Wednesday, May 27, 2009

Les arbres, la pluie, la vie !

C'est par un matin gris et légèrement pluvieux que commence cette nouvelle année de ma vie. Je n'ai qu'une vue restreinte du paysage : de ma cuisine, je vois quelques branches d'arbre vertes et un semblant de pluie qui ne cesse de tomber. Les gouttes d'eau gênent parfois le vert immaculé des branches. Et c'est comme un enfant qui colorie au dessus de couleurs déjà existantes.

Les clochers de l'église polonaise (la plus proche église) me réveillent et effacent ces pensées furtives, teintées de douce tristesse. Et c'est comme pour me rappeler que je ne suis pas chez moi. C'est drôle, l'exil. Les cinq premières années, tu cours comme un joyeux luron, dans tous les coins du (nouveau) monde, fier d'être loin, fier de voir toutes ces têtes qui ne te ressemblent pas, fier de tout et de rien. Les cinq années suivantes, tu te sens chez toi, c'est plutôt là-bas que tu n'es plus chez toi, c'est plutôt là-bas qu'ils ont ces pensées bizarres, ces dogmes irrationnels, ces règles enfouies, chuchotées, subites mais (presque) jamais exprimées à haute voix, incompréhensibles pour ta tête d'occidentalisé. Tu es bien. Dans le pays d'accueil que tu as choisi, qui t'a choisi, tu te sens chez toi. Tu as lu leurs livres et leurs journaux, vu leurs films, écouté leur musique. Tu les as bus. Au goulot ! Et maintenant, tu es chez toi. Chez toi. Chez toi.

Mais voilà. 15 ans d'exil, ce n'est pas 5, 10, 12 ans. C'est différent. Voilà que la moindre chanson d'Oum Kelthoum - dont tu n'as jamais, jamais, acheté de CD, à laquelle tu t'es vaguement intéressée - te fait vibrer. Cette chanson, triste et larmoyante, cette élégie chantée par cette diva de la musique arabe, était inscrite quelque part dans ton cerveau, cachée dans un de ces tiroirs ultra-secrets, que même le plus grand des serruriers du monde, ne saurait ouvrir, ne saurait dévaliser. Les clés (car il y en a plusieurs) sont nombreuses et différentes. Il y a l'enfance, l'adolescence, l'interdit, le beau, la jolie. Il y a l'embarras, les complexes, les frustrations, les fou-rires, le bonheur, le débile, le ridicule, mais aussi l'insoupçonné, le vécu passif, le subit. Et c'est là qu'Oum Kelthoum, Abdlouhab, Farid El Atrach et Fairouz viennent, surgissent. Ils étaient là dans ton vécu passif, jouant sur une radio lointaine pendant que, toi, enfant fou, tu jouais au Nintendo, tu écoutais Michael Jackson ou tu te peignais les cheveux à la Vinnie Terranova. Et le cerveau enregistre, classe, cache, dissimule, et un jour crache ! Et c'est des kilomètres de poils qui s'hérissent, et c'est ton coeur qui bat la chamade, et tu ne sais pas pourquoi, mais tu t'arrêtes, tu figes, prisonnier de ta mémoire, de ton coeur, de tes trippes, et tu écoutes, mi-ravi, mi-triste, entre deux mondes, à l'image de ta vie, à l'image de tes choix.

Il ne pleut plus. Le silence règne. Seul le frigo ronronne, clamant à douce voix qu'il est toujours vivant. Le frigo est le gardien du chez-soi. Toujours debout. Toujours au même endroit. Maître de tous ces autres, qui au moindre chuchotement, à la moindre indiscipline, se font sermonner par le vaillant frigo qui les ramène à l'ordre, avec son vague toussotement régulier, constant, comme une horloge qui refuse de rendre les armes.

Il ne pleut plus. Et devant moi, dans ma cuisine, Ché Guevarra regarde au loin, comme si ici, ce n'était pas assez. Je crois que notre valeureux Ché a toujours regardé au loin, levant les yeux, il voyait devant lui et des décennies, des siècles se dessinaient dans son cerveau. Lui, ce n'était pas le vécu passif, c'était l'imaginé actif, une autre discipline à laquelle je ne me suis pas encore attaquée. J'aurais voulu que tu regardes ici Ché. Ici. Avec nous. Avec nous. Mais, l'ironie de la vie aurait fait que je ne t'aurais alors probablement pas connu. Parce que...enfin..tu me comprends...

Le vent souffle maintenant. L'arbre me l'a chuchoté, me l'a singé, du bout de quelques branches qui dansent le tango. Et je ne sais toujours pas quoi faire de cette journée de vacances que j'ai prise. Un peu pour regarder le Barça jouer sa finale, un peu pour me remettre de mes émotions de jeune vieux, de jeune trentenaire.

Le vent souffle toujours. Et je sais que si j'avais un mercredi par semaine, j'écrirais plus souvent.

À bientôt !

Labels:

<$I18NNumpersonnes$>:

At 27/5/09 10:39 PM , Blogger Jack said...

J'en déduis donc, le jeune, qu'il est l'heure de te souhaiter Bon Anniversaire! Ce que je m'applique à faire avec mes meilleurs voeux, ceux qui viennent du cœur.

 
At 30/5/09 3:54 PM , Blogger Onassis said...

Merci Jacques !

 
At 30/5/09 10:04 PM , Blogger simo s no man land said...

joyeux anniversaire,meilleurs voeux de sante et prosperite.

 
At 31/5/09 10:45 PM , Blogger Onassis said...

Merci Simo !

 
At 3/6/09 7:47 PM , Anonymous Reda said...

Respect! T'as bien résumé ce sentiment de l'exilé.
By the way, félicitations pour le triplete :)

 
At 4/6/09 4:48 AM , Blogger Onassis said...

Gracias amigo ! C'était magique !
Quant à l'exil, c'est moins magique !

 

Post a Comment

Subscribe to Post Comments [Atom]

<< Home