperont pas sur le voile d'une façon aussi facile que d'habitude. Cet article se veut différent. Cet article ne sera guère une énième riposte contre le-voile-que-la-femme-est-obligée-de-porter-par-un-mâle-musulman-méchant. Mme Gagnon nous parle du parcours universitaire de Shama, de son combat pour trouver un travail et de son embauche, finalement, par une compagnie dirigée par trois patrons francophones (Quel est la pertinence du mot "francophone" dans cette phrase ? Fouillez-moi, comme dirait mon grand-père Québécois). Hormis, le "francophone", tout ça m'a l'air bien. C'est l'histoire d'une voilée, d'une différente, qui a fini par y arriver. C'est l'Amérique, c'est la réussite, c'est la statue de la liberté, c'est la success story. Mme Gagnon continue avec un Elle est rapidement promue et est aujourd'hui cadre dans cette même entreprise. Désormais, c'est elle qui embauche. Waw. Je suis fier de notre Québec. Que dire de cette ouverture d'esprit ? Que dire de ces trois patrons francophones qui ont fait fi de la différence culturelle et religieuse de notre chère Shama, qui ont flairé son talent (en ne voyant que ses yeux) ? Je vous aime chers patrons. Vous êtes mes héros. On nommera des rues à votre nom. Vous aurez vos statues dans des parcs de Montréal. On vous citera en exemple.
Mme Gagnon nous parle ensuite de la rigueur de Shama. Shama n'accepterait de voir qu'un médecin-femme, sauf en cas d'urgence, cas où le sexe du médecin n'est plus si important. Jusqu'ici tout va bien. Mme Gagnon est une journaliste accomplie qui nous livre des faits, tout en gardant une certaine neutralité. Ensuite, vient la conclusion : Shama Naz représente probablement l'image extrême du défi posé par l'immigration à la société québécoise. On est d'accord Mme Gagnon, tout à fait d'accord. Tout ça n'est pas facile. Loin de là.
Mais vient la phrase qui tue. Il y a souvent phrase-qui-tue dans ce genre d'histoires, dans ce genre d'articles. Il y a toujours un hic, une affirmation qui explique tout. Je la cite : Comment s'adapter à ces nouveaux arrivants, dont la religion et la culture sont à des années-lumière des nôtres? Vous me direz, mais qu'est-ce qu'il y a Jean-Jacques ? De quoi te plains-tu ? Qu'est-ce qui te turlupines ? Eh bien, ceux qui me connaissent auront reconnu le(s) mot(s) qui blesse(nt) dans cette phrase. Le(s) mot(s) qui explique(nt) ce clivage, cette rupture, ce malentendu qui dure, peut-être, depuis les croisades. la religion et la culture sont à des années-lumière des nôtres. Années-lumière. Pourquoi croire que cette culture est à des années-lumière de l'autre (ou le contraire) ? Pourquoi insinuer un retard ? Pourquoi prétendre qu'une culture est, finalement, meilleure que l'autre ? Il y a différence. Ça on s'entend. Énorme ? Parfois, oui, parfois pas tellement. Car voyez-vous, entre une société musulmane qui couvre de la tête aux chevilles ses femmes, et une société d'évangélistes ou de juifs orthodoxes, qui oblige les femmes à s'habiller d'une certaine façon, ou à se raser les cheveux et mettre des perruques, moi je vois une grande similarité. Je vois des extrêmes. L'un en orient, l'autre en occident. Et je vois des gens normaux (Mais qu'est-ce que la normalité Jean-Jacques ? ...), au milieu des deux, qui essaient de comprendre ou qui laissent tout simplement vivre l'autre, dans sa différence, dans sa bizarrerie. De là à insinuer qu'il y a retard, primitivisme, moyen-âgisme, je dis non. Je dis non, haut et fort. Et je dis que ça explique tout. Cette condescandance souvent présente dans les médias dits respectables (La preuve, on parle de La Presse, dans ce cas), cette façon de prendre l'autre par le haut et de vouloir tout lui expliquer, tout lui montrer. Et on arrive à la fameuse démocratie, qu'on veut exporter telle quelle, comme on exporte des tomates, du fromage ou du pétrole. Et, combien de fois devrons-nous le dire,ce n'est pas la bonne approche. Ce n'est pas comme ça qu'on effacera ces malentendus, qui nourrissent, j'espère qu'on le sait tous maintenant, l'extrêmisme, le radicalisme, le kamikazisme.

Je ne suis pas pour le voile. Je ne voudrais pas voir ma mère se voiler. Ni ma soeur. (Quant à mes chères tantes, il est trop tard). Je ne suis pas pour le voile. Mais je ne suis pas contre le voile non plus. Je suis d'avis que chacun de nous vit sa propre spiritualité, fait son propre cheminement personnel et arrive à ses propres convictions. Qui a tort ? Personne. Du moins, on ne le saura pas. Car qui devrait en juger ? Car qui sommes-nous pour en juger ? De pauvres créatures avec un petit cerveau qui essaient tant bien que mal de réfléchir, d'analyser, de distinguer les choses, de nuancer. Aussi, je ne comprends pas l'arrogance de certains humains à acclamer, haut et fort, que telle est la vérité, qu'untel a raison et que tel a tort. Je deviens intolérant vis-à-vis de ces gens, parce que je les trouve paresseux intellectuellement, imbus d'eux-mêmes et de leur petit savoir qu'ils croient universel, mondial, infaillible à une quelconque exception ou contradiction. Mesdames, messieurs qui savez, vous allez pour la facilité. Il est facile de taper sur certaines choses de nos jours. Très facile. C'est à la mode. Le monde entier sera derrière vous. Qu'en est-il de prendre des positions courageuses ? Qu'en est-il de mener un combat noble et moins blanc, moins noir, moins manichéen, où le but n'est pas de pointer les "intelligents" et les "moins intelligents", mais plutôt de rapprocher les gens, au delà de leurs différences, de leurs désaccords, de leurs niqabs et de leurs kippas ?

Mme Gagnon, avec tout le respect que je vous dois, la différence n'est pas un retard. Par contre, la fermeture d'esprit, les raccourcis linguistiques, l'arrogance intellectuelle et culturelle, à mon humble avis, le sont.

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At 23/9/06 1:07 PM , Anonymous Anonymous said...

Une année-lumière, c'est une unité de distance, pas de temps. Ce n'est donc pas un retard qui est insinué, mais bel et bien une distance. Et on ne peut pas nier que cette distance existe, tout de même... Ça ne veut pas dire qu'une culture est fondamentalement meilleure que l'autre. C'est plutôt qu'elle est différente de la nôtre.

Un lecteur qui passait ici par hasard.

 
At 23/9/06 1:18 PM , Blogger Onassis said...

Pas d'accord, monsieur, madame. L'année-lumière est bel est bien une unité de distance. Mais dans notre jargon, nous savons tous quand cette expression est utilisée, et ce qu'on veut dire en l'employant...

 
At 23/9/06 10:06 PM , Anonymous Anonymous said...

'' Par contre, la fermeture d'esprit, les raccourcis linguistiques, l'arrogance intellectuelle et culturelle, à mon humble avis, le sont. ''

Je suis bien de ton avis. Tout celà est symbole de lâcheté intellectuelle. C'est beaucoup plus facile de ne pas trop chercher. ;)

 
At 23/9/06 10:46 PM , Anonymous Anonymous said...

Dans l'article, l'ouverture est bien campée. D'ac. La question posée (qui tue) annonce simplement un débat. Avant de crier au loup, on pourrait attendre de voir comment il sera présenté. Sinon, craint-on un débat ou veut-on le gérer en évoquant les kamikazes à l'appui, par une sorte de terrorisme intellectuel ?

Quand à l'exportation de la démocratie, eh bien on pourrait la comparer à l'importation d'une culture qui plante le coran en tête de toute option politique et qui se perçoit à des années lumières au devant des autres religions en perte de terrain.

Vu ainsi, il semble bien y avoir matière à débat, ne serait-ce que pour tenter de calmer les 'malentendus' de part et d'autre.

 
At 23/9/06 10:52 PM , Blogger Onassis said...

L'or : On est d'accord.

Anonymous : L'ouverture était là durant tout l'article. Mais la culture musulmane n'est pas à des années-lumière d'une quelconque autre culture. Elle est différente. C'est de cela que je parle.

"Quand à l'exportation de la démocratie, eh bien on pourrait la comparer à l'importation d'une culture qui plante le coran en tête de toute option politique et qui se perçoit à des années lumières au devant des autres religions en perte de terrain."
Clichés. Clichés. Clichés. Vous voulez croire que tous les musulmans croient que leur religion est en avant des autres. Eh bien, soit. Il n'y a donc pas de débat. Vous avez les idées claires. Bravo !

 
At 23/9/06 11:04 PM , Anonymous Anonymous said...

Le débat est motivé par un souci d'adaptation aux différences. S'il n'y a pas de différences, il n'y a pas de motif de débat.

 
At 24/9/06 4:38 AM , Anonymous Anonymous said...

A lire les commmentaires + haut, j'ai envie de dire "N'empêche !". N'empêche que si chacun se moquait de la religion de l'autre, si chacun laissait l'autre vivre comme il l'entend, alors nous ferions un sacré grand pas en avant sur la voie de la tolérance et du respect. Après tout, la liberté de chacun ne finit-elle pas là où celle de l'autre commence ?...

 
At 24/9/06 11:00 AM , Blogger Onassis said...

Accent grave :

- On ne peut etre d'accord tout le temps. J'accepte que tu ne sois pas d'accord. D'ailleurs, c'est le but d'ecrire, debattre, parler "franchement"...

- J'ai ecrit : Quel est la pertinence du mot "francophone" dans cette phrase ? Fouillez-moi, comme dirait mon grand-père Québécois.
J'emploie cette expression souvent, pour dire que je prends une expression Quebecoise. Bien entendu, mon grand-pere ne connaissait probablement pas que le Quebec existait..c'est une expression "ironique" ou "drole". Du moins, "elle" essaye d'etre drole.

- Pour moi, dire qu'une culture est a des annees-lumiere d'une autre insinue une certaine superiorite. C'est tres clair pour moi. Mais je respecte ton avis.

- Meme si tu dis que La Presse n'est pas un journal respectable, force est de dire qu'ici, a Montreal, il y a deux journaux francophones respectables : Le Devoir et La Presse. En gros, ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas Le Journal De Mourial et que, donc, on s'attend a un certain courage, une certaine recherche, un minimum de respect pour les faits et les individus.

- "Vêtue de tête aux pieds ou la tête rasée à cause de la religion? C'est du pareil au même et ça n'a rien à voir avec la religion." C'est exactement ce que je dis. En occident, des cultures ayant des similitudes avec l'Islam "pratique a la lettre" existent. Donc, il n'y a pas lieu de dire qu'une culture ou une autre est a des annees-lumiere.

- "Normalité? C'est ce qui est dans la norme. Ça varie selon les lieux, selon les mœurs du moment, c'est assez précis."
Si vous etes en train de me dire que la normalite est synonyme de majorite, je ne suis pas d'accord. Mais c'est un autre debat. Je ne crois surtout pas que la normalite soit une chose precise. Loin de la. Qui decide de ce qui est normal ?...

-"Une femme ayant obtenu des diplômes? C'est normal ici. Une femme occupant un poste de direction? C'est normal ici. Qu'elle ait cheminé avec un voile? Pas habituel. L'article parle donc d'une exception, ça dit que normalement, ça ne se passe pas ainsi."
Je crois avoir compris de quoi parle l'article. D'ailleurs, je l'ai bien dit, Dans l'ensemble, l'article allait dans une direction "correcte". Jusqu'a ce qu'on evoque ces "annees-lumiere", mot qui me repugne et que je refuse toujours aussi fortement.

Desole pour les accents, je n'en ai pas sur mon clavier.

 

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