Thursday, August 31, 2006

Albert Cossery

La mort de Mahfouz me fait penser à Cossery. Mahfouz était né en 1911, Cossery en 1913. Ils sont tous les deux Égyptiens. Mais ça s'arrête là. L'un a gagné le prix Nobel de littérature et est devenu un personnage médiatique. L'autre est un vieux garçon qui habite dans une chambre d'hôtel et qui déclare vouloir ne jamais rien posséder. L'un écrit en arabe, l'autre écrit en français.
Le premier roman de Cossery que j'ai lu est peut-être son meilleur : "Mendiants et orgueilleux". À travers un personnage charismatique (Gohar), ancien professeur d'université qui démissionne et se transforme en mendiant, parce qu'il ne voulait pas enseigner des mensonges, Cossery dépeint son Égypte : pauvre et crasseuse, regorgeant de personnages uniques : Un policier homosexuel, la femme d'un homme-tronc qui est jalouse de ses discussions avec la gente féminine, un jeune bourgeois qui se laisse séduire par le policier, mais le déteste...Cossery fait sa révolution avec sa plume. Ses personnages sont toujours un tantinet philosophes, sa vérité est pleine de dérision, la paresse plâne sur ses romans. Il voudrait que le monde cesse de tourner dans le mauvais sens et pour ce, il écrit.
En ce moment, Cossery vit encore en France où il est arrivé en 1945, à bord d'un bateau et est resté. Il vit dans la même chambre d'hôtel depuis, à Saint-Germain-Des-Prés. Il a un cancer du larynx, ce qui l'empêche de parler. Inutile de vous dire qu'avec une plume comme la sienne, on n'a pas besoin de parler. On écrit. Et croyez-moi, c'est un plaisir immense que de le lire.

Certains faits à savoir :
- Cossery était admiré, entre autres, par Camus et Miller.
- Le premier recueil de Cossery "Les hommes oubliés de Dieu" fut découvert et traduit par Henry Miller.
- Quand on lui demande pourquoi il écrit, Cossery répond : "Pour que quelqu'un qui vient de me lire n'aille pas travailler le lendemain".

Certaines déclarations de Cossery, vous donneront une idée de sa personnalité :
- Quand vous achetez une voiture, vous devenez esclave, vous vous constituez prisonnier.
- Pourquoi travailler quand on peut l'éviter ?
- Je ne sais qu'écrire.
-
Le progrès social commence toujours par l'indépendance des fesses.
-
Enseigner la vie sans la vivre était le crime de l'ignorance la plus détestable (Mendiants et orgueilleux).

Un extrait de Mendiants et orgueilleux :

"A part cette chaise, il n’y avait rien d’autre qu’une caisse en bois retournée sur laquelle trônaient un réchaud à alcool, une cafetière et une gargoulette contenant de l’eau potable. Gohar vivait dans la plus stricte économie de moyens matériels. La notion du plus élémentaire confort était depuis longtemps bannie de sa mémoire. Il détestait s’entourer d’objets; les objets recelaient les germes latents de la misère, la pire de toutes, la misère inanimée; celle qui engendre fatalement la mélancolie par sa présence sans issue. Non pas qu’il fût sensible aux apparences de la misère; il ne reconnaissait à celle-ci aucune valeur tangible, elle demeurait toujours pour lui une abstraction. Simplement il voulait protéger son regard d’une promiscuité déprimante. Le dénuement de cette chambre avait pour Gohar la beauté de l’insaisissable, il y respirait un air d’optimisme et de liberté. La plupart des meubles et des objets usuels outrageaient sa vue, car ils ne pouvaient offrir aucun aliment à son besoin de fantaisie humaine. Seuls les êtres dans leurs folies innombrables, avaient le don de le divertir."


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At 1/9/06 7:05 PM , Anonymous Anonymous said...

Va falloir que je lise Cossery moi. Très intéressant !

 
At 1/9/06 8:44 PM , Blogger Onassis said...

Plaisir garanti :)

 
At 2/9/06 7:50 PM , Blogger l'élogieuse des mots said...

j'adore najib Mahfouz, j'aime bien Albert Camus.. quand à Henry Miller, son style particulièrement provocateur me séduit.. je suis certaine que je vais adorer Albert Cossery.. Merci pour la découverte ;p..

 
At 3/9/06 11:38 PM , Blogger Onassis said...

Accent grave : Ça me fait plaisir. J'espère que vous vous régalerez.

Rhéa : Tu m'en diras des nouvelles.

Ah, ce que ça me fait plaisir de faire découvrir des livres !

 

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