Wednesday, August 23, 2006

La statue




Chanson de Brel que j'adore. Pourquoi ?



D'abord, les paroles :

J'aimerais tenir l'enfant de Marie
Qui a fait graver sous ma statue
" Il a vécu toute sa vie
Entre l'honneur et la vertu "
Moi qui ai trompé mes amis
De faux serment en faux serment
Moi qui ai trompé mes amis
Du jour de l'An au jour de l'An
Moi qui ai trompé mes maîtresses
De sentiment en sentiment
Moi qui ai trompé mes maîtresses
Du printemps jusques au printemps
Cet enfant de Marie je l'aimerais là
Et j'aimerais que les enfants ne me regardent pas

J'aimerais tenir l'enfant de carême
Qui a fait graver sous ma statue
" Les Dieux rappellent ceux qu'ils aiment,
Et c'était lui qu'ils aimaient le plus "
Moi qui n'ai jamais prié Dieu
Que lorsque j'avais mal aux dents
Moi qui n'ai jamais prié Dieu
Que quand j'ai eu peur de Satan
Moi qui n'ai prié Satan
Que lorsque j étais amoureux
Moi qui n'ai prié Satan
Que quand j'ai eu peur du Bon Dieu
Cet enfant de carême je l'aimerais là
Et j'aimerais que les enfants ne me regardent pas

J'aimerais tenir l'enfant de salaud
Qui a fait graver sous ma statue
" Il est mort comme un héros
Il est mort comme on ne meurt plus "
Moi qui suis parti faire la guerre
Parce que je m'ennuyais tellement
Moi qui suis parti faire la guerre
Pour voir si les femmes des Allemands
Moi qui suis mort à la guerre
Parce que les femmes des Allemands
Moi qui suis mort à la guerre
De n'avoir pu faire autrement
Cet enfant de salaud je l'aimerais là
Et j'aimerais que mes enfants ne me regardent pas


Les subtilités :

- À la dernière phase, Brel dit "mes enfants", à la différence des deux autres où il parle des enfants, en général. C'est dire qu'il monte le ton. C'est dire que cette fois, ça sera encore moins beau que les deux autres fois...

- Il prie Dieu quand il a peur de Satan, et Satan quand il a peur de Dieu. Il ne croit ni en Dieu, ni en Satan. Fidèle à lui, Brel est un esprit libre, et en riant de lui (car prier pour Satan quand on a peur de Dieu ou le contraire, n'est-ce pas risible ?) il rit de ces "conventions" que l'être humain s'est créées.

- La chanson se moque de ces statues, mais plus généralement de ces "révisions" biographiques qu'on fait pour les gens qui viennent de perdre la vie. Il nous rappelle que ce n'est pas parce qu'on meurt, qu'on est forcément héroïque ou bon. On est ce qu'on est ou plus précisément dans ce cas : ce qu'on a été.

- Enfin, Brel montre sa modestie à travers cette chanson. Ne me portez pas aux nues quand je mourrai, semble-t-il nous dire, je n'étais pas si....

Dans un certain sens, cette chanson ressemble beaucoup aux autres chansons de Brel : il se moque de la connerie de l'être humain, de sa capacité à maquiller des faits et les rendre plus beaux, plus nobles, plus historiques. Le courage qu'il démontre en se ridiculisant lui-même (ou le personnage de la chanson) (moi qui suis parti faire la guerre parce que je m'ennuyais, pour voir si les femmes des Allemands, mort à la guerre parce que les femmes des Allemands...) est digne de lui-même : aucune crainte du ridicule, critique de la nature humaine, il puise jusque dans le fond de nous, de vous, de lui, et en sort une réflexion, un constat.
Dans un autre sens, cette chanson est complètement différente des autres de Brel : elle est violente. (cet enfant de salaud, je l'aimerais là et j'aimerais que mes enfants ne me regardent pas). À travers cette violence à peine suggérée, Brel se montre intolérant face à la stupidité, à la connerie, d'une façon agressive et impulsive. De mémoire, seule la chanson "les Flamingants" portait en elle autant de violence que celle-ci.

Avec "ces gens-là" qui est un peu plus connue,"La statue" est ma chanson préférée de Brel. Et vous, laquelle vous touche le plus ?

(Jacques, s'il y a un paradis, j'espère que je t'y verrai chanter...)

<$I18NNumpersonnes$>:

At 25/8/06 7:29 PM , Blogger Jack said...

Ça dépend des fois. Tous les textes de Brel sont remarquables. Peut-être pas sa plus grande, mais j'aime beaucoup Voir un ami pleurer. Je suis heueurx de constater que la mélodie est passée au jazz (cf. Yannick Rieu). Dans Un zoo la nuit, l'insertion de la chanson alors que père et fils sont en chaloupe sur un lac, m'a chaviré...

 
At 25/8/06 8:01 PM , Blogger Onassis said...

Voir un ami pleurer. Beaucoup d'émotion là-dedans. Une belle chanson "d'amitié".

 
At 14/9/06 2:36 PM , Anonymous Anonymous said...

La Statue... Magnifique chanson, et l'analyse qui en est faite retrace pour moi tout le caractère de Brel. Brel qui savait si bien manier l'ironie, la mélancolie, la beauté, l'amour et tant d'autres choses...

Pour ma part, je reste un grand fan d'Amsterdam, qui me fait toujours autant vibrer, de Mathile qu'il chante de manière incomparable, de l'Ivrogne, si poignante, et Le plat pays, chargé de tellement d'émotions.

Et puis il y a les classiques : Ne me quitte pas, Quand on a que l'amour, Madeleine, et tant d'autres...

Jacques Brel continuera longtemps à nous transmettre ses émotions, à nous faire rêver et nous faire chanter.

Gautier

 
At 14/9/06 2:40 PM , Blogger Onassis said...

Comme vous dites, Brel ne mourra point !

 

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